Soleil couchant sur le port.
Depuis Tsim Sha Tsui, toujours, en sortant débarquant du Star Ferry.
Une nuit s'annonce de nouveau, lumineuse.
vendredi 31 juillet 2015
jeudi 30 juillet 2015
Trois choses que j'aime
Derniers regards sur Macao, avant de repartir sur Hong Kong.
Je garderai le souvenir des azulejos, des tomettes, et des vieux bâtiments coloniaux, témoins d'une époque belle et bien révolue.
La banlieue de Coloane
Se souvenir de cette chaussée construite sur les eaux, qui reliait les îles de Taipa et Coloane, il y a longtemps... On s'y promenait pour sentir les embruns et profiter du vent.
Le lieu se nomme Cotai maintenant. Et, pour loger toute les petites mains de l'industrie du jeu locale, il a bien fallu y édifier de nombreuses habitations. Dont acte.
Au 1/3
Baste ! Ce n'est pas tous les jours que l'on tombe sur un chantier de construction pareil ! Voici donc une nouvelle réplique de la Tour Eiffel, trente pour cent plus petite certes, mais elle en impose déjà. Ironiquement, le bâtiment qui s’érige derrière fait curieusement penser à l'ancien palais du Trocadéro, démoli justement parce qu'il jurait avec les lignes élancées de la dame de fer...
A peregrinação das três igrejas
Depuis le Largo do Senado, à votre droite, continuez tout droit. À main droite, prosternez-vous devant la Santa Casa da Misericórdia. Une ou deux génuflexions suffisent, mais il ne faut pas tenter le diable. Poursuivez votre route, toujours tout droit et un peu sur la gauche. Vous apercevrez alors la Igreja de São Domingos où vous pénétrerez pour y faire aumône. N’hésitez pas à vous défaire de vos fardeaux les plus pesants. Le cœur - et la bourse - plus légers, sortez à gauche, puis prenez encore la première à gauche. Continuez tout droit, ne vous inquiétez pas si la voie se rétrécit à mesure... Enfin, vous apercevrez de larges escaliers. Empruntez-les, humblement, lentement, et, devant la Igreja da Madre de Deus, ou plutôt devant ce qu'il en reste, et que l'on appelle maintenant Ruínas de São Paulo, allongez-vous, face contre terre, et faites pénitence.
Des deux côtés du miroir
C'est une évidence, les architectes d’intérieurs n'ont pas lésiné sur les moyens pour séduire et impressionner la clientèle.
Aussi, une promenade à travers les parties communes de tous ces nouveaux casinos offre un spectacle éblouissant.
Cependant, on ne peut s’empêcher de trouver tout cela factice : peut-être, d'ailleurs, est-ce là le but recherché...
Gambling Trip
Nous avions quitté Macao depuis quelques années, et, même si des échos lointains nous en parvenaient de temps en temps, évoquant l’irrévocable végasisation de la ville, il nous fut impossible de mesurer le choc de ce retour dans la péninsule.
Oui, bien sûr, on les aperçoit de loin, déjà sur le ferry en approche, ces immeubles improbables aux couleurs clinquantes. Mais il faut se rapprocher davantage, à partir de la Doca de los Pescadores, un peu hésitant, et rependre ses repères, pour constater l’étendue de la métamorphose : la ville nouvelle, conquise sur la mer, est désormais un entassement de bâtiments extravagants par leur taille, leur forme et leur enveloppe, marqués de tous les logos qui évoque la capitale américaine du jeu : Sands, MGM, Wynn, Galaxy, voilà les nouvelles attractions qui suscitent la venue de tous les flambeurs d'Asie. Macao a perdu ses oripeaux de tripots mal famés et enfumés. Place maintenant aux salles de jeu climatisées, garnies de rangées de machines à sous clignotantes, et de tables de distraction servies par une armée de croupiers en complet.
Faites vos jeux.
Rien n'est plus !
mercredi 29 juillet 2015
À mi-parcours
Les escapades dans les rues sinueuses de mid-levels sont une épreuve pour les jambes et le cou.
