mercredi 26 avril 2006

Torre Pendente

Lorsqu'en 1173, l'architecte Romano Pisano entreprit les travaux de construction en marbre du campanile de la cathédrale romane de Pise, il pensait avec les ambitions vénitiennes : il voyait par dessus l'épaule de Saint-Marc. Du monumental ? On contrôlait la Corse et la Sardaigne, et Gênes et Florence se tenaient à distance.
Du monumental.

Il ne se doutait probablement pas de l'instabilité du terrain..C'est que, situé à peine 2m au-dessus du niveau de la mer (où nous avons dormi Yen et moi, soit écrit en passant, dans cette ZX Citroën grise et passablement écornée, don de mon grand père et leg de mon oncle Pascal pour une durée indéterminée ; et la mer, donc, n'est pas loin de Pise) le sous-sol du Campo dei Miracoli n'offre pas le terrain idéal pour établir les fondations d'un édifice d'une telle hauteur. Mélange instable de couches de sable et d'argile, fragile.
Pisano venait tout juste d'entamer la construction quand le terrain commença à s'affaisser sous les fondations du côté sud. Cinq ans plus tard, au moment où les travaux furent interrompus, seuls trois étages étaient terminés, et la tour naissante avait déjà très nettement un petit air penché.
Un siècle plus tard. 1272. Une nouvelle équipe d'artisans et de maçons s'attaqua au problème. Ils tentèrent de consolider les fondations, sans réussir pour autant à redresser la tour. Ils décidèrent alors de reprendre les travaux et de compenser l'inclinaison en construisant tout droit, à la verticale, à partir des étages inférieurs, ce qui donnait une courbe légère, mais sensible, en forme de banane. Le clocheton prit place au sommet de la tour en 1370.
Jusqu'au XVIIIe siècle, la tour est restée stable et son inclinaison n'a pas semblé s'accentuer.


Durant les siècles suivants, la courbe ne résolut plus rien.

La tour pencha d'un millimètre de plus chaque année.
Millésime 1993 : 4,47m d'aplomb à la verticale, un petit cinq degrés. Tout de même.

Outre les problèmes liés à la position du sol, la structure elle-même est fragile. C'est un cylindre de marbre, avec, pour liant, un mélange de blocaille et de mortier, inégalement reparti.
On se concerte, et on ferme le site en 1990. Des ingénieurs prennent le soin de placer 1000 tonnes de lingots de plomb au pied de la base nord de la tour, pour compenser au sud. On cercle d'acier le deuxième étage pour éviter qu'il ne se dérobe.
Millésime 1995 : 4,495m. Tout de même.

En 1999, on pensa à des ancres hydrauliques qui viendrait supporter le troisième étage. Puis, méticuleusement, les ingénieurs retirèrent de la terre, avec parcimonie, sous les fondations nord.
70 tonnes de terre extraites plus tard, la base de la tour a retrouvé le niveau qu'elle avait au XVIIIe siècle.

Des experts disent : « On en a pour 300 ans, minimum. »

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