samedi 31 juillet 2010

Patriach's profile

Le grand-père écoute et ne perd pas une miette des discours enchevêtrés de la table familiale. Qu'il s'agisse de musique, de peinture ou de grosses ficelles polémiques, il reste de marbre. Ses interventions n'en sont que plus remarquées, aiguës et détaillées, isolées dans le flot de paroles qui reprend bientôt, entre fromages, pains, vins, et desserts.

vendredi 30 juillet 2010

Les noctambules des plateaux

S'imagine-t-on marcher au clair de lune sur ces sentiers mille fois parcourus, avec pour seul compagnon son ombre fidèle, étonnée d'être debout à cette heure, et toute apprêtée sous ses atours nocturnes ?

Voilà donc ces rêveries de promeneurs pas si solitaires, sous les étoiles de l'été, et les arbres du domaine. Et des images étrangement claires, grâce aux magies des chambres noires...

La courtisane

C'est à la ferme, au bout du chemin.
On pénètre dans la cour qu'enserrent de vieux hangars, alors que devant, du haut de ces deux étages, se dresse le bâtiment des maîtres. La cour est silencieuse à cette heure de fin d'après-midi. Il n'y a personne, mais on peut deviner une présence : la Deuche est là, et on nous attend quelque part.

mercredi 28 juillet 2010

C'est une vallée

Si l’on s’en tient au discours géologique, on ne peut qu’évoquer les chevauchements, les plissements, les recouvrements de parties proximales, tout un fatras d’histoires tectoniques et métamorphiques qui ont fait le bonheur d’une terre pré-pubère, dont l’exubérance à se gratter les plaques n’a d’égal que celle de se faire dégorger le magma. Et puis, sagesse et encroûtement s’ensuivant, on se retrouve bien plus tard perclus de chaînes montagneuses en tous genres, certaines empâtées de leurs courbes vieillies, d’autres élancées de leur jeunesse relative.
Mais si l’on se détache de l’observation de ces gros tas de pierres, et que l’on considère – avec raison – qu’ils nous servent à approcher le ciel, alors on peut, comme Strabon l’ancien, considérer que les Celtes et autres Altaïques résumaient cela avec élégance. « Alp ! », disaient-ils, pleins d’une craintive ferveur envers ces sommets qui ouvraient la route au monde lumineux. C’est certainement ce que pensaient aussi les Allobroges, les Ligures, les Ceutrons, toutes les tribus à se disputer les routes du haut, alors qu’aucun de leurs braves ne se souhaitait y chercher aventure.

Alors, donc, ces vallées et ces monts demeurèrent longtemps terres désertes, inhospitalières, mais fichtrement importantes aux yeux des chefs qui y projetaient toutes sortes d’augures et de miracles. Même les Romains, pourtant aguerris par ces difficiles expéditions aux confins des empires, n’y firent que passer, tête basse et épaules rentrées. Les Burgondes, plus tard, se dirent qu’une annexion de ses sommets lointains ne mangeait pas de pain, pour distants qu’ils fussent. Mais il faut attendre le Comte Aymont Ier de Genève pour élever le débat, car celui-la fit mieux que de craindre de loin les neiges éternelles : il les fit garder par des moines qui, en 1091, allèrent s’installer sur la rive droite d’un torrent bleuté d’écume, au mitan de la vallée qu’ils désignèrent sous le nom de Chamouni, comme le leur avaient indiqué, à mots fuyants, les quelques montagnards qui y vivaient d’herbes et de glaces. On vit d’abord s’ériger une abbaye, puis, le long des courants, plusieurs moulins, et déjà on se disputa l’autorité sur ce territoire engoncé, entre prieuré bénédictin et paysannerie fromagère. Par la suite, l’histoire se complique. Elle fait intervenir tant et tant de souverains que nul de saurait démêler l’écheveau. Il y a tout ce que la Savoie compte de couronnes, assujetties par alliances à la maison de Sardaigne, alors que rois français et pontifes abandonnent peu à peu l’intérêt des sommets terrestres. C’est que, à force d’être si hautes et si seules, ces montagnes ne suscitent plus guère tabous ni anathèmes. On ne convainc plus depuis longtemps le promeneur alpin de périr foudroyé par les cimes fatales.
Il arrive d’ailleurs de partout, ce marcheur curieux, mais d’Angleterre surtout, et décide de faire de la balade un sport d’élite. La Savoie, pendant ce temps, change quelquefois de direction, mais le massif du Mont-blanc, et sa petite bourgade Chamouny, prospèrent. On y cultive toujours l’orge et l’avoine, on se biture toujours à la vigne et au genépi, et on célèbre les exploits de ces premiers alpinistes, qui partent fringants et reviennent mourants, et fiers de leurs sommets conquis.
Plus tard, au début du siècle dernier, la vallée se remplit hiver comme été. On vient y respirer l’air du haut comme un nectar, et profiter de la neige comme divine poudreuse. Les conquêtes du plus pointu s’égrènent, dômes, pics, aiguilles, tout est gravi, foule, acquis.
Et depuis, la station s’appelle Chamonix.

