samedi 5 août 2023

Séjournalisme

Vous ouvrez les yeux et, par l’interstice entre les rideaux tirés, vous distinguez un rai de lumière. Il fait grand jour au dehors, la matinée est déjà bien entamée, mais vous ne souhaitez pas savoir quelle heure il est. Vous vous pelotonnez sous l’épaisse couette dans ce lit bien trop grand, bien trop douillet et vous poussez un long soupir. Où êtes-vous ? Les images de la veille vous reviennent. Vous vous êtes présenté à la réception en fin d’après-midi, avec un seul bagage, et on vous a diligemment confié la clef magnétique de votre suite, au douzième étage de ce grand hôtel. La soirée fut confortable, le dîner sur la terrasse devant un barbecue coréen juteux et épicé, arrosé de bonnes bières fraîches. La ville en contrebas ronronnait paisiblement, houspillée parfois par la sirène de quelque train bringuebalant ses voitures vers Hà Nội. Repu et un peu gris, vous êtes allé vous coucher. Vous avez lu, brièvement, jetant des regards aux quatre coins de cette pièce étrangère, un peu trop grande et nue, et vous vous êtes endormi sitôt la lumière éteinte. Vous retrouvez à tâtons votre montre posée sur la table de chevet. Elle indique 9h37. À regret vous vous décidez à vous lever ; il faut bien pisser, se laver les mains, les dents, le visage. La chambre est toujours aussi impersonnelle, et un peu trop froide. Le rideau glisse sur ses tringles, vous plissez les yeux, il fait bleu et nuageux et Biên Hòa vous salue de ses toits bariolés. Pas de doute, cet hôtel est bien le plus haut de la ville. Il faudra le quitter bientôt pour retrouver les cahots du dehors, mais pour l’heure, vous vous contentez d’observer la vue, immobile, enfin réveillé.