vendredi 3 juin 2022

À trois-cent-soixante

Au sortir de l’usine il faut toujours jeter un coup d’œil panoramique, sur la route d’abord – parce que les règles de conduite sont particulières dans le coin – et sur le ciel surtout, pour déterminer la probabilité d’une averse sur le chemin du retour. C’est la mousson, et la mousson est capricieuse ; elle vous fait d’abord croire qu’elle ouvre les vannes à heure fixes, pour ensuite délaver le ciel à coup de draches aussi impromptues qu’éphémères. On lève donc le nez sitôt qu’on chevauche la motocyclette pour savoir s’il faut prévoir cape de pluie, pantalon retroussé et sandales de circonstance.   
Le crépuscule d’aujourd’hui augure plutôt un retour au sec, sous de belles couleurs rose et bleues. Enfin, c’est ce qui se profile au couchant. Il se pourrait bien qu’à l’est on doive se prémunir de moutonnements en toute gamme de gris ; des gris-blanc, des gris-bleu, des gris-argent, cendré, blond, perle, anthracite et, tout là-bas, des teintes sépulcrales qui sentent bon l’orage.

vendredi 15 avril 2022

In situ

Bon voilà. On te demande de prendre deux ou trois poteries, là, comme ça, au pied levé, de les mettre dans le coffre – mais sans les abîmer – et de conduire un peu au hasard, sur les routes de campagnes, pour faire des photos « d’ambiance ». D’ambiance ? Un pot, un vase, une urne, où qu’elle soit, sera toujours dans l’ambiance. Que faudrait-il pour qu’elle n’y soit pas ? Connaissez-vous, vous, une situation géographique non propice à la présence d’une poterie ? Du fin fond de la mer au sommet des montagnes, t’as du pot. De la plus humble des masures au plus opulent des palais, t’as du pot. Bon. Alors on se balade, on trouve des temples, des forêts, des champs, des villages. Et on s’y pose, pot sous le bras, et toc. Jolies photos. Dans l’ambiance.

mardi 22 février 2022

Et têtus avec ça !


Moi, je les vois, matois.
C’est qu’ils m’ont à l’œil.
Piper mot pourtant, eux ?
Tsss. Cul de poule, lèvres pincées,
Et comme si de rien n’était,
Je passe sans sourciller.

lundi 3 janvier 2022

Du balcon

Je sais pas vous, mais quand je suis à Paris, que je rentre dans un ascenseur et que je dois monter au sixième, le bouton que je pousse est toujours celui du dernier étage. Des fois, on n’y regarde pas à deux fois, ça peut être trompeur, il y des « M », des « E », des « 5½ », mais ça ne fait rien, c’est de toute façon le bouton tout en haut, le sixième, juste à côté de celui de l’alarme. Au bout d’un long moment, le bourdonnement feutré de la minuscule cabine de bois vernie marque un temps d’arrêt pour vous déposer là, au sixième donc, sur un palier de parquet chevronné et grinçant que recouvre tant bien que mal une langue de tapis bordeaux mité par les ans. C’est jamais glorieux, un sixième, même avec ce bouton d’ascenseur tout en haut, mais au moins on s’imagine qu’on pourra profiter de la vue, dans une mansarde sur cour pas trop basse de plafond.

Il arrive qu’on doive prendre d’autres ascenseurs ailleurs.

Celui que je dois emprunter maintenant qu’on a déballé nos cartons dans un complexe résidentiel du faubourg chic de Thảo Điền, à Saigon, arbore sur son côté droit un plastron galonné d’une cinquantaine de bitoniaux tous identiques, indexés d’un « B » en bas gauche jusqu’à un « 44 » tout en haut à droite, sur lequel je n’ai jamais vu quiconque poser le doigt. Il faut montrer patte blanche et carte magnétique pour choisir son arrêt, et faire preuve de patience dans la large cabine d’acier trempé lorsque c’est l’heure de pointe. On fait l’impasse sur le « 4e », le « 13e » et le « 14e », histoire de ne pas froisser les susceptibilités, nombreuses dans ces immeubles cosmopolites. Notre pied-à-terre est au trente-septième, où l’ascenseur s’arrête en douceur d’un coup de carillon. Le palier est semblable à tous les autres, carrelé de crème et de faux marbres, doté de portes toutes pareilles. Point de mansarde sous ces latitudes, mais des appartements fonctionnels aux fenêtres hautes et larges. D’où l’on surplombe, à cette altitude de tribun, tout le voisinage, et même davantage.

mercredi 25 août 2021

Saigon Nobody#2 (almost)

Le précieux sauf-conduit.

Tout repose sur ce bout de papier, dûment signé et tamponné, qui permet de franchir les barrages routiers qui se dressent à chaque carrefour. On peut alors traverser la ville de part en part, pour se rendre au travail, ou alors, comme c’est le cas aujourd’hui, à l’hôpital où ont été délivrées, au compte-goutte, les premières doses d’un vaccin tant espéré. 

vendredi 6 août 2021

Non, décidément, non

Chaque matin est redouté. 

Chaque fois est redoutable.

