La journée s’annonce blanche, chaude et moite. Au lever, chant de coq à même la fenêtre. Hà Nội proclame ses matins en clairons rauques et récurrents. On se prépare fissa pour un cà phê đá au coin de la rue, ingurgité à la sauvette, alors que fanfaronnent les chariots de phở et de bánh mì ốp la. Toute une ville en mouvement déjà, alors que sonnent les sept heures au bourdon de Notre Dame. On se faufile parmi les motocyclettes le long des Phố Hàng Hòm, Hàng Điếu puis Hàng Cót pour se rendre dans le quartier des ministères. Là, les avenues sont larges et arborées. Le traffic y est inexistant. Les bâtiments coloniaux se devinent derrière de hautes grilles serties de caméras, alors que les trottoirs sont agrémentés de guérites blindées, qu’occupent des fantassins au costume d’albâtre égaillé d’épaulettes tressées d’or. De temps à autre, de grosses giboulées débaroulent et tambourinent les frondaisons épaisses des pancoviers centenaires. On se réfugie alors sous de vieux porches décatis, dont les portes de bois vermoulu s’écaillent en poudre vermeille.
Enfin, c’est l’éclaircie.
À droite, l’immense lac de l’Ouest scintille sous la brise. À gauche ce sont les lignes de fuite qui se perdent en mille reflets sur l’esplanade Ba Đình, où se dressent les colonnes austères du mausolée de l’Oncle Hồ. On ne fait qu’y passer, sur la pointe des pieds. Plus loin, le quartier des ambassades rutile sous un soleil blafard, et la circulation redevient bruyante et chaotique. Pause bienvenue sur un banc pas loin du Temple de la Littérature, pour avaler un bánh bao bourratif et tout fumant. Repu, ragaillardi, on se dirige donc vers le portail d’entrée de la plus vieille université du pays pour y déchiffrer quelques stèles gravées par d’anciens docteurs en mal de préceptes confucéens.
Enfin, tempéré par tant de sapience orientale, on file prendre un remontant du côté de la rue Lò Sũ, où nous attendent tabourets et tables de plastiques, bleu de préférence, pour une fin d’après-midi libérale et volubile.