dimanche 31 mai 2009

Echec et mât

- Là, avec mon hippocampe en C3, je prends ton phare en D5 !
- Attends, attends, tu ne perds rien pour attendre. Laisse-moi humer l'air... et regarde un peu : ma seiche en H9, la, hop, sur ton poulpe ! Ah ah ! et ta déesse Tien Hau, hein, qu'est-ce qu'elle peut faire ? Elle n'a plus qu'à attendre la fin du grain, moi j'te l'dis !
- Oh, ça sent la marée qui monte, ça !...

lundi 25 mai 2009

L'observateur

Il ne souffle plus, lui qui connaît tous les textes.
Il ne répète plus, lui qui connaît tous les gestes.
Il ne cause pas davantage,
mais, chenu,
il a toute latitude pour exprimer,
d'une inflexion du menton, son accord.

Et on passe à la scène suivante.

mercredi 20 mai 2009

Grossomodoglobalosubstantivologie

Il faut toujours que je le sorte, celui-là. Il est, il faut bien le dire, terriblement plus amusant que ce vocable inusité et vaguement bureaucratique qui tient lieu de 'mot le plus long de la langue française'. Et puis il a ce parfum des madeleines, un peu boisé et neigeux, qui rappelle sa découverte un jour d’hiver dans les Alpes d’antan. Ah, cher savant Cosinus, si tu n’avais pas été là, que saurai-je des inventions cyclopédiques ? Et j’ai pu, avec ton anémélectroreculpédalicoupeventombrosoparacloucycle, m’imaginer toutes sortes de machines farfelues et bizarres qui rouillent aujourd’hui dans un coin de mon cerveau.

Mais puisque nous en sommes aux mots les plus longs - quand bien même eut-il fallu que nous les déconstitutionnalisassions - voyons, donc, si l’anticonstitutionnalité académique des substantifs suivants n’est pas à remettre en cause.

Si le psychiatre marmonne à ses patients qu’ils sont la proie de l’apopathodiaphulatophobie, ce n’est pas pour de rire, non, mais pour rendre cocasse la peur de la constipation.
Et si le catéchumène prononce d’une voix tremblante hexakosioihexekontahexaphobie, c’est qu’il a un souci avec la bête et son nombre 666, dont il est fabuleusement effrayé.
Quant au chimiste, il a pour lui le pouvoir démiurgique de créer avec ses molécules les mantra les plus magiques. Ainsi, d’un simple C1289H2051N343O375S8, le voici qui psalmodie
Methionylglutaminylarginyltyrosylglutamylserylleucylphenylalanylalanyl
glutaminylleucyllysylglutamylarginyllysylglutamylglycylalanylphenylalanyl valylprolylphenylalanylvalylthreonylleucylglycylaspartylprolylglycyl isoleucylglutamylglutaminylserylleucyllysylisoleucylaspartylthreonylleucyl isoleucylglutamylalanylglycylalanylaspartylalanylleucylglutamylleucyl glycylisoleucylprolylphenylalanylserylaspartylprolylleucylalanylaspartyl glycylprolylthreonylisoleucylglutaminylasparaginylalanylthreonylleucyl arginylalanylphenylalanylalanylalanylglycylvalylthreonylprolylalanyl glutaminylcysteinylphenylalanylglutamylmethionylleucylalanylleucyl isoleucylarginylglutaminyllysylhistidylprolylthreonylisoleucylprolyl isoleucylglycylleucylleucylmethionyltyrosylalanylasparaginylleucylvalyl phenylalanylasparaginyllysylglycylisoleucylaspartylglutamylphenylalanyl tyrosylalanylglutaminylcysteinylglutamyllysylvalylglycylvalylaspartylseryl valylleucylvalylalanylaspartylvalylprolylvalylglutaminylglutamylseryl alanylprolylphenylalanylarginylglutaminylalanylalanylleucylarginylhistidyl asparaginylvalylalanylprolylisoleucylphenylalanylisoleucylcysteinylprolyl prolylaspartylalanylaspartylaspartylaspartylleucylleucylarginylglutaminyl isoleucylalanylseryltyrosylglycylarginylglycyltyrosylthreonyltyrosylleucyl leucylserylarginylalanylglycylvalylthreonylglycylalanylglutamylasparaginyl arginylalanylalanylleucylprolylleucylasparaginylhistidylleucylvalylalanyl lysylleucyllysylglutamyltyrosylasparaginylalanylalanylprolylprolylleucyl glutaminylglycylphenylalanylglycylisoleucylserylalanylprolylaspartyl glutaminylvalyllysylalanylalanylisoleucylaspartylalanylglycylalanylalanyl glycylalanylisoleucylserylglycylserylalanylisoleucylvalyllysylisoleucyl isoleucylglutamylglutaminylhistidylasparaginylisoleucylglutamylprolyl glutamyllysylmethionylleucylalanylalanylleucyllysylvalylphenylalanylvalyl glutaminylprolylmethionyllysylalanylalanylthreonylarginylserine.

