vendredi 31 mars 2006

En Biais

Encore une île. Celle-là est née de l'union de l’île Saint-Pierre des Embiez et de l'île de la Tour Fondue. Un bout de terre en rade du Brusc, du côté de Sanary. Un tas de phyllade sur lequel poussent vignes et végétation basse, battues par les vents que la mer prend soin de bien faire souffler.
Il paraît que ce sont les Grecs qui ont mouillé les premiers, pour coloniser la côte. Ont suivi les Romains, bien sûr. Et puis plus tard, les moines de Saint Victor de Six-Fours vinrent exploiter les salines des Embiez, et construisirent un port, en 1068.

C'est un coin calme, qui ne se fait point trop connaître. Le dix-neuvième siècle voit s'exciter les puissances, et un fort voit le jour, dont la construction prendra fin, après 30 ans de travaux, en 1867.
C'est Bonaparte qui gouverne et qui fait le siège de Toulon.
C'est Napoléon III qui y installe des bouches à feu.
C'est en fait la mer des Tartares.
On désarme en 1885, un peu dépité. Et l'île s'assoupit encore, malgré quelques Italiens qui passent au large, jusqu'à ce qu'un homme alambiqué l'achète en 1958.

Cet homme a des visions. Il bâtit a tour de bras, et l'on se précipite aux Embiez y parquer son yatch, entre deux apéritifs.

C'est dans ce même port qu'en 2006 un ferry débarque, sur lequel traînent, un peu désinvoltes, nos deux compères. Ils sont un peu à la bourre, parce qu'ils ont raté le précédent ferry et qu'ils l'ont eu un peu mauvaise. Surtout qu'ils étaient déjà là. Mais bon, avec une ou deux cannettes de bière tout s'est arrangé. Ils débarquent donc, au crépuscule, pour aller vérifier que les Ricardiens se poilent comme il faut. C'est que c'est ce soir la Grande Venue. Tous sont la pour s'assurer qu'il faut boire pour le croire. Et qu'il faut inonder le monde pour écoper le pèze.


L'hôte, Paul Ricard, est déjà mort et repose pas trop loin, près des embruns, au-delà du fort Saint-Pierre qu'il a converti en musée océanographique, au cours de ses années fastes qui l'ont vu conquérir le monde. Il peut trinquer aussi, ce soir, parce que les affaires s'arrosent.
Les Ricardiens en goguettes sont bien traités : expo import export, repas gala, open bar et after after. Barreaux de chaise et shakers nœud-pap. Hôtesses galantes et voiturette de golf. Ils causent en gliche et se tapent l'épaule. Ils s'y plaisent, aux Embiez. Ils viennent d'un peu partout, vont et s'en vont au fil des ferries, toute la nuit.

Nos deux compères, vérification faite, escortent la patronne vers un lit salutaire, sur le continent. Elle a accosté voilà trois jours et a fait monter ses chapiteaux, assistée d'un vieux sage en chaise roulante, bardé de talkie-walkies. Ces deux-là ont eu l'œil et l'oreille à tout, et sont un peu éteints. Ils ont guetté la tempête mais le vent a décidé de la jouer cool, et les ripailles ont eu lieu comme prévu. Dispersés à cette heure, les Ricardiens se saoulent tranquille tandis que nos compères, maintenant trois, rentrent à quai.

C'est qu'il est tard, encore, et qu'on a toujours de la route à faire. Alors on laisse l'île à ses agapes marchandes, et on retourne vers sa Provence, la gorge sèche, et le foie un peu en biais.

mercredi 22 mars 2006

A fair in HK


On ne risque plus d'atterrir à Hong Kong, on s'y pose. Une grande île artificielle sortie de l'eau faite pour cela. Et puis, sorti de l'aéronef un aéroport tentaculaire. De longs halls de verre, d'acier, de moquette. Une douane aux douaniers sévères et stricts. Une navette ferroviaire vous conduit de cet endroit vaste et horizontal, au travers de côtes montagneuses et de groupes de tours épars, de ponts audacieux, et d'un port infini, vers Central d'où tout commence.

La forêt de gratte-ciels a conquis les versants du Victoria Peak. Un taxi nous amène assez haut et nous dépose au seuil d'un vieil et humble immeuble, serti d'un parking à sa base et de deux ascenseurs, pour les étages pairs et impairs. On logera là, dans un appartement, au septième étage de la Yin Yee Mansion, 63 Robinson Road. Mieux que le meilleur des hôtels, un chez-soi pour quelques jours, pour s'approprier les lieux d'allers en retours incessants.


