dimanche 2 février 2025

Nhà của ngư dân

Dans les faubourgs de Tuy Hoa, les hameaux de pêcheurs se désertifient. Restent les corps d’habitation, souvent de même facture, maison de plain-pied, trois – parfois quatre – pièces en enfilade, qui s’ouvrent sur une galerie qui donne sur la cour. En voilà quelques-unes, photographiées à la volée, en se baladant à bicyclette…

samedi 1 février 2025

Les effarés

Des braséros, oui, des brasiers, des tisons qu’on alimentait de bois secs tant que la saison était bonne. Ça se voyait de loin, surtout aux nuits sans lune. Aux vents mauvais, tu penses, on rentrait. Mais il y en avait toujours qui la tentaient, la sortie de trop, qui risquaient la mer alors qu’on savait tous qu’ils ne reviendraient pas, ou peut-être. C’était un mystère ça, cet entêtement à la vouloir, la dernière pêche, celle dont on savait très bien qu’elle ne valait pas le coup. Mais un pêcheur, c’est souvent mutin, persistant, cabochard, et il écoute juste ce qu’il veut bien entendre. Il pense les connaître suffisamment, les vents, les nuées, les hauts-fonds, les récifs, les courants, les marées, et d’avoir assez retenu les leçons des anciens, et puis des fois il est chanceux, il rentre au bercail, et des fois pas. C’est ainsi. Et nous donc, pour ces dernières têtes de nœud-là, fallait rester là à se cailler les miches sous les bourrasques pour que le feu tienne encore, juste encore un peu, que ça leur serve de signal, de repère, et qu’on profite d’une dernière salaison avant la longue drache de la mousson. Alors oui, tu t’imagines bien, quand il y a maintenant quelques années les premiers long-becs ont pointé le bout de leur barbe par chez-nous, tout engoncés dans leur drôle de tunique à boutons, on a d’abord joué les taciturnes, les revêches, les primitifs. Bon, c’était pas très malin, on a eu l’heur de le découvrir bien assez tôt quand ils nous ont embarqué, moi et quelques chefs de villages d’alentour, dans un attelage tiré par de beaux buffles bien placides, pour nous conduire pas loin de la petite ville de Phan Thiết, au cap de Kê Gà, y admirer leur dernière machinerie prodigieuse. Figure-toi une haute tour de pierre, plus haute que nos plus hautes pagodes, fichée sur des rochers battus par la mer, et dont le sommet brille d’une très forte lumière qui tourne sur elle-même, et qu’on peut apercevoir le soir à des dizaines de lý ! De quoi permettre à n’importe quel navire de deviner la côte même depuis le grand large ! Au retour, ces satrapes gourmés nous ont tancé dans leur langue peu amène et nous mis devant le fait accompli : là, sur la pointe de Mũi Điện, on devait prêter main forte à l’édification d’une tour similaire, au sommet de la crête qui domine l’anse sableuse de Bãi Môn. On nous intima donc de trouver un bon filon rocheux pas trop loin pour y creuser une carrière, puis établir un débarcadère pour acheminer les matériaux de construction : pierres taillées, mortier, gravier, poutres, planches, grue, palans, poulies, tout ça à dos d’hommes sur des sentiers abrupts. Le chantier progressa à marche forcée. Terrassement, montée des assises, parement des murs, assemblage de l’escalier, de la plateforme de la couronne, sous le soleil, sous la pluie, pendant presqu’une année. Pour la coiffe, on nous laissa tranquille. Une brigade d’hommes venus d’ailleurs, secs et noueux, s’attelèrent à la tâche et travaillèrent la forge et le feu sous bonne garde. On regarda ça de loin et, crois-moi, ça valait bien la peine ! Un jour apparut une caisse mystérieuse, que ces étranges ferroniers manipulèrent avec la plus grande des précautions. Ils la firent monter tout en haut de la tour, déjà enclose de verres transparents, et y restèrent une bonne semaine, à y bricoler on ne sait quel mécanisme. Enfin, un soir, passées les dernières lueurs et reflets du crépuscule s’alluma la coupole, qui projeta ses feux jusqu’à l’horizon. On l’avait donc aussi, notre phare, surplombant le cap qu’on devait dorénavant appeler Varella. L'époque de nos brasiers à ciel ouvert était ainsi révolue, et on verrait encore de nombreux pêcheurs croire en leur bonne fortune, braver les tempêtes et faire toujours naufrage sous l’étincellement de cette vigie des temps nouveaux.