samedi 24 juillet 2010

Saroudalf

Il a troqué son ample manteau et son bâton, mais on ne peut se méprendre. Même là, mêlé à la foule des villageois, il a encore ce regard profond que seuls les mages aiguisent au fil des âges.
Et ce déguisement de binocles, de barbe raccourcie, de toiles modernes et anonymes ne sauraient tromper le Marcheur que je suis. Trop de quêtes en sa compagnie, trop de coups du sort. Décidément, les heures de cette Vallée sont peut-être comptées...

jeudi 22 juillet 2010

At the white lake

2352 m, au cœur du massif des Aiguilles Rouges. L'eau n'est blanche qu'en hiver, recouverte de névés qui ne sont pas éternels. En été, sa couleur tire vers ce vert que l'eau abrite.

Plus haut, il y a quelques sommets faciles d'accès. Un Belvédère, des Crochues, et les Chéserys.
Plus haut encore, c'est Eole, et ses nuages qu'un rien effiloche, sous les rayons du soleil.

mercredi 21 juillet 2010

Perplexite alpine

D., heureusement, saura peut-être résoudre cette énigme : ce saurien alpestre, alors, kesako ? Le Trias nous intoxiquerait-il du bas de ces 230 millions d'années ?
Laissons-le à cette sage immobilité, tandis que les reflets du couchant sauront peut-être lui répondre...

mardi 20 juillet 2010

C'est assez

Le Trias ? Oui, le Trias, vous situez ? Cette période durant laquelle la Pangée fut disloquée ? Ouvrant l’océan que l’on appelle à présent l’Atlantique, donnant naissance aux continents africain et américain ? Oui ?
Bien.
Voici, donc. Deux continents qui s'éloignent et deux versants océaniques qui se font face. Deux versants, et plus encore de côtes, de falaises, de plages. Et du sable aussi. Plein. Du sable sur lequel viennent gambader des archéosaures – de vieilles bêtes dont je vous laisse imaginer la forme. Elles passent par là, y laissant des empreintes qui seront ensuite recouvertes de sédiments, par couches successives, avant d’être violemment soulevées de plusieurs kilomètres par un accident géologique. C’est que ce jeu de plaques mouvantes provoque mille et un plissements, et que le terrain se gondole, monte, descend, s’incline, ne rompt point, parfois. Et qu’il se retrouve intact, à mille lieues de ce qu’il fut, dans le massif alpin.
Alors, par affleurement, revoici ces traces laissées par des créatures enfouies sous tant d’histoire, presque intactes sous les neiges de maintenant, là ou, un peu plus bas, les génisses helvètes eurent tout loisir de paître il y a moins d’une centaine d’années, sur le plateau dit « des Mossons » - on cause patois aussi dans tous les cantons du Valais, et ces génisses-là s’appellent ainsi.
Bref.

