Sitôt atterris, passés les contrôles et sortis de l'aérogare de Nội Bài, un pick up nous attend. À l'arrière, deux motos, sanglées encore, mais prêtes à rouler pour nous conduire sur les chemins du nord, vers la ligne de crête que l'on devine difficilement au loin.
Le nord.
Le nord et ses mille montagnes, ses myriades de hameaux, ses multitudes de sentes et de torrents sinueux. On se caparaçonne de la tête aux pieds – chutes probables obligent – avant d'enfourcher nos machines, hautes sur roues, lourdes et puissantes avec ça. C'est que la route va monter, monter, et que nous devons tenir la distance.
Première étape : de Nội Bài à Vũ Linh, cent soixante kilomètres plus au nord-ouest, en suivant d'abord de larges voies de plaine, puis, au fur et à mesure de notre progression, des pistes longeant un affluent du fleuve rouge, avant de louvoyer dans les plantations de thé, de prendre la pluie en averses éparses, et, jouant avec les nuages, d'éviter le plus gros grain pour parvenir à notre destination. Ce sera, pour cette première nuit, une maison d'hôte, tenue par un vieux Chamane et sa famille, qui nous accueillent à coup de salutations dialectales. Un dîner pantagruélique s'ensuit à la lueur d'une lampe tempête, arrosé de bières blondes et d'un vin de riz ambré et capiteux à souhait. Après de nombreux godets, nous prenons en titubant nos quartiers, sollicitant pour l'heure – pas si tardive pourtant – la protection de leurs mannes tutélaires.

Les paupières se ferment vite, sous les pales des ventilos, sans trop penser davantage au lendemain, qui sera pour sûr plus aventureux.
Les pentes ne sont pas encore trop escarpées, les routes point trop méandreuses, ni piégeuses. Ça viendra. Ce tour est fait pour, c'est Y. qui le dit, avant de tomber dans un sommeil de plomb.
Le lendemain lui donne rapidement raison. Levés à l'aurore pâle des matins vietnamiens, on replie notre barda fissa pour faire vrombir les moteurs. Notre vieux Chamane fume déjà sa pipe de bambou, et nous salue depuis son hamac. La route s'ouvre tout de go sur d'amples virages, qui cachent à qui mieux mieux le trafic à contresens. On se méfie toujours du camion qui déboule, du bus à l'arrêt qui décharge bagages, ou d'un vélo furtif qui surgit d'une hutte sur pilotis. Bientôt, les courbes s'écourtent, les sommets s'escarpent. On commence à voir poindre les premiers massifs karstiques qui font la gloire de la région. Au détour d'un village, un mamelon rocheux est grignoté par de féroces pelleteuses. C'est qu'on trouve ça et là, sous le gypse et le calcaire, du marbre blanc qui étincelle sous le vert émeraude de la végétation tropicale.

Après une courte pause pour saisir le spectacle, Y. avise une sente qui semble lui convenir. On quitte alors la route pour un détour dans les champs, et notre voie, carrossable au premiers abords, devient vite bourbier. On joue du guidon, on s'envase, on cale, on glisse, on passe. On se crotte comme il faut, de cette gadoue rouge et lourde qui fait tout le bonheur des buffles. Y. est tout sourire. Ce terrain là l'amuse. Ce tour est fait pour. On passe ainsi, au gré des routes de Vũ Linh à Hà Giang, sur toutes les surfaces : d'un bitume lisse qui serpentine, à la pierraille qui patine ; d'un gravier traître qui s'escamote aux nids de poule qui cahotent ; de l'herbe sèche qui dérape au ciment craquelé qui décape.

