lundi 7 octobre 2013

Du bagne au cimetière


Grande-Condore, 23 Janvier 1952.

Un gâchis. Un indéchiffrable, lamentable, terrible gâchis.
Je les entends encore psalmodier ces chants du nord, sous les menaces des gardiens. Tous ces prisonniers, tous animés d’une ferveur sourde, indéfectible, et à qui nous venons d’offrir le plus précieux des gains. Ils ont une martyre maintenant, et quelle martyre !

Je la revois entrer dans l’enceinte de la prison il y a quelques jours, sous bonne escorte. Emaciée, depuis 5 ans que les autorités du continent l’ont gardé en détention dans les cachots de Đất Đỏ, Bà Rịa et les quartiers de Chí Hòa pour y attendre son procès sous l’administration centrale, elle n’avait pas perdu son assurance d’adolescente rebelle. Il faut dire que sa détermination n’avait d’égal que la stupidité et l’esprit de revanche qui animaient la cour militaire qui l’avait jugée il y a trois ans : comment ne pas y voir un aveuglement de la part des colons, pour condamner à mort une jeune révolutionnaire mineure, à qui ils ont imputé tous les attentats à la grenade de la province de Cap Saint Jacques ?

Oh, je suis certain que des grenades, elle en a balancé sur des troupes françaises, et surtout sur ces traîtres à la cause Việt Minh, ces informateurs vietnamiens à la solde du gouvernement colonial. Une, au moins, a explosé dans l’enceinte du marché de Đất Đỏ, le 14 juillet 1948, tuant un officier français et blessant une douzaine de soldats. Celle-là, elle l’a dégoupillée, elle l'a lancée, elle l'a revendiquée, et en était très fière. Mais les autres ? Elle était surtout un courrier pour la cause révolutionnaire, et une farouche indépendantiste, exaltée comme on peut l’être à cet âge et en ces temps si troubles… Qui ne l’était pas au lendemain de la guerre, après la chute de l’Empire Nippon, et les promesses venues du Tonkin ?

Toujours est-il que, d’un coup de maillet, ils en ont fait un exemple pour le peuple indigène, mais surtout pour le Việt Minh. Et, finauds, ils ont contourné leur propre code de loi pour arranger son exécution dès son 19e anniversaire, loin des regards, sur cette île de l’archipel de Poulo-Condore, que les habitants appellent Côn Sơn.

Côn Sơn. C’est la prison la plus célèbre du pays, dit-on. Elle a été construite bien avant le temps de l'Indochine, par le pouvoir impérial annamite, pour y bannir les indésirables. Dès 1862, l’administration militaire de Cochinchine y installa une petite garnison, et reprit le bagne à son compte, avec ses fameuses cages à tigre, reliquat de l’art subtil des tortures lentes d’Extrême-Orient…

Võ Thị Sáu n’eut même pas droit à ce traitement spécial. Non, on l’enferma dans les baraquements situés en face du bureau pénitentiaire, pour y attendre son heure.

Ce matin, à l’aurore, on la fit sortir sous bonne garde, puis on la conduisit à l’office pour y être baptisée. Elle ne résista pas, mais je revois encore son visage impassible, insensible aux incantations latines. Lorsque le prêtre lui demanda si elle éprouvait quelque remord avant de périr, elle murmura des paroles de défiance, mais j’étais trop loin pour en saisir le sens. Puis, vers 7 heures, elle fut escortée sur le troisième champ de tir. Là, elle fit esclandre, refusa qu’on lui bande les yeux, et se mit à chanter.
Enfin, le peloton fit feu. Les balles claquèrent. Elle tomba face contre terre.
Plus tard, la mélopée commença, parmi les prisonniers, et fut reprise par les villageois qui accompagnèrent  sa dépouille vers le cimetière.

Nào anh em ta cùng nhau xông pha, lên đàng
Kiếm nguồn tươi sáng.
Ta nguyện đồng lòng điểm tô non sông
Từ nay ra sức anh tài...

