mercredi 27 juillet 2011

Aux vagues, etc

Allons bon ! Encore un de ces dragons facétieux qui vient prendre racine.
Celui-la est une princesse dragonne, issue de l’empire chinois et qui, par amour, vint convoler pour ces noces du côté de Singapour. Au cours de son voyage, elle fit halte dans les eaux calmes des côtes malaises et, bercée par la houle, rêveuse et indolente, décida tout de go d’oublier ses projets. Elle se métamorphosa alors en une île montagneuse et verdoyante que les pêcheurs découvrirent un jour, au gré des vents qui les menaient au large. Ils y mouillèrent, s’y installèrent, et rendirent grâce à ce saurien céleste et légendaire sans qui bien des bateaux se seraient perdus corps et bien. On connaît désormais cette île sous le nom de Pulau Tioman, ou bien – mais c’est plus dur à dire – Gunung Daik Bercabang Tiga.

dimanche 24 juillet 2011

Un quart de sérénité

La prière.
Debout, accroupi, à terre, assis.
Prosternations.

L'eau d'Allah

De l’eau.
De pluie.
D’un puits.
D’une source.
D’une rivière ou de la mer.
D’une fonte de neige ou bien de glace.
Ou d’un lac.
Ou d’un étang.


Des ablutions.
Comme le Wudu et ses quatre Fard.
Se laver le visage.
Les bras, puis les coudes.
L’occiput.
Les pieds, et les chevilles.

samedi 23 juillet 2011

Strait's tale

Journal du marchand Pieterszoon – Malacca, 1642

En cette année 1642, après avoir abattu la forteresse A Famosa, nous avons repris les rênes du commerce dans le Détroit. J’ai ainsi pu prendre demeure dans la maison d’un riche négociant portugais, qui, dans sa fuite, a laissé de nombreux coffres scellés. Dans l’un d’eux, j’ai trouvé ceci : c’est, je le crois, une traduction latine d’un texte plus ancien, en Malais ou en Sanskrit. Et, si ma mémoire ne me fait pas défaut, il est possible que ce soit de la main de Parameswara lui-même, le soit disant descendant du grand Alexandre, qui vint s’échouer ici il y a plus de deux siècles. En voici la teneur :

Assez ! Assez de ces errances, de ces conquêtes, de ces terres gagnées, perdues, de ces honneurs factices, de ces titres frivoles. Assez de ces pillages, de ces abordages hasardeux au gré des vents et des pavillons. Je ne veux plus de ces vigies, de ces mouillages sur tous les cailloux du Détroit. Je veux un port, une amarre solide, et du commerce profitable. Je veux régner sur une terre aussi portée sur les richesses maritimes que Singapura Lama. Ah ! Maudits soient tous ces descendants de Singhasari, ces bouseux à la peau noire, ces singes venus du sud ! Comment ont-ils pu usurper notre pouvoir, à nous autres Srivijaya, et nous pousser à l’eau, encore, à nous rendre pirates, encore !

Raja j’ai été, Raja je serai de nouveau, aussi loin que portera mon regard, depuis l’horizon des mers indiennes jusqu’au sommet des collines forestières. Et ce morceau de côte, je le disputerai toujours aux barbares incessants, qu’ils viennent du sud ou bien du nord, qu’ils soient simiesques ou majestueux. J’ai trouvé aujourd’hui le nom de ma capitale future. Il m’a été donné de la plus étrange façon, par l’acte d’un animal : c’est un de ces chevrotains que l’on chasse parfois et qui, acculé, devant la meute, a réussi par sa bravoure à jeter à l’eau l’un de mes meilleurs chiens. J’étais là. J’ai vu ce frêle animal lutter pour sa survie, comme je le suis moi-même, fragile maintenant car manquant d’appui. Et je réussirai aussi, comme lui, à bouter l’ennemi, et à restaurer notre lignée. C’est décidé : ce mien territoire portera le nom de Melaka, comme l’arbre sur lequel j’ai assisté à cette scène auspicieuse. Et je ferai de cette terre fertile un comptoir florissant.


vendredi 22 juillet 2011

Billie Trishaw

Halte au milieu du jour, derriere la Citadelle.
Astiquage, polissage.
Avant qu'un autre tour, avec une demoiselle
Au visage si sage
Lui sourit.

