Un peu plus haut sur la rivière, c'est un soulagement. On psalmodie encore toutes sortes de prières, on invoque tous les génies du lieu, et l'on guette l'arrivée du silence. On s'affaire aussi, dehors, car il y a fort à faire : il faut soigner, bénir, enterrer, et se garder de crier victoire trop tôt. Tous ces missionnaires en soutanes légères accueillent les conquérants avec de grandes démonstrations d'amitié. Ils voient le sang sur les armes et les corps, et se hâtent d'expier tous ces pécheurs venus pour les sauver. Ils sont saufs, oui, mais ils ne sont pas saints. Ils savent qu'un chapitre de douleur vient de se terminer, et qu'il faudra du temps pour taire les rancunes.

Il y a là le couvent, le séminaire, la basilique, le dispensaire, les communs. Et tant pis si le goupillon et le glaive sont si proches : il faut bien se tenir les coudes, d'autant que la perfide Albion n'est pas bien loin, et que l'on craint toujours les canonnières britanniques.
Alors, de caserne en église, voilà que se dessinent les premiers bâtiments de Saigon, tandis que, plus à l'ouest, au-delà de la Plaine des Tombeaux, bruit toujours le bazar chinois, illuminé de ses lanternes et de ses nombreux charmes.
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