Du plateau des Mossons, on vint à en avoir une grande idée, en ces temps qui nous sont contemporains. Il y a là un torrent, la Barberine, et une conformation de terrain idoine pour y construire un barrage, histoire de faire quelques étincelles avec l’eau qui dégringole. Premier barrage, modeste, en 1925, que les Suisses bâtissent pour assurer l'indépendance énergétique du pays. Ça ne suffit pas. Il faut en faire un autre, plus haut, sur le lieu dit du Nant de Drance, pour assurer davantage de courant fourni. On est à présent en 1955, et le plateau des génisses helvètes est encore sauf. Ce n’est qu’en 1973 que l’on se décide à engloutir tout le plateau d’Emosson – ancien barrage de Barberine inclus – pour y capter l’eau du cirque ainsi que celle du massif du Mont Blanc. Une retenue de quelques 225 millions de m³ d’eau, histoire de turbiner un peu, et de faire de l’or blanc transfrontalier.
Ce n’est finalement que le 23 août 1976 qu’un géologue du nom de Bronner découvre sous un névé d'étranges traces : d’abord, des ondulations créées par d'antédiluviennes vagues, puis des empreintes de reptiles disparus, pesant peut-être dans le quintal et mesurant 2 a 4 mètres. Ces sauriens primitifs semblent pour l’instant échapper à toute classification. Aussi, si vous en avez une idée plus précise, n’hésitez pas.
Vu ?

dimanche 18 juillet 2010

L'herbe sous le déjeuner

Et puis, fatalement, l'alourdissement, l'assoupissement, la léthargie, l'absence d'une heure ou de deux pour digérer tout cela, le parc, le ciel, les échos déjà plus calmes des digressions enfin closes. Décidément, cette butte au dessus du lac de la Tête d'Or a cela de remarquable qu'on finit par ne plus remarquer que, année après année, pique-nique après pique-nique, rien ne s'achève et que, si l'on y prend pas garde, on retrouvera la même peinture plus tard, avec quelques touches qui auront poussé, peut-être. Mais rien n'est moins sûr.

vendredi 16 juillet 2010

Serre-tête

Un portrait de portraits, un visage deviné par dessus tous les autres.
Et elles, devant, depuis bien plus longtemps.

mardi 13 juillet 2010

Retour sur

Pas pu s'en empêcher.
De ces vues-la, facilement,
Viennent les diagonales,
Les angles déjà sus.

Sûr, suis venu par ici.

Ecce lux

Il y a,
Et c'est heureux,
Une lumière,
Un signe,
Oui,
Nous sommes bien à Paris.

jeudi 1 juillet 2010

A chaque carrefour

Il y a là, pêle-mêle, toutes les figures que l’Histoire aime retenir dans l’écheveau de ses récits : des empereurs guerriers issus de la piétaille fondateurs de dynasties séculaires, des poètes illuminés prophétisant de nouveaux âges d’or, des pamphlétaires nationalistes bannis de l’intelligentsia, des professeurs diplomates familiers de toutes les cours d’Asie, des stratèges militaires avides de conquêtes et de brocards, des mandarins barbichus ourdissant des complots à l’ombre des pagodes, des sœurs inséparables et rebelles boutant le Chinois hors du pays, des chefs communistes hissés au rang de président, des gens de plume à l’imagination épique et au verbe mystérieux, des monarques anciens bâtisseur d’empire, des révolutionnaires martyrs tombés sous les balles de l’envahisseur, des chimistes observateurs du vivant et adeptes de la vaccination, des chercheurs de microbes et de toutes sortes d’antidotes, tous éparpillés au coin des rues, sur de petites plaques bleues qui servent de repère aux citadins affairés, qui n’ont que faire de toutes les histoires cachées derrière ces noms illustres.

Bien entouré

D'une corporation l'autre,
et d'un coin, l'autre.
Un tuyau : rester en retrait.