dimanche 19 juin 2022

Après soi

C’est cathartique, le fouet du vent et le picotement des premières gouttes sur les carreaux, quand on se sait dans une petite boîte de béton perchée si haut dans le ciel de Saïgon. La tour est lourde et bien bâtie, elle ne tangue pas sous les assauts de l’orage, mais les éléments déchaînés qui cognent aux fenêtres n’entendent pas s’arrêter là. Ils ont pour eux foudres et tonnerres aussi, qu’ils somment de rouler tambour et cymbales façon boléro, avant de tout recouvrir d’un rideau lourd et ruisselant. 

Au-dedans on se cajole, on sirote un thé, livre sur les genoux, en levant les yeux de temps en temps pour sourire au déluge. 

vendredi 3 juin 2022

À trois-cent-soixante

Au sortir de l’usine il faut toujours jeter un coup d’œil panoramique, sur la route d’abord – parce que les règles de conduite sont particulières dans le coin – et sur le ciel surtout, pour déterminer la probabilité d’une averse sur le chemin du retour. C’est la mousson, et la mousson est capricieuse ; elle vous fait d’abord croire qu’elle ouvre les vannes à heure fixes, pour ensuite délaver le ciel à coup de draches aussi impromptues qu’éphémères. On lève donc le nez sitôt qu’on chevauche la motocyclette pour savoir s’il faut prévoir cape de pluie, pantalon retroussé et sandales de circonstance.   
Le crépuscule d’aujourd’hui augure plutôt un retour au sec, sous de belles couleurs rose et bleues. Enfin, c’est ce qui se profile au couchant. Il se pourrait bien qu’à l’est on doive se prémunir de moutonnements en toute gamme de gris ; des gris-blanc, des gris-bleu, des gris-argent, cendré, blond, perle, anthracite et, tout là-bas, des teintes sépulcrales qui sentent bon l’orage.