On y côtoie les Sénégalaises venues là pour des coiffes tressées, les Kurdes de retour d’un thé mentholé, des Tamouls au sabir railleur. On veut poursuivre son chemin, se glisser, via la rue d’Enghien, dans le passage du Prado. On passe de devanture en devanture, épiceries, bazars, échoppes de gadgets électroniques, bijouteries, bureaux de change. Il fait frais encore, mais on soupçonne le soleil de ne pas en rester là.
On émerge au carrefour Strasbourg-Saint Denis et, sans embarras, on enjambe le Sébasto entre deux feux verts. Là, la cadence se fait alors plus chaloupée. C’est le faubourg Saint-Martin, plus cossu, plus alangui. Il faut se faufiler entre poussettes et gros scooters, jeter un coup d’œil rapide aux toitures effilées du Conservatoire des Arts et Métiers, filer droit le long des grilles de Saint-Martin des Champs, de Saint-Nicolas-Des-Champs, et, après quelques minutes de flânerie dans ces rues plus étroites, parvenir, enfin, sur l’esplanade Georges Pompidou.
Là, on marque un temps d’arrêt pour contempler le mécano, les lignes claires, les gerberettes, les escaliers roulants, les manches à air. Il y a foule déjà, qui fait grappe un peu plus bas, pour accéder aux portes tambour du musée d’Art Moderne, sous les acclamations d’autres quidams qui profitent des performances de concertistes inspirés par l’acoustique du lieu. Le soleil ne veut plus faire figurant. Il commence à taper sans vergogne.
Il faut contourner Beaubourg par la gauche, emprunter la rue du Renard pour la traverser au plus vite. Sitôt sur le trottoir, côté Est, descendre vers la Seine, et surtout, surtout, ne pas tourner à gauche vers le Marais. Ce signifierait se perdre dans les marigots de la vieille ville, aboutir sans trop savoir comment à la Bastille et vouloir tout de suite faire table rase. Ce n’est pas à l’ordre du jour, alors que le mercure continue à monter.
Non, garder le cap plein Sud, pour parvenir Place de Grève. Saluer l’Hôtel de Ville, deviner au loin les tours carrées de Notre-Dame, puis prendre par l’Avenue Victoria pour s’asseoir un instant à l’ombre des saules qui font cour auprès de la Tour Saint Jacques. Fermer les yeux, écouter un instant les stridulations du trafic sur la rue de Rivoli, le bruissement du vent, les éclats de voix qui parlent toutes les langues de Babel. Une fois ragaillardi, longer les façades du Théâtre Sarah Bernhardt et s’engager sur le Quai de la Mégisserie. La rivière en-deca offre son plus beau vert-de-gris. Faire une œillade à la Conciergerie, en passant, juste parce qu’à son habitude elle arbore ses chapeaux pointus, puis aviser le Pont Neuf qui réclame aussi un peu d’attention.
Dans la Samaritaine toute nouvelle on respire un air réfrigéré, on observe une déco ripolinée, aux Malheurs des Dames. C’est une dernière étape pour se désacclimater, avant d’attaquer le gros morceau.
Mais il est trop mastoc, ce palais. Ce Louvre-là. Cette place forte qui commence son jeu d’intimidation par le déploiement de ses douves et l’étirement de ses façades. À cela s’ajoute l’étuve. L’asphalte irradie des volutes bleu pétrole, sauf à l’ombre des guichets, qui sont bien encombrés.
Ce matin de Juillet n’en est plus un. C’est une fournaise sous un azur trop confiant.
Allez, hop, pyramide ou pas, on reviendra.
Reprenons le métro.