La tête tour à tour penchée en avant, pour mesurer les degrés inégaux de tous ces escaliers, puis en arrière, pour embrasser du regard le surplomb des tours, et les genoux qui tremblent à force de monter... Non, vraiment, cette île est pour le promeneur une course haletante. Pour reprendre souffle et contenance, rien de mieux qu'une halte à l'ombre d'un temple. Là, au moins, les dieux du Tao compatissent, rassurent et encouragent.
mardi 28 juillet 2015
搭叮叮!
Dépôt des tramways, Whitty Street, 1985
Je me rappelle bien,
oui.
Je n’avais que trois ans à l’époque, et nous habitions alors une baraque
de brique et de bois du côté de Shek Tong Tsui, avec d’autres familles venues
du continent, principalement du Hok Kien je crois. Je faisais partie de la
marmaille, et j’étais tout le temps fourré avec les plus grands, à commettre
mille chapardages dans les ruelles garnies d’échoppes de nouilles. On commençait
à voir se construire de nombreux restaurants et de bordels dans le quartier, déjà,
et les filles nous menaient la vie dure… Il y avait un groupe de chenapans,
plus aventureux que les autres, qui s’amusait à explorer le chantier de
construction de la première voie, depuis Kennedy Town jusqu’à Sheung Wan, et à
chiper des rivets et des boulons. Ça se monnayait cher, entre les gars du coin…
Toujours est-il que la ligne fut inaugurée en 1904, et que les premiers trams,
qui venaient, par bateau, tout droit d’Angleterre, furent mis en service en
grande pompe.
C’était des voitures à un seul niveau à l’époque, qui étaient
prises d’assaut par toute la populace : les guenilleux comme nous, on
s’entassait en troisième classe, au-devant ou à l’arrière, sur des impériales
d’où on pouvait crier à qui mieux mieux sur les matrones et les cocottes. Les
nantis, eux, s’asseyaient en première, au centre du wagon, bien à l’abri dans
leurs tenues trop guindées. On n’a jamais vraiment su pourquoi, mais il n’y a
jamais eu de seconde classe dans cette affaire-là.
Ce qui, à bien y réfléchir,
reflétait parfaitement l’esprit de la colonie !
Je devais avoir dix ou onze
ans quand on a vu circuler les premiers trams à deux étages. Ça, c’était un
spectacle ! Pour un gamin chétif comme moi, ces engins étaient de véritables
chars d’assaut ! Et toujours, les richards en haut, assis confortablement
sur des chaises de jardin, et le populo toujours entassé en bas de chaque côté,
parce qu’il faut pas charrier… C’est à cette époque que j’ai commencé à m’intéresser
à autres choses que de courir les rues à mater les demoiselles, à changer de
petits boulots entre les cuisines des bouges et des tripots et à me dire qu’il
faudrait songer à travailler sérieusement. Il faut dire aussi que mes parents
avaient la trique sévère, et qu’on avait suffisamment de bouches à nourrir.
J’ai commencé en 1916
comme mécano sur les bogies des premiers modèles de Dick, Kerr et Compagnie, à réaligner
les essieux et graisser les suspensions. Assez vite, on m’a fait aussi bosser sur la
voie. On n’a pas idée de la façon, et à quelque vitesse, les rails
s’endommagent et se déforment, sur une ligne de tram constamment traversée par quantité
de charrettes, de camions et d’autobus ! Pour autant, j’étais toujours basé
au dépôt de Whitty Street, pas loin de chez moi. Pratique, pour draguer la
donzelle, avec un passe pour lui montrer les trams, sitôt la nuit tombée et la dernière
ronde passée… En 1925, on a modifié les trams ouverts à tous les vents, pour
une flotte désormais fermée sur ses deux étages. C’est que les premières, ils
ne faisaient pas fière allure, là-haut, sous les pluies de mousson, même avec
une capote de toile ! Moi non plus, d’ailleurs, maintenant que j’étais
passé contrôleur.
Le boulot était
tranquille, tout le monde plébiscitait les Ting
Tings, comme on les appelle communément, et la vie semblait rouler toute
seule.
