mardi 2 août 2005

Bingmayong


On peut conjecturer sur les circonstances exactes de l'événement, d'autant plus que les sources sont rares. On peut aussi - alors - tenter de remplir les blancs par un petit recours à l'imaginaire.

Il faisait certainement très chaud, cet été-là. On avait planté ce qu'il fallait de maïs et de blé, mais on était inquiet pour les récoltes futures. C'est que, même si on nous avait longtemps sermonné sur la valeur du travail au champs, sur le rôle essentiel du paysan, on nous laissait bien tranquille dés que l'effort ou le doute se faisait trop lourd à porter. On était en 1974 - Mao mourrait dans les deux ans, fin de règne du Père sénile mais encore dangereux - et le pays se remettait sur les rails de la normalité économique et sociale. Deng Xiao Ping venait de prendre les commandes et tentait de rassurer : on en avait besoin, après les tumultueuses et désastreuses années de Révolution culturelle. D'ailleurs, ici, dans le Shaanxi, pas très loin de Xi'an, on pouvait trouver encore de ces exaltés qui récitaient les slogans révolutionnaires à pleins poumons en vitupérant contre tout ce qui n'était pas Mao... On en avait encore peur, de ces derniers Gardes Rouges, ou de ce qui en restait...
Pour trouver de quoi arroser les champs, il nous fallait creuser. On savait bien que l'eau c'est dans le dessous des choses, et qu'avec un peu de chance, on n'aurait pas à chercher longtemps. C'était l'été, on était abruti de chaleur, et on n'a pas saisi tout de suite ce qui nous est arrivé.

On creusait encore, peut être jusqu'à quatre ou cinq mètres. On remontait la terre avec de pauvres seaux hors d'état. On était en bordure d'une tombe impériale, celle de Qin Shihuang, dont le nom, à l'époque, nous était inconnu. On voyait seulement un tumulus sous les herbes hautes, un talus que d'autres paysans auraient pu faire autrefois.

C'est en remontant un des seaux que l'on a trouvé. C'était une tête en argile, de la taille d'une tête humaine. Elle était expressive, plus expressive que les peintures révolutionnaires qui ornaient les murs du village. Elle était vieille. On s'est tous arrêté pour la regarder. Et pour savoir quoi en tirer. D'un côté, si la Révolution Culturelle était finie, on n'avait rien à craindre. Ce n'était plus dangereux de rouvrir l'histoire ancienne et impériale. D'un autre côté, on ne savait pas à qui s'adresser pour savoir si cette tête avait de la valeur. Mieux valait donc partir pour Xi'an. Là, ils avaient beaucoup de vieilles choses. Ils sauraient nous conseiller.





Là s'arrête l'épisode. J'aime à penser à ce moment d'incertitude, lorsque l'on ne sait pas encore ce qu'on a sous les pieds.


Bingmayong aujourd'hui est l'un des plus grand musée de Chine. Pensez !, trois fosses dont deux sont aussi grandes qu'un terrain de football, entourées de bâtiments annexes qui accueillent expositions permanentes et temporaires. Un site archéologique qui, plus de trente ans après sa découverte, n'a pas encore été complètement fouillé. Cette armée aux pieds d'argiles est effectivement une découverte majeure pour le patrimoine mondial de l'humanité. Elle témoigne d'un triomphe du figuratif et du symbolique, d'une performance technique, d'une assise autoritaire ; de tout, en somme, ce que l'Empire du Milieu savait faire avant tout le monde.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Par quel biere suis-je donc passe ? Ce sont maintenant des metres cube de terre que je brasse (accents etouffes)! Et, tiens, c'est habite ! "Ni Hao les gars ! Ne vous inquietez pas on va vous sortir de la, il y a encore un peu de place en haut ! Tiens, si le voyage en train ne vous decourage pas je connais a Dalian quelques appartements avec vue sur la mer qui attendent justement d'etre peuples, vous y serez bien !
Enfin merci pour cette fertile et odorante pellete d'histoire Brice, tu nous mets dans le bain !