Ils arrivent en combinaisons bleues, s'installent dans la cour et, une fois les formalités remplies, nous appellent un à un pour le curetage.

Un mauvais moment à passer.

Jusqu'à la prochaine fois, dans pas longtemps...

lundi 2 août 2021

Hangarde à soi

Puisque l’usine tient lieu de résidence autant que de travail, et qu’on y est assigné pour les semaines qui viennent, autant y faire campement le plus confortablement possible. Il y a la pléthore de cartons d’emballages, de polystyrène expansé, de palettes et de ventilateurs… 

Certes, ce n’est pas la panacée, et le menu n’est que déclinaison de nouilles instantanées, mais c’est tout de même plus agréable de disposer d’une cour et d’un hangar pour se dégourdir les jambes et pousser la chansonnette, plutôt que de se cogner aux murs d’une maisonnette engoncée dans un hẻm ceinturé de fils de fer barbelés. 

samedi 31 juillet 2021

Saigon Nobody#1

On peut encore braver l’interdit, et rouler sans encombre dans les rues désolées du centre-ville. Il faut juste montrer patte blanche, sortir masqué, ganté, casqué, prétexter une course urgente et faire mine de savoir où l’on va. En faisant attention, on peut ainsi capturer en catimini quelques images de ce paysage urbain déserté, sous les feux d’un soleil impavide. 

dimanche 13 juin 2021

Les prémisses de l'orage

Depuis plus d’un an, le pays est sous cloche. Séclusion volontaire et consentie, au regard d’un monde en proie à des vagues épidémiques de plus en plus virulentes, à mesure que s’égrènent les lettres de l’alphabet grec. En vase clos, Saigon vit au ralenti, et son centre dépeuplé fait l’inventaire de ses commerces qui mettent, les uns après les autres, la clef sous la porte. Etranges saisons où tout semble être suspendu, statique, incertain. Même l’avenue Lê Duẩn, d’habitude toujours remplie d’un trafic incessant, ne voit plus que l’ombre des nuages sur son bitume déserté.

dimanche 6 juin 2021

Cyberchurch

Cela fait déjà plusieurs années que la Cathédrale est carapaçonnée de la sorte. Il faut dire qu’elle en avait bien besoin, d’un ripolinage en profondeur, de la crypte au clocher, après un siècle de bons et loyaux services. Ainsi donc, parée de ce mécano géant, elle n’offre au regard que ces herses de fer, cisaillées d’escaliers. N’en déplaise à Sainte Marie qui lui tourne le dos, toute à ses prières adressées aux nuées, ce monument attend patiemment l’heure du déshabillage, pour exhiber de nouveau briques et pierres de tailles aux couleurs d’antan, lorsqu’elle était la seule à dominer de ses flèches toute la ville alentour. 

samedi 22 mai 2021

Pictures at an exhibition

"Prancing Patterns", une expo photo partagée avec l'incroyablement talentueuse Hagan, dont les travaux de collages photo constituent le parfait contrepoint des mosaïques du projet 100's...

Rendez-vous à NoirFoto Gallery, jusqu'à la fin du mois de Mai !

jeudi 29 avril 2021

Concord Diamonds

C'est un mystère désormais résolu : oui, ce double losange tracé sur les vantaux, les portails et les murs d'enceinte a bien une signification. 

C'est la simplification d'un signe très ancien, issu du Tao, que l'on retrouve partout en Asie de l'Est. Un entrelac de traits imbriqués les uns dans les autres. 

La marque de la concorde et de l'harmonie.  

samedi 17 avril 2021

Modernism vocab - in wrought iron

 
Portails et grilles, barreaux et montants.

samedi 3 avril 2021

Modernism vocab - in concrete

 

Brise-soleils, de briques et de plâtres.

dimanche 21 mars 2021

L'espace d'un instant

Tout, dans cette pièce adjacente au sanctuaire de Quan Vũ, au plein cœur de Chợ Lớn, nous renvoie aux « Club Houses » des maisons communales que l’on trouve dans toutes les villes côtières du sud de la Chine. De ces murs jaunis d’encens et de fumées de pipe, au mobilier d’acajou incrusté d’ivoire, aux dossiers droits et à l’assise incommode ; de ces horloges au cliquetis régulier qui égrènent ces minutes immobiles, sous le regard patiné de photos de patriarches ; de ces sols carrelés de motifs symétriques, étoiles et pétales, frises de triangles et de lignes brisées ; de ces ventilateurs phtisiques qui brassent la moiteur locale. Le décor est immuable, alangui, éternel, propice à l’amorce d’intrigues mystérieuses et alambiquées. On s’y arrête ainsi pour y goûter une tranche d'intemporalité.

jeudi 11 mars 2021

Elles ont des chapeaux ronds


Point de mire,
Mise au point.

Perspectives,
Mine de rien.

Lignes de fuite,
Carton plein.

vendredi 12 février 2021

Prises de Têt #29

À la quinzième tournée, ça commence à taper dur !

Prises de Têt #28

 Le verre est plein.
On se marre bien.
Bref...