C’était sans compter sur
l’invasion nippone qui fondit sur la ville.
Début décembre 1941, les
troupes japonaises traversèrent la rivière Sham Chun depuis Guangzhou et avancèrent
sur Kowloon, qu’ils conquirent sans difficulté. C’est qu’on avait déjà fait
place nette, et que tous les contingents armés, qu’ils soient britanniques,
canadiens, indiens ou cantonais, s’étaient repliés de l’autre côté du port, sur
l’île de Hong Kong, pour la défendre chèrement. Ce furent d’âpres combats,
pendant deux semaines, mais c’était peine perdue. De fait, le gouverneur Young
capitula le jour de Noël. Un Noël noir, et de sombres années
s’ensuivirent : massacres de prisonniers et de civils, rationnement, ruine
et pauvreté parmi la population, qui déclina rapidement, décimée par la maladie
et les déportations dans les camps de travail en Chine.
Le quartier de mon
enfance, lui aussi, subit une insidieuse transformation : même si les
bordels furent officiellement interdits dès 1935, et que les Cantonais
affluents n’allèrent plus conter fleurette à l’ouest de l’étang, comme on disait
- 塘西風月! -, les envahisseurs reprirent le commerce des
plaisirs à marche forcée. Sauf que la canaille n’était plus chinoise, mais
nippone, et l’endroit devint connu sous un autre patronyme : « À
Kuramae ! », ordonnait la troupe, et seuls les soldats japonais étaient admis à
l’intérieur des maisons closes qui refleurirent pendant la guerre.
Pour les trams, ce fut
une autre histoire. A peine douze voitures restaient en circulation, entre
Causeway Bay et Western Market, constamment patrouillées et fouillées. L’armée
occupante faisait aussi rouler un wagon simple pour le transport de
marchandises, et toutes sortes de rumeurs s’échangèrent sur la vraie nature de
cet étrange convoyage. J’eus de la veine pendant cette période : ma
famille put trouver refuge à Macao, de l’autre côté de l’estuaire, et, même si
ce furent des années maigres, personne ne perdit la vie. Les Portugais avaient
en effet négocié la neutralité de leur territoire avec l’État-major Impérial,
sous quelque condition funeste et mystérieuse…Quant à moi, bénissant mon célibat,
je faisais profil bas au dépôt, trouvant toujours de quoi entretenir la flotte
contre la rouille et les vers à bois.
Après 3 ans et 8 mois
d’occupation, les Japonais furent enfin vaincus et déposèrent les armes, le 30
août 1945.
Sur les 109 voitures toujours existantes, seules quinze étaient prêtes
à reprendre du service. On travailla d’arrache-pied pour remettre tout en état
de marche, et, dès octobre, 40 trams circulaient, bondés déjà sous l’afflux des
réfugiés et des rescapés. Mais cela n’était qu’un début : le plus gros
chantier était devant nous, puisque le gouvernement prit la décision de vouloir
doubler les voies, sur toute la longueur du réseau. On élargit et éventra tout
ou partie de Catchik Road, Des Vœux Road, Connaught Road, Queensway, Henessy
Road, Johnston Road, Yee Wo Street, Causeway Road, King’s Road, et Shau Kei Wan
Road pour permettre enfin aux trams de rouler dans les deux sens, sans devoir s’attendre
à chaque arrêt. Le trafic n’en fut que plus fluide, et le voyage sur ces artères
devint, à partir de 1949, l’une des attractions préférées des voyageurs de
passage, qui pouvaient ainsi découvrir la plupart des quartiers de l’île, tout
en profitant d’un panorama sans cesse renouvelé sur le port Victoria. Pour prix
de mes efforts, je fus même promu conducteur, et j’eus le privilège d’être
parmi les premiers à prendre les manettes des trams fabriqués dans la colonie !
Quel chemin parcouru, depuis mes années de délinquance juvénile !
Tout alla très vite
alors : la ville s’embarqua avec exaltation dans le développement de l’après-guerre.
Le travail devint incessant, au rythme frénétique
des allers et venues depuis Kennedy Town jusqu’à Shau Kei Wan, ou bien Happy
Valley. Nous, pilotes, n’avions quasiment plus le temps de nous arrêter manger.
