Moi ? Oh, vous avez, oui, je suis assez satisfait, même si je regrette que mon copain lièvre doive courir la garenne juste pour trouver une miette de notoriété en Chine. C’est vrai, lui aussi a droit à son coin de ciel…
Mais revenons au débat, voulez-vous ? Vous me dites : « pourquoi vous dans ce panthéon des douze animaux ? »

Commençons d’abord par dire que le Dragon - bien sympa pour le massage des vertèbres – n’est pas un animal, mais une projection de ces humains un brin avinés qui voient en chaque figure serpentine l’émanation d’un saurien disparu. Libre à eux, hein. Ensuite, quoi ? Vous voulez l’histoire contée par un félidé ? Celle du choix des douze ?
Ok. Reprenons depuis le début, donc. D’abord, il faut vous mettre en tête qu’a cette époque, le boss, l’Empereur de Jade, avait quelques problèmes de mémoire. Tout rigide et conservé fut-il, impossible pour lui de se souvenir des années qui passaient, et qui passent encore, et, de son âge plus ou moins canonique (je n’épilogue pas…), le voilà qui décide de convoquer quelques-uns de ses affidés pour l’édification d’un mémo. Il siffle, il gronde, il psalmodie, il fait tant, si bien, que tous on se précipite.
De là l’histoire, voyez : le Buffle broute peinard, pas trop loin, et vient aux nouvelles. Le Rat – tssss –, grimpe aussitôt profiter du brouteux et lui pique la
pole position… Vient ensuite, tout ensuqué, le Tigre, geignant que la nage n’est point pour lui naturelle. Tout comme lui, mon camarade lièvre – que je remplace ici suite à son congé en ces contrées miennes – que la traversée a gué n’a point échaudé, arrive à point nommé. Suit le Dragon, que l’Empereur entreprend de sermonner pour être si tardif. Balèze, le Dragon lui rétorque que bon, d’abord sauver des populations lointaines de l’empire devant des flots déchaînes et des périls par milliers que d’obéir illico au sifflet du maître. Ça calme.
Si bien que le serpent – toujours animal en sus – me frôle en silence sous le grondement du galop du cheval, et chacun vient se gondoler aux pieds du trône.
Les trois suivants m’ont bien fait marrer : vous imaginez, une chèvre, un singe et un coq, tous embarqués dans un esquif à la noix et qui manquent se noyer pour nous rejoindre. Le plus beau, c’est qu’ils finissent par sortir de la flotte sous le regard attendri du boss. Qui leur dit, toi toi et toi, huitième, neuvième, dixième, bravo, bien joué.
Le onzième, lui, est toujours aussi con. Il aurait pu se la faire en tête – il sait nager – mais sitôt devant la rivière, il s’est mis à déconner tout seul comme le gros Chien qu’il est. Le dernier ? Vous vous en doutez ! La panse déjà pleine, et se dandinant avec grâce, voila le Porc qui grouine, que le boss admet, bon prince en douzième. Fin du ban.
Et c’est la suite de cette soi-disant légende qui me débecque, vous savez ! Parce qu’on prétend que moi je serai arrivé en retard, hagard et pauv’treizième. Eliminé de la compet’ ! Par ce rat perfide qui m’aurait jeté, battu, foutu à l’eau...
Ou que – pire – mon goût pour la sieste m’aurait coûté le firmament…
Rien de plus faux, faut demander aux bonnes personnes, c’est tout !
Sur ce, hein,
chunc mung !