samedi 2 décembre 2006

Retrospective - Unipage (VIII.)

Un pastiche...

Longtemps je me suis levé de bonne heure. Parfois, à peine le rai de lumière apparu, mes yeux s’ouvraient si vite que je n’avais le temps de me dire : ォ Je me réveille サ. Et, une demi-heure après, j’étais toujours allongé, la pensée qu’il était temps de m’éveiller me berçait ; je voulais m’arracher à la dernière des pages de mon rêve pour émerger à la lumière ; je n’avais pas cessé en somnolant de faire des réflexions sur cet antipode derrière lequel s’effacent les tergiversations nocturnes, mais ces réflexions prenaient un tour un peu particulier ; il me semblait que j’étais toujours isolé sur la frontière entre l’éveil et le sommeil : cotonneuse, embrumée, mal polie, une sorte de méridien obscur d’où, à la fin, il fallait s’extraire. Cette impression survivait quelques instants avant que je ne me rendorme pour me réveiller à nouveau ; un peu plus serein cette fois, comme le sentiment perdurait pourtant, tel un catafalque, un drap simplement posé sur mes yeux toujours clos. Puis venait cette perception du dehors à travers les persiennes ; elle n’offensait pas ma somnolence et parvenait subrepticement à s’insérer dans les brumes de mon imagination ; le bruissement du vent accompagnait le rauquement des moteurs qu’en bas faisaient rugir les matinaux ; j’étais libre d’y être attentif ou pas ; mon esprit pouvait à tout moment glisser dans une nouvelle torpeur ; aussitôt je poussais les draps et ouvrais les yeux, et je demeurais ainsi dans la clarté d’une autre aube, clignant devant la présence d’un jour désormais commencé. Je me demandais quelle heure il pouvait bien être ; je prenais avec une conscience accrue un pied dans la réalité ; un autre sur le parquet ; j’entendais le craquement du bois, le jeu des chevrons, alors que d’en dessous montaient des clameurs de l’activité reprise, comme une discordante symphonie de ronflements, de croassements, de cris et piétinements, un concert quotidien où se perdent les bâillements de ceux qui se réveillent ; et par dessus tout cela la profonde vibration du métropolitain, comme la puissante toux de la terre, éructant ses passagers, me décrivait l’étendue grisâtre que je pouvais voir par la fenêtre, où le voyageur se hâte vers la station prochaine ; et l’itinéraire qu’il suit va être gravé dans son souvenir par la précipitation à laquelle défilent les lieux nouveaux, à des actes machinaux que patine l’habitude, au silence de ses semblables et aux au-revoirs tronqués sous les lampes anonymes et immobiles des quais que la population foule sans arrêts, allers ni retours.

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