jeudi 21 juillet 2011

Nihil sublime - solipsisme

La pièce est nue. Quatre murs réguliers en délimitent l’espace rectangulaire. Le sol de béton gris est poli par l’usage. Au plafond, une ampoule à baïonnette pendouille, suspendue acrobatiquement à son fil tordu. La lumière est diffuse, elle éclaire cette pièce vide où nulle ombre n’est portée.
Lorsqu’il entre avec elle, il ne prononce pas un mot. Il fume une cigarette à moitié consumée, qu’il laisse tomber à terre sans l’écraser. Il se dirige vers le mur opposé à la porte, qu’elle referme sans bruit. Elle se tient contre le chambranle. Elle ne dit rien non plus, elle regarde l’ampoule, puis le sol. Elle reste immobile, la tête baissée. Il soupire.
Plus tard, la pièce est obscure. L’ampoule a dû claquer. Un rai de lumière passe sous la porte. Ils sont toujours là, sans parler. Ils se regardent à la dérobée. Il a probablement fini son paquet de cigarettes : des mégots épars jonchent le sol à ses pieds. Soudain, il avance, se dirige vers la porte, lui demandant d’un geste de se décaler pour le laisser passer. Il sort et claque la porte. Elle se dirige lentement vers le coin à sa droite, et s’asseoit dos au mur, jambes étendues. Elle ferme les yeux.
Elle est endormie lorsqu’il revient. La porte s’ouvre, il apparaît, une cigarette éteinte au coin des lèvres. A ses bras pendent de lourdes chaînes, qu’il a enroulées rapidement ; autour du cou, une guirlande faite de fil électrique noir et d’ampoules à baïonnettes. Il pose le tout par terre, délicatement, et le tintement métallique des chaînes ne la réveille pas. Il fait le tour de la pièce, à la recherche d’une prise électrique, qu’il trouve juste à côté d’elle. Il dispose la guirlande d’ampoules à terre, le long d’un des murs et branche le dispositif. Puis il fouraille avec les chaînes, et aperçoit un crochet sur le mur à gauche de la porte. Il se rapproche, constate que le crochet est solidement vissé au mur, et y accroche le chaînon de tête, puis il dispose sinueusement la chaîne au sol, en direction du coin où elle dort toujours. Lorsqu’il est satisfait du résultat, il parcourt la pièce du regard, allume sa cigarette, et sort.

Je ne sais pas combien de temps j’ai dormi. Plusieurs heures, certainement. J’étais si fatiguée ! Le silence et la pénombre, et mes jambes fourbues, et son regard à lui que je ne pouvais plus supporter. La porte est fermée à clef. J’ai bien essayé de pousser, de tirer, j’ai tapé du poing, du pied, de toutes mes forces. Rien à faire. Inutile de crier : il ne m’ouvrira pas. Il m’a simplement dit, avant de venir ici, qu’il fallait que je comprenne, et qu’ensuite, peut-être, il pourra me laisser tranquille. Il m’a dit regarde dans tous les coins, regarde le plafond, le sol, et trouve une voie de sortie. Il m’a dit aussi de ne pas parler, ni même chuchoter. Juste de penser. Que penser suffirait, et que je trouverai. Les ampoules ne sont pas fortes. Elles éclairent juste au ras du sol. Elles font briller les maillons d’une chaîne attachée au mur. Je n’ai rien touché encore. Je n’ose pas. Je regarde juste cette pièce. Je suis dans cette pièce pour longtemps, peut-être. Je sais confusément que cette pièce est en moi. Oui oui, la métaphore est facile. Pourtant c’est l’idée que je m’en fais. Que je suis cette pièce et qu’on me demande d’en sortir. Que personne ne plus entrer ici. Que je suis seule, et que je ne peux pas accepter ça. Qu’il faut que je trouve la sortie. Que je le retrouve lui et que je lui crache ma réalité au visage. Et que je l’enferme dans sa pièce à son tour.

(Inspiré de l'installation "Nihil Sublime" de Thierry Bernard Gotteland. Plus d'info ici.)

mercredi 20 juillet 2011

Nuit carmine

Etincellent les verres
Suspendu à tes lèvres
Ces couleurs sont si ternes
Si terne ma langueur
A quoi bon, à quoi bon
Buvons.

mardi 12 juillet 2011

Check out within

Tout sur le même plan : le départ, l’arrivée ; décollage, atterrissage ; que sais-je de ces silhouettes découpées sur le sol et le ciel ?
Qu’elles sont assurément ailleurs tout en étant là, par le jeu de la lumière ?

Embarquement des ombres, porte 7…