mardi 31 août 2010

Ramasser les morceaux

Ces ouvertures sur la lumière du jour sont toujours obscurcies. il y a là le plomb des joints, et les verres colorés, qui composent l'image vue depuis l'intérieur du lieu.
Dans le cas des sites montagneux, on illustre les hauts faits, que menace ou récompense la divinité.
Et, pour les marins, on s'abstient ; on représente seulement les teintes aigue-marine des fonds perdus aux disparus des eaux, et les vermillons des sacrifices réguliers.
A croire peut-être que Poséidon n'a plus sa place sur les dessus du ciel.
Et que s'il neige, il faut tenter l'ascension.

samedi 21 août 2010

En descendant les vallées marocaines

Quand on est petit, et que l'on retourne tous les étés dans le chalet, on se surprend toujours à se faire peur. Surtout à l'étage, là ou toutes les chambres communiquent sur un même couloir, sinueux et plein d'angles, de perspectives fuyantes et de salles d'eaux gargouillantes aux heures les plus noires. Un couloir vraiment bizarre, tantôt large, tantôt étroit. Avec plein de portes toutes pareilles.
Et les Chambres ? Même.
Que les grandes personnes les aient apprivoisées au nom des couleurs de nos crayons ne change rien. La première, toujours, c'est la chambre Rouge, à droite, qui recelle tout autant de trésors que de périls. La Verte, en face, contre les toilettes, abrite toutes sortes de placards profonds, au son desquels nul ne peut dormir. Au milieu du couloir, la chambre des parents, la Bleue, que l'on ne connaît que par intermittence, au mitan de l'après-midi, pour poser un pied sur le balcon périlleux. Au bout, la Jaune, pour les grands. Autant dire, pas pour nous, ou seulement des fois, quand ça rit trop fort et qu'il y a du monde.
La dernière, c'est une autre Rouge, aux fenêtres sans volets, si lumineuse que seuls les cousins montagnards osent y ronfler sans crainte de la vue sur les sommets tout blancs. Nous, donc, c'est la Rouge, la première, celle qui donne sur le bouleau du jardin et sur les champs du village. On se dispute chaque fois les deux lits, un moment, juste pour dire, et puis je prends celui à côté de la porte, pour être sûr d'entendre les bruits du couloir, qu'on devine toutes ces nuits de vacances, là, dans ce grand chalet.

Pour autant, si le premier étage fourmille de récits d'épouvante et d'histoires secrètes, l'escalier de bois qui descend au rez de chaussée affiche, tout contre sa volée, un vieux poster un peu jauni, un peu corné. On lit, tous les matins, le titre épais et gras des "Fleurs de nos Montagnes" et on regarde, toujours distraitement, les quelques photos colorées, en ignorant toujours le nom de ces fleurs-là.
Là est la frontière, d'un étage à l'autre, des nuits agitées aux activités du bas, aux repas, aux jeux et aux balades.

samedi 14 août 2010

Dédicace à M. Dubos

C’est un porche sur la rue des deux soeurs Trung, Un porche remarquable, surtout grâce à sa tourette au toit de tuiles vernies, que les pluies de la mousson font tambouriner sans relâche. Il est possible de le franchir, ce porche, mais il faut montrer patte blanche : c’est que, derrière, se dressent en « U » les bâtiments de M. Dubos, les bâtiments de la Raffinerie. Trois corps, dont deux de plain pied et, à main gauche, celui de l’office qui surplombe l’ensemble de ses deux étages.