Elle y repose maintenant, enterrée sous un monticule sans identification, mais je soupçonne la population de vouloir y dresser une stèle. C’est un présage, un mauvais présage pour l’avenir de la colonie, et je ne peux que mépriser ces ordres ineptes qui ont conduit à cette mort-là. Inutile. Si futile…

dimanche 6 octobre 2013

Mare mensam

Collation matinale, devant l’océan. 
La plage, tout comme le réfectoire, semble vide de tout occupant.
L'archipel est désert, en cette basse saison...

samedi 5 octobre 2013

Les cieux de Côn Sơn

D'un bout à l'autre de la piscine devant le bungalow, le ciel du matin côtoie celui de l’après-midi.
Teintes bleu-gris, vertes et ocres. Et l'horizon ?

dimanche 7 juillet 2013

Les derniers feux du voyage

Lyon, bord du Rhône. 
Nous flânons sous le soleil crépusculaire, pour une dernière tournée des grands ducs. La ville se devine en silhouette, comme pour suggérer un changement de décor prochain.
C'est certain, nous reviendrons !

samedi 6 juillet 2013

Les fleurs de nos montagnes

Et puis, bien sûr, un hommage aux pétales multicolores qui ornementent toutes les promenades.

En descendant les alpages de Balme

Dernière balade en cette semaine montagnarde, et l'occasion de profiter des remontées mécaniques pour découvrir tout le panorama depuis le fond de la vallée, là où le col de Balme ferme l'enclos des Aiguilles Rouges et celles du cirque du Tour et d’Argentière. 
Au-delà, c'est la Suisse, ou L'Italie, selon la direction que l'on prend... 

vendredi 5 juillet 2013

Temps de brumes aux Grands Montets

Au dehors, cela se gâte. 
Les flancs de la montagne disparaissent sous les nuées, tandis que ses cimes jouent de leurs atours de neige pour épouser le couvercle du ciel. 
Dégradés.

Au doigt et à la roche

Quelle rencontre inégale, que celle de la pulpe des doigts, de la souplesse des phalanges et de la surface sinueuse de la paume avec la granulosité solide du minéral ! Le roc, qu'en a-t-il à faire de la douceur de l’épiderme, de l'élasticité des tendons, de la force des muscles ? Il lui est bien égal de voir ces mains chercher, hésiter, tâtonner, frotter, s’écorcher ! Il reste coi, simplement disponible au contact de ses appendices animés, et se laisse attraper, agripper, tirer, pour enfin permettre à l'en bas de devenir l'en haut.

jeudi 4 juillet 2013

Family business


Il est de certaines photographies comme de certains tableaux, en cela qu’elles semblent avoir été produites par l’œil et la main d’un compositeur d’image. Marquée par une perspective, enclose dans un espace, elle livre à l’observateur mille et un détails à percevoir, sur la place et la pose des acteurs de la scène. Immobiles, certes, mais saisis dans un écheveau de relations qu’il faut tenter d'appréhender pour échafauder l’histoire racontée dans ce temps figé, soustrait au flux de l’action.
Là, dans cette salle à manger, les voilà devant la cheminée, en une fin d’après midi d’été. Ils sont tous membres d’une même famille, sur trois générations, et entretiennent entre eux un réseau inextricable d’histoires…
Là, l’appareil posé sur le manteau de cette cheminée, s’est fait oublier le temps d’une pose décalée. L’obturateur a cliqueté, le capteur a enregistré l’image.
Regardons.

mercredi 3 juillet 2013

Rencontres cornues

Trois bouquetins, saisis au fil de la montée.
Notez la posture : point de dahu à chasser...

lundi 1 juillet 2013

Des vertes et des très mûres

Un soir de Juillet, dans cette vallée alpestre. 
Le massif de la Verte s'allume sous les derniers feux du jour.

dimanche 30 juin 2013

Des deux côtés de la fenêtre

Se reflètent toujours ciel, forêts, sommets, 
qui tiennent en ces carreaux.
Pour en être certain, lever les yeux :
Ciel, forêts, sommets,
Ce qu'on appelle la-haut.

vendredi 28 juin 2013

A l'orée des Alpes

Nous avons conquis la vallée ! 
Oui, cette fois, nous y sommes ! 
S'offrent à nous, enfin, ces adrets, ces ubacs, ces sommets, ces lacs, et toutes les herbes et fleurs et résineux ! 
Le chalet nous attendait, sis au flanc de sa montagne, avec sa froidure de granit et sa chaleur de vieux bois. Alors, faisant fi des conventions alpines, nous avons décidé de nous octroyer un séjour de marches lentes et plates, ici bas, près du torrent, pour mieux regarder toutes ces cimes qui jouent à cache-nuage...

