mardi 4 juillet 2023

Monts et mers veillent

C’est de possession réciproque dont il s’agit. 

Sitôt que se dessinent les lignes de crêtes des premiers massifs karstiques, nous sommes immédiatement témoin de la fascination qu’exercent ces formations géologiques sur le visiteur de passage. Les chemins s’engagent dans des vallées de plus en plus étroites et encaissées, avant qu’ils ne deviennent cul de sacs. Là, alors que notre pick-up s’arrête pour nous déposer à notre homestay, nous somme baignés d’une lumière lourde ; gris anthracite, vert émeraude, azur profond. Oui, la végétation est luxuriante, les sommets couverts d’une jungle inextricable, et nous sommes absorbés dans ce paysage aux sauvages contours.

Le site nous captive, de la même manière que nous voulons le faire nôtre. Alors nous empruntons quelque sente qui serpente le long des étangs et des tombes, nombreuses par ici, comme pour faire écho à cette étrange impression de se savoir ravi jusqu’à l’éternité.       

lundi 3 juillet 2023

En goguette

Ces deux-là semblent profiter du lieu, tout à leur appréciation du cadre, des jardins, des portiques et pavillons. Tout porte à croire qu’ils sont en train de préparer quelque chose. Une séance photo peut-être ?  À moins qu’il ne s’agisse d’une célébration, d’une mascarade, d’une comédie ? Laissons-les ainsi à leur divertissement, et retournons voir les poissons rouge et jaunes qui louvoient entre les nénufars...

dimanche 2 juillet 2023

Côté jardin, à court de côté cour

En trois moments, 

trois sentiments,

apparemment.

Revenir sur tes pas

La journée s’annonce blanche, chaude et moite. Au lever, chant de coq à même la fenêtre. Hà Nội proclame ses matins en clairons rauques et récurrents. On se prépare fissa pour un cà phê đá au coin de la rue, ingurgité à la sauvette, alors que fanfaronnent les chariots de phở et de bánh mì ốp la. Toute une ville en mouvement déjà, alors que sonnent les sept heures au bourdon de Notre Dame. On se faufile parmi les motocyclettes le long des Phố Hàng Hòm, Hàng Điếu puis Hàng Cót pour se rendre dans le quartier des ministères. Là, les avenues sont larges et arborées. Le traffic y est inexistant. Les bâtiments coloniaux se devinent derrière de hautes grilles serties de caméras, alors que les trottoirs sont agrémentés de guérites blindées, qu’occupent des fantassins au costume d’albâtre égaillé d’épaulettes tressées d’or. De temps à autre, de grosses giboulées débaroulent et tambourinent les frondaisons épaisses des pancoviers centenaires. On se réfugie alors sous de vieux porches décatis, dont les portes de bois vermoulu s’écaillent en poudre vermeille.  

Enfin, c’est l’éclaircie.

À droite, l’immense lac de l’Ouest scintille sous la brise. À gauche ce sont les lignes de fuite qui se perdent en mille reflets sur l’esplanade Ba Đình, où se dressent les colonnes austères du mausolée de l’Oncle Hồ. On ne fait qu’y passer, sur la pointe des pieds. Plus loin, le quartier des ambassades rutile sous un soleil blafard, et la circulation redevient bruyante et chaotique. Pause bienvenue sur un banc pas loin du Temple de la Littérature, pour avaler un bánh bao bourratif et tout fumant. Repu, ragaillardi, on se dirige donc vers le portail d’entrée de la plus vieille université du pays pour y déchiffrer quelques stèles gravées par d’anciens docteurs en mal de préceptes confucéens.  

Enfin, tempéré par tant de sapience orientale, on file prendre un remontant du côté de la rue Lò Sũ, où nous attendent tabourets et tables de plastiques, bleu de préférence, pour une fin d’après-midi libérale et volubile.

samedi 1 juillet 2023

Capitale ascension

Sortir du terminal l’air affairé et aviser un taxi. Lui donner l’adresse de l’hôtel et pointer du doigt le compteur, pour ne pas risquer de malentendu par la suite. Consulter sa montre, il est 16h16, se détendre sur la banquette arrière, regarder le paysage par intermittence, dans l’attente de voir pointer à l’horizon les cinq arches du pont Nhật Tân. Constater avec stupeur l’ampleur du développement urbain dans les quartiers périphériques, avant de se glisser dans les ruelles sinueuses et encombrées de la vieille ville. Vérifier encore que le compteur indique une somme raisonnable, et indiquer au chauffeur de prendre par la gauche, à gauche encore, puis à droite, et demander l’arrêt du véhicule. Payer la course comptant, pénétrer dans l’hôtel, saluer la réceptionniste en empruntant l’accent du Nord, confirmer sa réservation, monter au 4e étage, prendre possession de la chambre, à deux pas de la Cathédrale et du lac de la Tortue. Tout de suite ouvrir la porte-fenêtre qui donne sur le balcon, et prendre le pouls de la ville en contrebas, klaxons, éclats de voix, vrombissements, crissements de frein. Ressortir après quelques ablutions, pour déambuler tranquillement le long des berges du lac. Se diriger nonchalamment vers l’Opéra pour prendre connaissance du programme – récital Brahms, Shostakovitch, Beethoven – et, le cas échéant, réserver une place pour le concert du soir. C’est complet. Dommage. Reprendre son chemin. Saluer la statue de Lý Thái Tổ en passant, et se perdre dans le quartier des 36. Trouver une terrasse et déguster une bière fraîche, alors que la nuit tombe. Se renseigner auprès de la patronne sur les bonnes adresses pour goûter un bol de Chả Cá, de Bún Chả ou de Ngan Nướng. Poursuivre la promenade du côté des grandes rues, Hai Bà Trưng, Lý Thường Kiệt, Trần Hưng Đạo, pour enfin se sustenter d’un bon bol de nouilles à la viande d'oie marinée au gingembre et à la citronnelle. La panse pleine, revenir sur ses pas et retrouver le chemin de l’hôtel. Là, allumer les lampes de chevet, tirer les rideaux, prendre une bonne douche, se blottir dans un lit trop grand, lire quelques minutes et fermer les yeux. Sourire à cette première nuit à Hà Nội, et s’assoupir en se demandant de quoi le lendemain sera fait.