On peut trouver tous les jours M. Dubos devant, la veste déjà retirée à l’heure matinale de l’appel des ouvrières autochtones. Il a encore le geste vif, le regard aiguisé ; potron minet, ce n’est pas encore le temps des premières pipes ; chacun a encore le geste sûr et rapide. Ce n’est que bien plus tard dans la journée que les êtres, travailleurs et administrateurs, tous mélangés, manifesteront leur hébétude, en de lents gestes sans objet, et en prostrations hagardes.
On en est pas encore là, à l’aube. L’aube, c’est le déchargement des ballots de pavot, et c’est pour cela que M. Dubos est devant les offices. Il veut voir ce que les Chinois Wang Tay – qui ont toujours la main-mise sur le trafic venant du Yunnan – vont lui proposer. A l’aune de ce que les Anglais lui achèteront, il a déjà une idée des négociations à venir. Cela risque d’être houleux, maintenant que le Conseil Colonial a pris la décision de taxer les échanges entre les régions septentrionales au Tonkin et les ports de la Cochinchine. Mais il n’en a cure, car il sait que tout lui sera vendu, et qu’à son tour il vendra tout. Il est le maître ici, désormais, et les Chinois du Bazar de Cholon le savent bien. Pour autant, le jeu de cette intoxication voulue et encouragée ne lui plaît guère ; à quoi bon faire du négoce, si c’est pour abêtir ceux avec qui l’on traite ? La perfide Albion l’a bien compris, peut-être même trop, et elle en abuse. Fière de sa couronne, d’accord, mais fière aussi de ses trafics ? On peut en douter, songe M. Dubos, alors que les charrettes font halte dans la cour.

On palabre un temps, maintenant que la pluie a cessé. On va bientôt rentrer dans le bâti, pour y signer les quelques bons d’achats, qui seront par la suite visés par la Régie, plus bas, au bord de la rivière. Et puis, bien sûr, on s’en va verser le thé et fumer son content, d’abord en tabac brun, puis en boulette de cet opium gras et lourd qui vient soit d’Inde soit du Triangle. Et puis, l’ivresse aidant, on laisse la journée s’écouler à sa propre mesure, tandis que les ouvrières déchargent, déballent et découpent la cargaison en paquets de plus en plus petit.

M. Dubos, lui, va se réfugier dans son bureau, où je viens le rejoindre plus tard, une fois mes tâches finies.
C’est souvent en fin d’après midi, il fait jour encore.
Nous nous saluons, et il m’offre une de ses bouteilles de bière munichoise – un de ces mystères des importations de la colonie – qu’il sait garder au frais – mystère plus grand encore ! – pendant que nous évoquons les cancans de la vie saigonaise : qui s’est encongaillé, qui est parti en mangrove y chercher fortune, qui est revenu malade de ses efforts vains… Et puis, après quelques bouteilles, je le laisse à ses affaires, je franchis de nouveau le porche à l’ombre duquel je fais halte. Et, après avoir allumé une cigarette, je vais me perdre de nouveau dans les ruelles de la ville vietnamienne, par delà la rue des deux sœurs Trung.


mardi 10 août 2010

A la croisée de la terre et du ciel

Au-dessus des nuées,
il y a toujours ceux qui,
crucifiés,
justifient leur passion des cieux.

Plus bas,
au sol,
il y a une chapelle,
encore,
sise au bord des eaux,
sous les rayons d'Helios.

De quoi avoir la foi,
bien sûr,
à la pointe des terres émergées.

dimanche 8 août 2010

La trilogie de Port Navalo

Triptyque granitique, sur fond gris.
Voilà la coque et la voile - entrouverte,
La croix et l'ancre - fermées à cette heure crépusculaire,
Et, pour sûr, la raison de tout cela - ouverte à tous vents.

vendredi 6 août 2010

Klaus le breton

Les côtes sont, là-bas, venteuses et de rocs découpées, et les cieux sans cesse changent au gré des heures. On y a bâti de basses maisons de pierre, aux toits sombres et pentus, pour s'y calfeutrer lors des saisons mauvaises, qui semblent fort longues au voyageur du sud. On y pêche toujours, bien sûr, et la mer est fertile. Et puisque l'on s'aventure sur les eaux tumultueuses de l'océan, on prie Saint Nicolas, qui a donc fort à faire. Saint patron de moult gens : les écoliers, les étudiants, les enseignants, les hommes et femmes souffrant de stérilité, les célibataires, les vitriers, les bouchers, les voyageurs et les marins, le voilà invoqué aux quatre coins des terres, et même jusque là, à Kerners, où sa chapelle grise et bien assise nargue les airs du large.

dimanche 1 août 2010

Le chemin des dames

Champs, contre-champs.
Chacun son camp.

Lui a pris les blancs,
Comme souvent,
Et comme souvent s'en va au bout du champs,
Et commence, et comment !