mardi 25 juin 2013

Bambisme

Sur les terres d'antan, nous emmenons les enfants y voir toutes sortes d'animaux. 
C'est la première fois que les filles pénètrent dans l'enceinte du Parc de la Tête d'Or, et la balade par delà la plaine, autour du lac, et du côté des manèges restera dans les mémoires. 
Quant aux bêtes, elles se sont aussi bien prêtées au jeu.

mercredi 1 mai 2013

Une visite chez le luthier

Il y a, à Saigon, une rue un peu particulière, où se sont regroupés la plupart des luthiers de la ville. La parcourir dans une sens ou bien dans l'autre, et vous serez bien en peine de choisir dans quelle échoppe demander la mandoline de votre choix. 
Alors, un peu au hasard, mais toujours avide de vernis et de cordes, vous ajustez vos doigts au manche si petit de l'instrument, et vous en demandez le prix. 
Et, transaction faite, vous repartez avec, sous le bras, un nouvel outil musical pour faire souffrir quelque oreille...

dimanche 17 février 2013

L'écologie d'un parc : Trà Sư#2

Où s’enchevêtrent à perdre vue les écorces. 
Chevelure emmêlée des bois blancs, des bois noirs.

L'écologie d'un parc : Trà Sư#1

On y arrive en véhicule à roues, mais il faut bien se rendre à l’évidence : pour pénétrer dans cette forêt-là, il faut embarquer sur un esquif et faire confiance au batelier. Lui seul connaît le chemin pour parvenir au cœur du parc, par delà les vastes prairies aquatiques et feuillues, et les canaux rectilignes qui s'entrecoupent et se perdent dans l'horizon des branches.

samedi 16 février 2013

Des écailles en pagaille

Visite du jour sur les planches d'une ferme piscicole, où nous sommes témoins du chaos primordial. Sous une trappe vivent et prolifèrent toutes sortes de poissons aux couleurs profondes.
Soudain, un éclat de couleur vive, et un éclaboussement.

Echouée

Cette embarcation tente peut-être de se fondre dans son environnement, au risque de se voir immobilisée par les jacinthes aquatiques.

vendredi 15 février 2013

Au sommet de núi Sam


De là, on domine toute la plaine. Le lieu est désert, abandonné depuis longtemps. Nul ne sait précisément ce qui a provoque sa ruine. Il ne reste que ces escaliers de pierre et quelques maisonnettes à flanc de coteau, avec, en son centre, un édifice plus imposant qui a dû servir de maison communale. 
Ou de temple, peut-être. 
On peut monter, descendre, fouiller, découvrir au hasard des degrés quelques portes entrouvertes, mais nul mobilier, nul objet personnel ne vient faire obstacle à cette visite solitaire.
Ce qui retient l’attention, c’est, bien sûr, la vue, la vue sur la plaine, et ses damiers de rizières parsemées d’arbres rangés, et ces montagnes au loin, qui semble délimiter le cirque de cet observatoire.
En contrebas, c’est donc la campagne indochinoise, écrasée de chaleur, mais si verte pourtant qu’on dirait du velours. 
On redescendra plus tard, lorsque le jour s’éteindra, et que ce village perdu sur cette cime esseulée soupirera sous les plaintes des vents.

mardi 12 février 2013

Plantage

Et, au fil de l'eau, les plantes prolifèrent : palmes, fruits, fleurs.
À sentir, à goûter, à toucher.
Mille formes, mille teintes.
Trois images...

Sông Cần Thơ

 Aurore sur la rivière. Départ en bateau depuis Cần Thơ, pour explorer les environs. Au loin, l’une des piles du pont à hauban perce le ciel, et le soleil vient s’y ficher dans son ascension. Peu d’embarcations à cette heure, mais le staccato des moteurs monte en puissance. L’air est frais, avec une pincée de sel. Le Mékong tient ses promesses, et ouvre un de ses bras, sur lequel nous naviguons à la découverte de la vie des habitants de l’eau.


dimanche 10 février 2013

Prises de Têt #14

Nouvelle année, en passant le seuil...

Prises de Têt #13

Autour de la table, rires et bons plats !

samedi 9 février 2013

Chimneys of incense

Trois bâtonnets se consument, plantés dans un terreau, devant l'autel.
Lourd parfum. Silence, puis psalmodies.