C'est haut. Le quartier est peuplé de cols blancs occidentaux, et de familles chinoises. Pour y monter et en descendre, la ville nous invite à prendre la plus longue série d'escaliers roulants qui soit. Ces escaliers-là descendent le matin et remontent dès midi. On prend vite le pli et la cadence. On hèle des taxis au passage, pour se rendre ici et là, parce que nous avons à faire. Hong Kong est un lieu où le monde a à faire. On s'y entasse en de somptueuses tours, en de crasseuses mansions, en métros et tramways, au tout venant. Le port est là qui distribue ses containers au gré des cargos, tandis que fourmillent les employés dans des bureaux secrets, dont les entrées se trouvent en haut des monte-charges. La ville circule sur autoponts, dans les tunnels et sur des routes sinueuses. Elle a poussé partout où cela lui semblait raisonnable, à en perdre raison.

Nous avons à faire, et ne perdons pas de temps. C. et M.-L. ont un catalogue à remettre à jour. Il leur faut rencontrer des fournisseurs de boîtes. Sans encombre, nous allons, de Mid-levels à Kwai Chung, de Kwai Chung à Kowloon City, de Tsim Sha Tsui à Lan Kwai Fong. On se fie à d'amusantes cartes de visite, pour explorer les faubourgs. Du matin au soir, nous regardons des boîtes, nous les soupesons, nous les jugeons et nous en imaginons d'autres, alors qu'autour de la table nos interlocuteurs papotent du cantonnais de cuisine.
P., lui, n'a pas trop de souci. Les boîtes, ce n'est pas son affaire, même s'il vient de temps en temps voir où en sont celles des autres. Alors il s'assoit avec nous et écoute, tranquillement, ces palabres de boîtes où se mêlent sabirs français, anglais, mandarin et cantonnais, dans une ambiance studieuse d'atelier de confection. Parfois, il s'endort, au milieu de négociations houleuses où l'on parle gros sous. Mais il est surtout là pour constater que ce monde-là existe. Que Hong Kong est davantage qu'une chimère asiatique, sortie de l'eau il n'y a que deux siècles.
Lorsque l'on rentre, la journée finie, dans notre rue de Robinson, nous nous attablons toujours un instant à la terrasse du Phoenix, « the last bar of Mid-levels escalator ». On y a nos habitudes. C'est une pinthe chacun, une demie pinthe pour les dames. La bière est brassée dans le coin, et elle est très british. Quelques cacahuètes pour assaisonner nos délires du moment, lorsque l'on confie ses impressions du jour. Hong Kong s'occupant de brasser les affaires, nous brassons avec elle nos conversations nocturnes.
De rendez-vous en rendez-vous, de show-rooms en bureaux, de taxis en ferries, nous conquérons la ville. Costumés, nous entrons dans ces tours où d'un geste sûr, nous pointons dans les ascenseurs les boutons des soixantièmes étages. C'est une escapade que P. apprécie : contempler le Victoria Harbour de haut, à travers ces fenêtres immenses et ces couloirs de marbre. Ça évoque bien sûr, de loin en loin, ces boîtes qui composent notre ordinaire.

Pour s'en défaire, rien de mieux qu'une excursion à Macao. Là, c'est du syncrétisme catholico-tao-casino sur fond de mer de Chine. Le sang écarlate n'y coule plus autant, mais on sent la sueur perler du front de ces joueurs barjots qui occupent les salons VIP du Lisboa Hotel. Bruit des jetons sur les feutrines, des exclamations de dépit ou de surprise, valse des croupiers aux petites heures de la nuit, passages discrets et froufroutants des balais sur la moquette usée d'un casino qui ne ferme jamais.
Mais l'enfer du jeu s'américanise : l'ambiance un peu sordide va faire place au strass que Vegas exporte à coup de grands complexes. On gagne sur la mer pour y bâtir de sublimes façades. Et l'on ne devrait pas se pencher trop avant pour voir l'envers du décor. Macao, pour le joueur, se parcourt de nuit, quand seule la brillance des néons permet de lire les cartes.


Pour moi ce sont d'autres retrouvailles. Ces sont des ruelles suintantes et des escaliers dérobés. C'est la couleur blafarde du jour et l'horizon encagé des immeubles chinois. Ce sont tous ces vieux compagnons philippins avec qui l'on partageait bières et pains fourrés à la sortie du service, avec pour décor la façade de São Paul et le Monte Fort. Et c'est aussi le calme de cette petite place aux confins de Coloane, avec ses vieilles arcades de stuc jaune et blanc, où l'on déguste à grandes tablées ces fruits de mer qui font la réputation du Nga Tim Cafe.