Aussi, nous nous sommes habitués à avaler en vitesse un bol de nouilles à l’arrêt
aux feux de signalisation. On en a gardé l’expression d’ailleurs : c’est « le
repas du feu rouge », ou « 紅燈飯 ». La poldérisation du port progressa à mesure
de l’appétit insatiable des promoteurs, et la pittoresque balade en tram le
long du littoral changea de nature, pour devenir une virée entre les gratte-ciels.
En 1964, devant l’afflux
des passagers, la Compagnie eut une idée qui fit long-feu. On attacha à
l’arrière des trams une caravane à un étage pour transporter davantage de
monde. D’abord, encore une fois, à l’apanage des fortunés, puis aussi pour le
vulgum pecus, ces caravanes firent sensation. Un temps. Mais devant le nombre
de déraillements et d’accidents en tous genres, on abandonna bien vite ce
dispositif mécaniquement périlleux.
La vraie révolution,
pour moi, arriva en 1972, lorsque l’on abolit le système des classes. Enfin un
tarif unique et un espace roulant sans cloisonnement ! Il faut dire que
les nababs, ils ne prenaient plus le tram depuis longtemps, roulant maintenant
au volant de leur Rolls. Un peu plus tard, un de mes précédents emplois disparut
à son tour, alors que seul le conducteur fut doté d’une boite à pièces ou les
passagers durent payer comptant à leur sortie. Plus de ticket, adieu le poinçonnage…
Cela représenta pour moi le signe qu’il était temps de tirer révérence. J’ai
pris ma retraite cette année-là, en 1976, après 60 ans de service. Les trams
ont pu continuer sans moi !
Mais je passe de temps
en temps revoir mon vieux dépôt de Whitty Street. J’y ai encore des collègues,
on s’échange les potins de la ligne, entre deux parties de mah-jong. J’habite
toujours du côté de Shek Tong Tsui, dans un petit appartement que je partage avec mon neveu et ses enfants, et je leur
raconte la vie d’il y a longtemps, comme à vous. Comme à vous…
lundi 27 juillet 2015
Aux encoignures
Immeubles en coin, souvent arrondis.
Empilements irréguliers, de toutes les sortes de commerces.
C'est à Kowloon, sur Jordan Road, que l'on en trouve surtout.
C'est la ville industrieuse, bruyante, passante, migrante.
Urban fabric
Au jeu des façades, la ville est l'enfantement de deux familles.
L'une, ancienne, un peu décatie sous le poids des moussons, dresse vers le ciel ses bâtiments de pierre.
Il y a là de la brique, du mortier, du plâtre, du stuc, des carreaux de céramiques. Elle est souvent bariolée, offrant au regard toute une palette de couleurs vives, mais ne peut soutenir le passage des ans, des traces de rouille, des mousses et moisissures. Elle est aussi le tableau de toutes les inscriptions, de tous les signes et caractères qui indiquent au passant le dedans des immeubles.
L'autre, moderne, s’élance toujours plus haut en lignes épurées. Ses formes sont rigides, faites de carreaux de verre et de jointures métalliques. Elle ne souhaite pas informer sur ce qu'elle abrite, vierge de toute marque d’identité. Et elle ne semble pas vieillir, lavée et relavée par les pluies diluviennes qui coulent sur ses surfaces, brossée et essuyée par une armée de nettoyeurs en nacelles.
Telle est la physionomie des rues et de l'horizon urbain.
dimanche 26 juillet 2015
Le retour des neufs dragons
La skyline de Hong Kong depuis l'esplanade de Tsim Sha Tsui est toujours un spectacle fascinant. Ce soir, sous un ciel plombé, les gratte-ciels jouent à qui sera le plus éclairé, comme pour compenser, pour certains, leur taille plus courte que celle de leurs voisins.
Le port de Victoria est étrangement désert à cette heure, lui qui d'habitude fourmille d'embarcations lumineuses. Le temps, il est vrai, est bientôt à la pluie et au vent...
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