Et les motos, faisant fi de tout cela, avalent, bondissantes, tous ces kilomètres d'approximatives voiries, en un ballet de suspensions et d'embrayages incessants. La fin d'après-midi arrive bien vite. Les ombres sont déjà longues sur Hà Giang alors que nous cherchons le gîte pour la nuit. C'est une autre maison d'hôte, en bordure de rizières, au toit de chaume épais, au balcon ciselé de bois jaune. L'accueil y est spartiate, mais de très bon aloi : Madame Đổi nous comprend, et, tandis que nous retirons, tous soupirs satisfaits, notre attirail boueux et désanglons nos sacs, de fraîches canettes de Bia Hà Nội font leur apparition, et nous lampons goulûment la première avec délice. La tension du jour redescend peu à peu, et nous contemplons enfin les bosses pas si lointaine maintenant du dos de l'infini dragon qui marque le septentrion crépusculaire.
« Le voilà. À partir d'ici commence mon jardin ». En bon cantonnier motocycliste, Y. aime à couvrir, recouvrer, redécouvrir le territoire qu'il affectionne tant. Nul ne peut lui porter tord. La vue, en ce troisième jour, est magnifique. Hà Giang, quitté à l'aube, est blotti quelque part, derrière de multiples horizons. Le ciel, bouché par endroit, dissimule des pans de vallées, rehausse le contour d'absonces crêtes, s'amuse à nous doucher aux moments les moins propices. Le col est abrupt, et ce n'est que le début. Des passes sauvages s'ouvrent soudainement sur de profondes ravines. Sur leur versant, en aplat, un bourg. Trois rues qui tournicotent. Un garage. De quoi graisser nos chaînes. Une station service. Avaler essences et nouilles, pour les unes d'abord, pour nous après.
Faut bien, vu la suite.

C'est un Rubicon franchi sur une passerelle suspendue, qui marque le début d'une longue succession de lacets, à flanc de coteau. Les rizières étagées sont éparses, tout comme les parcelles protéiformes où poussent quelques épis de maïs. La route s'engouffre dans une gorge, avant de resurgir, glorieuse, au sommet d'un autre col, d'où l'on embrasse l'encaissement d'une autre vallée. Les virages deviennent épingles. Les freins geignent, le moteur tourne en surrégime. On embraye à tout va. Ca descend sec, et puis, tout soudain, c'est le plat, les cahutes de bois de part et d'autre d'une rue rectiligne. Toujours du maïs, mais aussi, dans cette combe perdue, du chanvre, beaucoup de chanvre. Les senteurs sont lourdes, et le ciel ne semble pas vouloir lever ses voiles. La brume et la pluie effilochent la vision, et nous poursuivons la route au jugé, découvrant au detour de vallons de vieilles ruines militaires, de hautes huttes et des troupeaux de zébus. Y. s'arrête de temps à autre, pour verifier ses cartes et fumer une cigarette. Nous progressons dans des terres reculées. Le relief n'est plus qu'accidents. Nous grimpons encore.

Le jeu des perspectives semblent s'inverser. Où est le haut, où est le bas ? Sitot gravi un massif, en voilà un plus haut, tandis que les sommets derrière nous disparaissent sous les nuées. La pluie tombe en fine bruine, qui, malgré notre attirail, nous trempe jusqu'aux os. Transis, on se sait proche du but, mais les dernières lieues sont les plus ondoyantes, éprouvantes, déroutantes, effrayantes. Le paysage est lunaire, et, pour la première fois, désespérément vide d'homme. Le chemin étroit louvoie entre collines et ravins de pierres noires. Ce spectacle désolé dure, et nous sommes, pour un temps, hors du monde. Et puis, au coin d'une falaise, réapparaissent des traces de civilisation. Des silhouettes. Un hameau, suspendu là, puis un village en contrebas. On le traverse pour enfin clore de la plus belle des manières cette étape ruisselante : s'ouvre enfin le ciel pour nous offrir une vue dégagée sur les gorges de Mã Pì Lèng, mille mètres en contrebas.

Juste à un jet de pierre, ou presque, c'est la Chine qui moutonne. Un temps de pause, mais on ne reste pas.

Fourbus et satisfaits, nous descendons sur Mèo Vạc, où nous attendent de somptueux quartiers. Ce tour est fait pour. Une maison H'Mông centenaire, aux solides fondations de pierres, aux murs de torchis et à l'armature de bois vieux, convertie en auberge, nous ouvre ses portes. Là, nous profitons de l'eau chaude, et d'un feu de cheminée pour dénouer la journée. Le dîner est faste, la bière, puis le vin coulent à flots, et Morphée nous accueille sans trop de tracas. Nous n'entendrons pas, saouls que nous sommes, les conseils de la nuit.