Excursion bien rapide avant de reprendre la tournée de Hong Kong. Les affaires reprennent, toutes réunies dans un même bâtiment. Tout ce que la planète compte de joailliers cosmopolites. C'est là, dans le Hong Kong Convention and Exhibition Centre, à Wanchai. C'est la foire : ici, des perles du Japon, là, les nouvelles collections italiennes. Plus haut, les bijoutiers de Dubaï se font concurrence tandis qu'en face, placides, les Coréens polissent leurs vitrines. On ne compte plus les étages, les halls, les escalators. On se cause à coup de grosses commandes. Tout ce monde joue au commerce avec le plus grand sérieux, sur fond de Victoria Harbour, pour parer les dames du monde de bijoux inclassables. M.-L. et C., sévères professionnelles, arpentent ces allées d'un pas preste et assuré. Elles ont dans l'œil l'acier et l'argent, et quelques fantaisies pour le fond de commerce. Elles visitent et commandent, commandent et visitent, d'une même cadence tranquille de qui sait quand s'arrête la journée. P. est là aussi, et compte et recompte dans sa tête l'ampleur des tractations. C'est que, des tables de baccarat de Macao au pierres précieuses qui changent de main à Hong Kong, on ne chiffre plus les sommes qui se jouent dans cette drôle de Chine qui n'en est pas encore une. On préfère d'ailleurs se dire à quoi bon. Et l'on rentre en taxi vers ces hauteurs huppées qui nous tiennent lieu de logis.


Pour finir, c'est à Canton que P. fait son baptême chinois. Piètre décalage, car la ville n'offre plus cette douceur de vivre coloniale que les Britanniques encensaient jusqu'à Londres.
C'est une cite d'autoroutes, de tours d'habitation, d'un grand fatras d'échoppes où l'on trouve de tout, au détour de vieux quartiers qui n'ont pas encore disparu. On descend au White Swan Hotel, au bord de la rivière des Perles. Moins prestigieux que le Peninsula de Hong Kong, il a vu tout de même quelques bonnes têtes y dormir pour une nuit de Chine, câline et cantonnaise. P. doit par contre se réveiller tôt, parce qu'il doit parler pinard avec un homme du cru, à quelques pas de là, dans un immeuble décati de la Shamian Dajie. Je l'y laisse en compagnie de C., qui tient à entendre aussi ce qu'il va se dire comme vérités vineuses à propos de cette Chine où l'on ne se fait pas encore aux usages du taste-vin. Plus tard on en causera, parce qu'on retiendra surtout que, pour peu que l'on présente bien, on peut tout vendre en Chine sans trop se faire duper.


Quoique.

