mercredi 29 juin 2005

Vertus du virtuel ?

Un fait divers, arrive il y a quelques semaines, souleve un coin de voile etrange : A Shanghai-la-debridee, un chinois d'une trentaine d'annee en a assassine un autre, sous le pretexte que celui-la avait vendu sans consentement un item virtuel d'un jeu de role informatique pour la somme de 7200 RMB, soit environ 720 euros. L'item en question : une arme magique d'un grand pouvoir dans un de ces univers ludiques et virtuels dans lesquels sont plonges des millions de joueurs a travers le monde.
Outre le probleme pose par cet etrange marchandage qui oblitere la difference fondamentale entre realite et virtualite, et la conclusion facheuse que cela entraine parfois, je m'interroge maintenant, chaque fois que je me rends ici, dans ce cafe internet toujours ouvert, sur l'activite incessante de ces dizaines de joueurs - et joueuses - colles a leur ecran jusqu'a l'aube.
C'est qu'ils sont tres absorbes par leur tache, oublieux de l'heure (comme je le suis parfois), du manque de sommeil et des cigarettes.
Je m'interroge : c'est que, sous des dehors ludiques, ces jeux deviennent une activite professionnelle a part entiere, puisque peut a present echanger contre espece sonnantes et trebuchantes ces heures passees dans ces univers fantastiques. Pour un personnage que l'on a dorlote pour en faire un champion, pour une arme, une cape d'invisibilite, un anneau...
Ce pourrait il que dans cet espace garni d'ordinateurs toujours allumes je sois temoin d'un travail acharne de la part de tous ces etudiants qui semblent en goguette ?

Je m'interroge...

lundi 27 juin 2005

Bruin et brun

... Brumes...
Il y a toujours du mystere lorsque la brume s'y met. On se reveille un matin, et on a beau cligner des yeux en tirant les rideaux, on ne voit plus rien de ce qui faisait le paysage de la veille. On cherche alors dans de jeunes souvenirs ou pourrait bien etre passee cette ville qu'on avait sous les yeux, on imagine, ca et la, un immeuble, le trace d'une rue, les arbres d'un parc. On entend bien sur les echos de l'activite urbaine ; ca klaxonne toujours, et plus encore, ca ronfle de ce ronflement de la ville. Au loin, une corne mugit dans l'opacite.
La brume est ici un phenomene chronique et imprevisible : d'un clair matin on se retrouve enveloppe tout a coup quand sonnent les carillons de midi. Cela vient subrepticement, par derriere, la ou valonnent les collines. Une fois la ville disparue, il faut attendre le lendemain pour retrouver la limpidite du ciel.
La brume est en Chine ce que l'azur est a la Lombardie : entendez, ce qui a inspire les peintres et poetes au dela de toute mesure. La ou les peintres du risorgimiento reprenait les classiques pour en extraire les principes de la perspective, les peintres d'Extreme-Orient attendaient de celle-la qu'elle s'estompe dans les vapeurs. Alors l'on pouvait distinguer des esquisses de montagnes, des bouts de toit aceres dans le neant, des eaux qui serpentent et se perdent. Le tout sur un fond uniformement blanc, uniformement plat, comme le sont les rouleaux sur lesquels ils peignaient. De la cet a-plat meticuleusement detaille qui a fait la gloire de la peinture asiatique.

Plus prosaique, une ballade en foret faite le week end dernier, en fin d'apres midi, le long de la cote. C'est que, sitot quitte la ville, on se retrouve vite au milieu de nulle part, surtout lorsque la brume s'y met. C'etait une route cotiere entre collines et falaises, avec de temps en temps le ressac comme respiration : c'est plutot rassurant, on se sent alors moins seul, et l'on sait que, quoiqu'elle fasse, la route menera forcement vers un hameau, un port, une plage, un endroit d'ou l'on pourra rentrer.
Ce fut chose faite apres plusieurs heures de marche, pendant lesquelles j'etais heureux d'etre faussement perdu. De l'aventure a la journee...

jeudi 9 juin 2005

Tran-s-ports

Dans le temps et dans l'espace : j'avais gardé quelques souvenirs des Tramways nippons, surtout ceux de Nagasaki qui résument à eux seuls l'histoire du tram au Japon. Des voitures peintes de couleurs sombres, aux formes arrondies, le caténaire rond lui aussi, qui étincelle parfois, un boucan du tonnerre, et le roulement sur de vieux rails qui éventrent la chaussée.
M'y voici encore, dans ces vieux tram de l'autre siècle, à moins qu'il en faille deux. Trois lignes se distribuent la ville : la 201 et la 202 quittent la gare de part et d'autre. L'une le long du port, vieux carrosses vibrant vert-sapin, à l'habitacle tout de bois verni, pilotés par de jeunes femmes aux gants rapiécés : la manette de cuivre à gauche, celle des freins à droite. On cabriole dans les rues face à la mer. Enfin, de ce qui reste de la mer apres un port industriel, entrepots, raffineries et tuyaux, grues et containers.
L'autre - bleu-roi - s'engage dans les grands boulevards de l'intérieur des terres. On monte et on descend, un coup à droite un coup à gauche, dans cette carapace de métal hurlant. On s'entasse le long des cloisons de plastique, empoignant de cerceau, au gré des démarrages et ralentissements poussifs. J'aime. Je ne saurai dire pourquoi.
J'ai parcouru ces lignes en long en large. Puis j'ai vu qu'il y en avait une troisième, mais celle-la a moins pour plaire : c'est un tramway de notre siècle, le 21e. Tout gris et lisse, sans grincements et vibrations d'aucune sorte. On glisse sur des rails isolés du reste. On n'est plus dans ces rues brouillonnantes, mais à côté, en porte-à-faux. J'aime moins. Je saurai dire pourquoi.