Qui se charge, le matin suivant, de nous rappeler à son bon souvenir. Les agapes passées ralentissent nos mouvements. Le départ est tardif. Nous quittons Mèo Vạc sinueusement, tant par la tête que par la route. Pourtant, vite, le rythme des voies du nord reprend ses droits. Ça tourne, ça vire, ça suscite attention. Camion. Bus. Vélos. Buffles. Chiens et coqs qui se jettent sur l'asphalte sans crier gare. Vues sur les horizons découpés sur un ciel qui, enfin, expose un peu d'azur. Cette quatrième étape semble plus roulante. Nous retrouvons de basses terres, juste pour un moment, un suivi de rivière, coupée de centrales hydrauliques, et d'un village sans nom où l'on refait le plein. Y., le regard dans ses cartes, a de quoi nous faire remonter vers les cimes.
Les moteurs repartent à l'assaut et nous voilà bientôt dedans, puis au dessus des nuages. Devant, vu le serpentin qui attaque ce col-là, c'est qu'il en aura probablement fallu, des explosions de dynamite et

des coups de barre à mine, pour ouvrir cette trace en lacets serrés, où chèvres et chevreaux viennent à notre encontre. Une fois encore, c'est un plateau perdu, une terre suspendue, aux rares lignes électriques. Un coin de plus au nord qui ne connaît que ça. De ce cirque nous en faisons le tour, et puis, toujours, la route trouve une improbable issue, pour nous mener dans des pentes miroitantes. Des terrasses piquées de riz bruissent sous le vent. Des paysannes, jeunes et vieilles, coiffées de noir, portent leur fardeau. Des chevaux broutent au bord des champs. L'horizon est un troupeau de sommets arrondis qui se disputent la première ligne. Nous dévalons, ballons à fond, au sec puis sous une averse soudaine, et arrivons sur les terres alluviales d'un bassin ancestral.
Là, plate, la travée de ciment coupe les rizières, et finit par s'élargir un peu avant Cao Bằng, préfecture de son éponyme province. C'est une cité. Qui s'annonce par de véritables faubourgs, industriels, puis administratifs. Parvenus à un gros rond points perclus de véhicules, nous cherchons le logis qui nous servira d'abri pour la nuit. C'est un étrange village de vacances en bord de rivière, au luxuriant jardin, aux bungalows de bambous vissés sur structure d'acier, où nous ne resterons que pour le confort du matelas, rapport au grand réfectoire d'où proviennent les basses monotones d'une techno cheap. Pour varier le menu, nous trouvons à côté du marché municipal un restaurant italien nommé « Pedro » (
ma... perché ?) qui cuit dans son four électrique d'excellentes pizza Calzone. On s'y pose pour faire le point sur la suite – ce tour est fait pour – et pour dégoiser sur les kilomètres parcourus.
Au petit matin, le GO du village, ainsi que l'ensemble de l'équipe, est aux abonnés absents. Nous obtenons tout le même, à force de coups de poignets répétés sur quelque porte managériale, nos passeports, réglons la note sous les bâillements d'un commis, et vrombissons pour prendre congé, et café, ailleurs. Cette journée de route a la particularité de nous ramener en boucle à Cao Bằng, mais nous devons tout d'abord nous rendre à la cascade de Bản Giốc et nous arrêter en cours pour visiter d'autres maisons d'hôtes. Repérages pour d'ultérieures escapades... Sait-on jamais ? La route se révèle, depuis la ville, très passante. Leitmotiv, toujours : méandres ; camions ; bus ; vélos ; chiens ; volailles. Les guidons nous guident. Les kilomètres nous kilomètrent. Au plus près de notre destination, nous procédons à nos visites. Les enfants qui s'attroupent à notre irruption sont ravis. Nous en redemandent encore, de ces syllabes étranges qui font le plaisir d'entendre des étrangers. Les dortoirs de bois polis sont propres et bien tenus. Le confort est spartiate. Les rizières resplendissent. Leur vert est du plus bel émeraude. Ce sont, pour sûr, de tranquilles havres d'un jour dans ces magnifiques contrées.

