Lorsque le voyageur, fourbu et fourbi, arrive le soir à la gare Sentral, il ne voit du vaste hangar

que les rampes en béton des trains métropolitains, indiquées par de grands panneaux multicolores. Il doit se rendre à Masjid Jamek, s’il en croit son plan – une vieille photocopie un peu passée sur laquelle sont répertoriées des adresses d’auberges où il pourra se reposer – et dormir à proximité de la place Merdeka. Il sort à la station susdite, et, le nez en l’air ; constate l’imbroglio de ces hauts bâtiments, sertis de voies rapides et de trains aériens. il aperçoit bien des coupoles de mosquées, mais il ne sait pas s’orienter. Il a beau héler quelques taxis, ceux-ci ne sont pas d’humeur.

Certains chauffeurs, assoupis, ne daignent pas s’enquérir de ce client hagard. on lui dit que ce n’est pas loin, puis on finit par l’embarquer, en lui faisant promettre de payer des Ringgit, dont il ne connaît pas la valeur.
Il visite des adresses, de petits hôtels insalubres et bruyants, et se décide pour l’une d’elle. La chambre ronronne du plafond, mais il y a une fenêtre. il s’endort bientôt, sous le vrombissement des bus qui partent de la gare routière voisine.
Le voyageur est un peu déboussolé. Il a toujours du mal avec ces villes routières, où le piéton cherche inlassablement tunnels ou pont pour traverser les autoroutes. Il préfère marcher, bien sûr, et prend comme cela la dimension des villes. Celle-là est assez petite, finalement, mais elle est bizarrement désorganisée, dispersée entre forêt de gratte-ciels, vieux quartiers aux ruelles étroites, immeubles posés là, entre deux terrains vagues, parkings de véhicules à toutes roues, parcs et lacs. Il s’y perd un peu, le temps d’y prendre goût. Puis il repart illico, abandonnant chambre et auberge, pour – encore – prendre un taxi et lui dire international airport please.