Avouons ici que les trantriques et autres hindous n’ont qu’à bien se tenir…

jeudi 14 mai 2009

Keep out

Et voilà !
De quoi, donc, se prendre quelques gamelles...


Et si votre cordon doit bleuir, peut-être pourriez-vous jeter un œil circonspect ici.

dimanche 10 mai 2009

Entre les murs

Quatre bâtiments qui délimitent une cour.

Quatre bâtiments, de trois étages chacun, construits pour accueillir des foules de petites têtes brunes, des groupes d’enfants piaillant dans les couloirs, les escaliers, les classes.

Quatre bâtiments où, sentencieux, se sont levés les professeurs pour distribuer bons points et coups de trique, alors que grondait, sourde, la fureur de la guerre au loin.

Quatre bâtiments vidés un jour, comme cela, sur un ordre venu d’on ne sait où, et que l’on a ensuite remplis de cris et de supplices, de rage, de tourments, de désespoir et de mort.

Quatre bâtiments debout toujours, et qui chuchotent encore les plaintes enfuies, les silences si longs qu’ils sont devenus le liant des murs, l’obscurité des coins, les lézardes des marches.

Quatre bâtiments que l’on visite l’âme recroquevillée, en écoutant le passé hurler encore, toujours, à nos oreilles éteintes.

jeudi 7 mai 2009

Une ruche au palais

Il y a de ces cadeaux tout droit sortis d'un conte. Comme un présent apparu d'un autre monde, et qui se matérialise sous les yeux ébahis d'un public envoûté.

Celui-là est de cette sorte : don d'un monarque à un autre, pour signer une entente par delà les continents, et pour en mettre plein la vue, aussi. J'imagine cette construction de fonte et d'acier,
rivetée pièce par pièce dans la cour du palais, et les chambellans de s'interroger sur cette bâtisse étrange, trop haute et trop étroite, trop légère et trop lourde en même temps, et dont l'usage est tenu secret. Quelles messes basses va-t-on prononcer dans ces murs ciselés ?
Bien des sourcils se sont levés à la fin de l'ouvrage, mais le pavillon tint bon sous les regards surpris. Il en garde d'ailleurs toute cette morgue surannée maintenant, et conserve sous les écailles de sa peinture trop terne, cette moue centenaire et hautaine du bâti devenu monument.

lundi 4 mai 2009

De pierres sculptées

Statuaire gracile, souvent agenouillée, en prière, comme pour souligner l’éternité de la pose et de la psalmodie.

Statuaire aux traits qui s’estompent sous les trombes des eaux et des siècles passés.

Statuaire cariatide, soutenant les faîtes de toits royaux.

Statuaire de visages cardinaux qui embrassent sous leur regard l’ensemble de la terre.

samedi 2 mai 2009

Khmères coordonnées

Phnom Penh, c’est sur, étale son bâti avec beaucoup de douceur. La ville a aussi abandonné à sa cartographie le soin de mesurer les carrefours, et si le khmer pollysyllabique s’entend encore, il est remplacé par ce chiffrage efficace et sans âme qui sied au visiteur de passage, dont le souci premier est bien de trouver rapidement son auberge, pour y couler des jours de clarté solaire et de déluges nocturnes.

D'un autre côté

Phnom Penh, capitale Khmère.
Depuis pas très longtemps, mais capitale tout de même. C'est-à-dire, ville, espace d’urbanisme, de découpage géographique assujetti à la volonté de fondateurs de Cite, architectes royaux ou coloniaux français qui tracèrent rues et avenues, sur le tard.
En remontant le temps – sans aller, tout de même, jusqu’aux atours d’Angkor Thom – on peut deviner les traces de rois anciens, de ceux qui trouvèrent à cet endroit les rivières Ton Le Sap et Bassac se mariant un instant dans le Mekong. Ils y trouvèrent ce qu’il fallait, pour s’installer en temples et pagodes, tout ce qu’il fallait de royales commodités, pour y contempler l’eau.


Norodom, le premier, y élut officiellement domicile en 1866, et la férule urbaine coloniale suivit : cardo, decumanus, cadastre, assèchement, digue, toponymie, organisation, administration, puis, vingtième siècle, opulence, perle de l’Asie, guerres vues de loin, de plus près, guerre ici, ville désertée, un temps, puis reconquise, ville tranquille depuis, ville alanguie sur une rive du fleuve.