Pas si loin, donc, les cascades de Bản Giốc sont des chutes qui s'aperçoivent de loin, en remous vaporeux. Le gros de la mousson y dégorge ses flots, et tout le relief étincelle sous les embruns. L'eau y est transfrontalière et, si le courant qui projette sa brume devant nous est vietnamien, le voilà chinois à seulement une encâblure. Les touristes de passage ne se mélangent donc point, parqués qu'ils sont aux limites de leur territoire respectif, et prenant des selfies derrière Đức Thiên-Bản Ước ou 德天-板約瀑布, comme on voudra.
Comme il fait faim, nous avisons les gargotes qui font commerce de l'endroit pour avaler un bol de riz. Chou blanc. Il n'y a là que des nouilles instantanées scellées de cellophane arborant logo coréen. On décline donc ce festin minute pour trouver de quoi nous sustenter de manière plus substantiellement locale. Ce sera un peu plus haut, et ce n'est pas si loin.
Repus, nous embrayons sur la seconde moitié de notre itinéraire. En un instant, le bitume disparaît. On joue entre les flaques boueuses et traîtresses d'une piste aux confins du pays, avant de bifurquer plein sud pour retrouver nos montagnes désormais familières. Les bornes, au bord des voies défoncées, indiquent DT207, et marquent une lente mais régulière progression dans ces campagnes nivelées par les houes et les jougs. Au détour d'une longue courbe arborée, un petit mont, en droite ligne, est percé d'une grotte qui se révèle tunnel. L'eau s'y infiltre partout et pleut à verse entre les interstices. Il y fait si noir, en contraste des lumières si vives du jour alentour, que nous en sommes éblouis. Ce sera la seule excavation routière que nous verrons, mais elle marquera d'une pierre blanche cette improbable route.

Un peu plus tard, secoués toujours par cette chaussée aux surfaces inégales, nous parvenons dans un village dont le marché est en pleine effervescence. Une pause s'impose. Une carte se déplie. Y. étudie avec soin nos possibilités. Son sourire en coin, après quelques minutes, n'augure que du plus dur. « Quelques pistes plus à l'est, que je ne connais pas encore ». J'opine. Ce tour est fait pour. Et nous voilà partis pour des sentiers sauvages, sinueux, boisés, étroits, qui s'ouvrent, inévitablement, sur des plaines aussi secrètes que fertiles. On doit faire gaffe, tout de même, car même là, les engins de chantier – et le leitmotiv - sont de sortie et remodèlent le relief sans crier gare. Mais ça passe, toujours, et Y. en profite pour manger de la rocaille avec enthousiasme. Il disparaît souvent à coup de troisième pour savourer ces joies de motocyclistes réfractaires aux revêtements polis, et je le retrouve un peu plus tard, serein, pour me prévenir des accrocs prochains. Dans sa manche, il me cache tout de même le pire : de vrais kilomètres hors piste, ou, tout du moins, d'une piste qui ne peut plus en être une, et qui teste mes limites. Là je peste, je passe, je me fais peur. C'est tout ce dont je me méfie le plus, et tout en une seule sente : gravier, pierres, boue, ravines, crevasses. Pourtant, même si je maugrée, Y. a mille fois raison : on grimpe, on grimpe, le soleil n'apparaît que par intermittence, ses rayons jouent avec les pentes. Et là, sur un virage et d'un seul coup, le panorama se déploie, idéal : les pains de sucre vert foncé fondent sous l'onde soudaine. Au-dessus, quelques rayons, juste ce qu'il faut pour éclairer en contrebas l'autre vert, bien plus resplendissant, d'une vallée sans nom, passent et disparaissent.

