D’après le calendrier, elle était pleine il y a deux jours, et va progressivement perdre ses quartiers. Cette déperdition périphérique lui confère un aspect rugueux, granuleux.
Regardons-la cette nuit, elle et ses océans de cratères profonds...
La lumière rasante de cette fin d’après-midi projette ses rayons sur le jardin. Toutes les plantes s'y abreuvent encore, avant de synthétiser de la matière à l’obscurité de la nuit prochaine.
Les bruits qui s’échappent de l'endroit sont de toutes natures et de toutes magnitudes. Si l'on tend l'oreille, et qu'on se rapproche un peu, on peut percevoir le cliquetis du ciseau et le murmure de la découpe du cuir et des tissus. Sur la même partition, dans une autre salle, soufflent et crachent les pistolets à peinture, couverts par le bruissement des bacs de filtration. Et, partout, le rythme est marqué par le martèlement pneumatique des clous, et du mitraillage des machines à coudre. Cette polyphonie de l'outillage de l'atelier résonne du soir au matin, dans ces faubourgs indéfinis de la plaine chinoise.
C'est une plaine urbaine, ou une ville étalée sans véritables limites, entre Shenzhen et Guangzhou, dans le bassin de la rivière des perles. On y trouve toutes sortes d'industries manufacturières groupés en parcs d'usines, entourés de quartiers résidentiels et commerciaux. Il n'y a ni centre, ni périphérie, mais un continuum de districts qui occupent toute la surface de cette province.