vendredi 17 mars 2006

63 Robinson Road



Roulent les Perles

Fonder une ville sur la rivière des Perles ! La faire prospérer sous la férule de vieux royaumes éteints... La faire rayonner et connaître de par le monde ! Elle s'appelle par ici Panzu, Guangzhou par-là ! On entend même son nom en Perse, ou l'on rêve de Sin-Kalan.
Et de rêve en curiosité, voilà ces Persans qui saccagent la ville le 30 octobre 758. Date bien précise, parce que les Chinois tiennent leurs livres à jour. Pour preuve, c'était le jour de Guisi, du neuvième mois lunaire de la première année de l'ère Qianyuan de l'empereur Suzong de la dynastie Tang.
Les Persans pillent, ce qui n'entame pas la renommée de la ville, qui parvient tout de même, et bien plus tard, aux oreilles des Portugais installés depuis peu à Goa.
Là, on trafique et on évangélise beaucoup.
Ces Portugais aiment faire coup double, et essaimer de comptoirs à bonnes paroles. Ils voguent le long des côtes d'Annam, de Hainan et posent le pied, en 1557, sur une péninsule à la jetée des Perles. Il y a là quelques hameaux de pêcheurs dont les ancêtres ont toujours vécu sous la protection d'A-Ma, une jeune fille fantôme. Et un temple où l'on invoque son esprit, pour apaiser la mer et remplir ses filets. Les Portugais notent : Templo de A-Ma, et baptisent l'endroit Amacao.
Les affaires continuent sous les meilleures auspices, mais c'est en Europe que cela tourne mal. Les Habsbourgs d'Espagne ont conquis le trône Portugais. Macao, si loin, ne reconnaît rien. Elle a bien des démêlés avec les Hollandais qui canardent de temps à autre, mais elle ne défend que sa couronne. En 1640, les Habsbourgs sont chassés, et l'on gratifie Macao l'extrême-orientale de Cidade do (Santo) Nome de Deus de Macau, Não há outra mais Leal. La loyauté commerciale ou celle des soutanes.
Ça colonise à tout crin et l'on se bouscule à l'embouchure des Perles. Les premiers, Portugais et Hollandais, sont toujours là et se frittent maintenant avec les Espagnols, les Français et les Anglais. On convoite cette soie, ce thé, ces épices que les Perses avaient sentis en leur temps. On a des canonières à présent, et des arquebuses. Les Anglais obtiennent concession et la British East India Compagny s'installe à Guangzhou, suivis par les Français dont l'oreille, peu amène en dialectes indigènes, convertit ce nom de ville trop asiatique en Canton. C'est plus commode et l'on s'entend mieux parler. Les Cantonais sont un peu furieux de se faire bousculer de la sorte par tout ces hommes poilus qui professent par les armes, les croix, et un usage par trop narcotique de l'opium. L'empereur Qianlong se fâche et cantonnent tous ces étrangers, en 1760, dans un district de la ville, pour mieux surveiller ces perfides colonisateurs. Las, les Anglais, s'accrochent à ces marchés lointains. Acheter aux Chinois, c'est bien, mais leur vendre cet opium venu d'Inde, c'est encore plus lucratif. D'autant que les opiomanes sont de dociles clients. Les Qing fulminent : que l'on trafique, soit, mais que l'on drogue les sujets des fils du Ciel !
Ces scrupules n'étouffent pas les Anglais. Ils complotent et convoquent la guerre, qu'ils mènent à coups de canon sur les troupes chinoises. On a là une bataille navale un peu baroque : Le Thomas Coutts, navire quaker, s'introduit dans les eaux cantonaises. Il ne veut pas dans ses cales de cet opium abject. Charles Elliott, sujet britannique et superintendant aux affaires du commerce, est outré. Il fustige ce navire trop bien-pensant et ordonne le blocus de la rivière, qu'un autre navire anglais, le Royal Saxon, ignore. Les Chinois, circonspects, tirent un coup de semonce, sans trop savoir qui des marchands ou des soldats, sont les plus dangereux. S'ensuit une rude empoignade où la plupart des vaisseaux Qing sont coulés.
Les Britanniques gagnent contre l'empereur, d'abord à Canton, puis à Ningpo et sur la rivière Yangtse. À Nanking, ils le traitent fort mal. En 1842, l'Angleterre contraint la Chine à lui ouvrir les ports de Canton, Foochow, Amoy, Ningpo et Shanghai. Elle revendique aussi la propriété sur un groupe d'îles qui lui a servie de base arrière. Si l'on s'en réfère aux cartes, c'est l'île de Hèung Góng, où un certain Jorge Alvarez avait bâti un avant-poste portugais trois siècles plus tôt.
La reine Victoria se fit dédaigneuse à l'égard de ces îles montagneuses aux confins de la terre. Mais c'était maintenant une propriété de la couronne, un caprice de plus des histoires de lignée. Pour l'heure, on capitalisait en Chine et l'on ramassait même les miettes. C'est que le traité de Nanking était une bonne affaire : voilà les sujets britanniques exempts du moindre compte avec les autorités chinoises et libres de fixer leurs tarifs. En sus, on leur offre 21 millions d'onces d'argent en compensation de leurs pertes. En Chine, on courbe l'échine, honteux et revanchard. Et l'on attend le vent tourner.