Et sur cela, s'amoncellent des nuages anthracites qui vont bien vite crever et nous inonder de grosses giboulées. Tout le paysage devient monochrome, en palette de gris, tandis que nous filons à travers champs. Il nous faut, sous le déluge, retrouver Cao Bằng. On récupère la nationale de nos débuts, avec ses camions, ses bus, et son etc. On roule en quatrième, au crépuscule, jusqu'à la préfecture. Où nous arrivons, en fin de cette journée d'épreuves, pour y trinquer, y manger, évidemment, une autre Calzone. Y dormir, car c'est prévu, sous les draps secs de l'hôtel Primerose, où l'on nous attend en salamalecs accueillants.
Y., les moteurs, et moi-même, te remercions, mais nous aurons
certainement besoin d'huile, de carburant, et d'une révision, quand ce
voyage prendra fin !
Au lever du sixième jour, nous nous savons prêts pour une étape plus courte, et plus chargée d'histoire. C'est que nous allons d'abord rouler sur la fameuse Route Coloniale 4, de Cao Bằng à Thất Khê en passant par Đông Khê, parcourant ainsi, près de soixante dix ans plus tard, le chemin de déroute du Corps Expéditionnaire Français sous les assauts des troupes Việt Minh, en Octobre 1950. Le pays a bien changé depuis, et le terrain est maintenant un important axe commercial vers la frontière chinoise. Le trafic consiste donc surtout en de poussifs semi-remorques qui dévalent ou gravissent lentement la pente. Prudence est de mise lorsque l'on partage l'asphalte avec ces convois de porte-conteneurs aux fumées d'échappements noires et lourdes. Parvenus à Đông Khê, nous faisons courte halte pour visiter les ruines de la forteresse établie par l'État Major colonial, pilonnée et prise d'assaut par les hommes du général Giáp. L'inspection d'un petit musée, sis sur la colline, nous offre de nombreux témoignages photographiques des heures les plus sanglantes de cette célèbre bataille. Défaite française qui marqua un changement de nature dans le conflit latent qui opposait forces coloniales et guérilla indépendantiste. Les tables tournèrent : dès 1949, le Việt Minh possédait en effet dans sa manche un allié de poids depuis que le camp communiste chinois eut raison des armées de Tchang Kaï-Chek, et la balance des forces en présence se mit à pencher dorénavant en faveur des anti-impérialistes.

Nous continuons jusqu'à Thất Khê, où nous bifurquons sur une allée qui s'insinue sans attendre dans un massif verdoyant. On ne croise plus que de rares véhicules, et pouvons ainsi taper un peu la bourre, sur cette route étroite et usée qui contourne en infinis zigzags ces montagnes moyennes. Après une heure de ce ballet, une pause. Les épaules et les poignets ont besoin d'une détente. Flexions, extensions. Relaxe, reprise. La vallée déroule par vagues ses hameaux, puis s'ouvre sur la plaine. Là, toujours, du karst et des rizières.

Des falaises, aussi, striées de blanc, apparaissent au détour d'amples virages. Et sont la raison, d'ailleurs, de notre progression parmi ces élévations quasi verticales vers le village de Yên Thịnh, car nous y sommes attendus pour la nuit. J., un ami de Y., y tient une maison d'hôte, dont la particularité est d'accueillir les amateurs de varappe, qui peuvent ainsi se mesurer aux parois friables des pics tout autour. En fin d'après-midi, l'azur vire au saphir et les derniers feux du soleil projettent une lumière mordorée sur tout le paysage. L'obscurité enveloppe vite l'horizon. Apéritif moussu et repas rustique en bonne compagnie, avec Y., J. et son amie D. pour cette dernière nuit, sous la voûte étoilée.
Et après tout cela, que dire du lendemain ? Que c'est le septième jour. Que c'est un adieu aux montagnes du nord, un dernier regard sur les lointaines lignes de crêtes, un dernier baroud dans les nids de poule et les gravas, et un jeu de piste pour éviter le plus longtemps possible la nationale 1 qui descend trop vite sur Hà Nội. Mais que, passé les larges avenues de Bắc Ninh, nous abandonnons définitivement la campagne, et replongeons dans le chaos de la circulation urbaine du Vietnam.
Nous finissons tout de même de belle façon, par une traversée du vieux pont Long Biên, dont les poutrelles rouillées se découpent sur les eaux rouges du fleuve. Passé la digue, nous nous aventurons lentement entre voitures, scooters et motocyclettes dans le vieux quartier des 36, pour y garer enfin nos moto, épuisées sur leur béquille.