« Radical. Et
socialiste aussi, ne l’oublions pas. Oui, monsieur, c’est important. Et
rappelez-vous, c’était en 1934, une année de mouise, je vous le dis, une année
glissante, pour les idées radicales. Les nôtres, bien sûr, mais surtout les leurs,
d’idées radicalement radicales. Et donc, là, debout sur l’estrade, sous le
soleil de début juin, vous aviez Edouard Herriot, Maire de Lyon, lui aussi, ça
tombait bien, un Radical-Socialiste, mais en demi-teinte, vu le pedigree de la clique politique de l'autre côté du Rhône, qui est invité à la tribune pour entériner par
un discours un poil lénifiant l’entente entre sa bonne vieille ville confite de
bourgeoisie et notre Villeurbanne toujours un peu fauchée, banlieue ouvrière et
industrieuse, qui s’affirme ce jour-là dans toute sa superbe, avec son nouvel Hôtel
de Ville, son Palais du Travail, oui, oui, hein, fallait pas déconner non plus,
on érigeait les Temples qu’on pouvait, et dont on avait besoin pour la Cause, et,
tout autour, sa cité modèle toute propre. Un tantinet trop propre, même, mais
que voulez-vous. Après le toubib Grandclément comme Maire de la ville, on a eu
Goujon, un autre esculape un peu trop focalisé
sur l’hygiène, et c’était pas plus mal remarquez, ça a permis de faire un peu
le ménage côté vermine. La vraie, hein, pas la métaphorique. Et voilà le
boulot, conduit par un disciple de Tony Garnier, Robert Giroux, qui nous édifie
tout ça en six ans et demi, voirie comprise. Et ça en jette, croyez-moi. Pas pour
rien non plus qu’ils aient baptisé le quartier à l’image d’un bout de New
York, parce que pour l’époque, et pour Villeurbanne, c’était Broadway en
technicolor ! Radical. Et socialiste aussi, parce qu’on y loge derechef de
la famille ouvrière à tour de bras, dans ces appartements trois pièces cuisine.
Et ça marche, et on y vit tranquille, et on part le matin en bicyclette pour
rejoindre les usines sans souci du lendemain, on sait qu’on a laissé les gosses
à l’école publique et que le marché des commérages accueille tous les paniers
du quartier pour entretenir la foire aux rumeurs. Bref. Ça roule. C’est ça, et
finalement, ce quartier des Gratte-ciels, il n’est plus si radical. Mais il
reste socialiste. Oui. Ça, oui. »
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