Le 8 octobre 1856, des officiers de l'empereur Qing abordent l'Arrow, un vaisseau chinois enregistré à Hong Kong. Soupçonné de piraterie, l'équipage est mis sous séquestre. Provocation, crient les Anglais, pour qui l'Arrow venait d'être placé sous la protection de la couronne. Ils en rajoutent, arguent du fait que les officiers chinois ont insulté le drapeau britannique en posant le pied sur un vaisseau anglais. Et, puisque c'est de bonne guerre, ils attaquent de nouveau Canton l'année suivante. Le gouverneur de la ville, Ye Mingshen, appelle au calme, mais devant les canonières anglaises et américaines, la population fait de la résistance. En Europe, on bat le rappel : les Anglais appellent à la rescousse tout ce que le continent compte de puissances impérialistes. Les Français et les Russes rappliquent illico, et se frottent les mains. Canton est mis à sac une fois de plus et Ye Mingshen est exilé à Calcutta où il se laissera dépérir. Les Qing voient leur empire vaciller. Voilà ces diables d'étrangers libres de saccager Pékin, de pénétrer dans les provinces reculées, de réclamer toujours plus : le traité de Tientsin est à cet égard exemplaire. Des millions de taels d'argent de réparation, des ambassades et des concessions étrangères installées sous la barbe de l'empereur, un commerce sous les diktats.
En 1860, la convention de Pékin entérine toutes ces humiliations. Les Anglais récupèrent la péninsule de Kowloon, qui fait face à l'île de Hong Kong. Finauds, ils nomment Boundary Street la voie qui longe la frontière avec la Chine, et se remettent de plus belle à leurs affaires. Ils se décident à enseigner la langue cantonaise à leurs forces de police et frayent un peu avec la population locale. Voilà de nouveaux sujets avec qui il convient de s'entendre. Il leur faut davantage de place, et ils se tournent naturellement vers Pékin pour arranger un bail de ces montagnes qui, au nord, mènent vers Canton. Ces Nouveaux Territoires leur seront loués pour une période de 99 ans à compter de 1898 – et donc jusqu'en 1997, date bien lointaine et qu'il convient d'oublier pour l'heure. Macao s'ensable et peu de navires viennent y faire escale. Hong Kong promet mieux, et le Victoria Harbor voit battre de plus en plus de pavillons. Les péripéties de l'Histoire en resteront là pour quelques dizaines d'années, pendant lesquelles on vivote du trafic et de l'air moite et parfumé.
En 1938 les Japonais sont à Canton et souhaitent fermement y rester. Sale période pour les souverainetés. Les nippons ne plaisantent pas et ont bien des couleuvres à faire ravaler à ces perfides occidentaux. Ils ne font qu'une bouchée de Hong Kong et de Macao. Quant aux Chinois, ils sont passés par les armes au moindre geste. On exécute à tout va le long de la rivière des Perles. Il vaut mieux attendre que l'orage passe.
Après 1945, le port de Hong Kong rouvre ses quais et rattrape le temps perdu. Des flots de réfugiés arrivent de tous les coins d'Asie : on fuit la guerre civile qui embrase la Chine, on fuit plus tard les Viet congs qui menacent Saigon. Toutes ces communautés se retrouvent pour faire parler l'argent. C'est d'abord le textile qui occupe toutes les mains. Et puis, quand la main d'œuvre se fait plus rare et plus chère, on va la chercher par delà les Nouveaux Territoires. Alors on thésaurise, on fonde des banques et toute une industrie de la finance. On réussit, outrageusement.
Et l'on commence à se souvenir d'une date butoir qui va de nouveau changer la donne. On soulève de nouveau, à Londres comme à Pékin, la question de la souveraineté de Hong Kong. C'est Margaret Thatcher et Deng Xiaoping qui, en 1984, s'y collent. On tergiverse un peu, mais on s'aperçoit bien que rendre les Nouveaux Territoires à la Chine ne réglera rien. On ne peut couper une ville en deux, ni renâcler bien longtemps devant l'évidence : Hong Kong doit redevenir chinoise. Deng Xiaoping a une solution toute trouvée. Et tout tient dans l'énoncé : « Un pays, deux systèmes ». Hong Kong chinoise, oui, mais « spécialement » chinoise. Mesures d'exceptions qui ravissent tout le monde. Même les Portugais, qui ne savent plus trop quoi faire de leur vieux comptoir bardé de casinos, se laissent prendre au jeu. Il n'y a bien que les Taïwanais qui ne cillent pas devant le clin d'œil de Deng.
On rétrocède Hong Kong en 1997, et Macao deux ans plus tard. On leur accorde le statut de S.A.R., drôle d'acronyme pour une Région Administrative Spéciale, et ce pour cinquante ans. Un demi-siècle où ces deux villes garderont beaucoup des prérogatives à leur fondation. Protégées par leurs frontières, libres de poursuivre leur économie libérale, d'exprimer leurs consciences politiques. Mais sous la protection de l'Armée de Libération Nationale et sans voix dans le concert des nations, sous le regard pesant du secrétariat de Pékin, qui s'entend à capitaliser à son tour.


Quant à la rivière des Perles, elle ne compte plus les villes manufacturières qui se sont fondées entre-temps entre Canton, Macao et Hong Kong.

vendredi 10 mars 2006

A Shamian

Shamian, île tranquille aux badauds étrangers, aux enfants immobiles et aux mariés transis.
Enclos colonial épargné pour la forme.

Avenue jonchée d'arbres aux bâtiments travaillés.


On y marche un temps paisible, avant la fuite en Chine.


mercredi 8 mars 2006

The Center

The Center, la nuit, luit de couleurs spectrales.
Petit montage un soir au balcon.

vendredi 3 mars 2006