Ces fours-ci, pour s'y rendre, c'est toute une expédition.
C'est qu'ils se trouvent à Vinh Long, dans le delta. Que pour y parvenir, il faut donc traverser deux des neuf queues du dragon, à dos de bacs, tout en veillant à ne pas sombrer dans la torpeur des basses terres, et à cajoler notre guide à coup de bières et d'alcool de riz. Notre véhicule aussi, tout terrain soit-il, n'est pas exempt de soin. Comme le soleil darde, que la route nidifie, on regarde les jauges avec attention, on inspecte nos suspensions. On s'arrête régulièrement. On mesure ainsi l'étendue si vaste, verte et brune, du grenier à riz du Sud.
De Vinh Long, nous ne verrons que des rues laborieuses et affairées. Nous quittons vite le centre de la ville, pour suivre une piste le long du fleuve. Ça et là, des hangars tantôt pleins, tantôt à l'abandon, et des monticules de brique en grappe : des fours, donc, qui ne fument guère.
La saison n'est plus aux grosses commandes, mais il faut tout de même vérifier l'ordre des jours avec nos fournisseurs, et leur donner l'accolade. Ils nous accueillent de bon gré, et nous pouvons ainsi rendre hommage à ces éminences rouges qui vallonnent par-ci par-là l'horizon si plat de la région.
De briques assemblés, ils offrent dans leur chambre haute de quoi cuire de bonnes charretées de pots, alimentés qu'ils sont de pelletées de gangues de riz séché.
Toujours avides de terres à cuire.
Nous en voyons certains à vide, et d'autres qui embrasent, qui consument, qui calcinent, qui flambent, qui carbonisent. La terre modelée à l'intérieur y durcit en brunissant, puis en devenant presque blanche. Elle en sortira toute figée, en formes contenues. On alors, elle craquera sous l'assaut des flammes, et retournera, brisée, dans les eaux du delta.
Le dragon, alors, saura bien s'en charger.
Quant à nous, nous retournerons à Saigon l'esprit serein, pour un temps, sachant les fours éteints bientôt.
Le Têt arrive bientôt.
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