mardi 24 octobre 2023

Banzai Tawā !

Quand messieurs Hisakichi Maeda et Tachū Naitō décidèrent, en 1957, qu’il fallait édifier, dans l’affluente municipalité de Minato, une tour métallique de radiodiffusion, ils n’avaient pas en tête de dresser un simple poteau électrique. Ils se voyaient comme les héritiers de Gustave Eiffel, et, comme lui, voulaient frapper l’opinion et faire tourner quelques têtes. Leur sac en avait bien quelques-uns, de tours, et, quand le 23 décembre 1958 la Tōkyō tawā fut ouverte au public, elle devint illico le symbole d’un Japon renaissant, culminant à 333 mètres – élévation nécessaire pour couvrir d’ondes télévisuelles l’ensemble de la plaine du Kantō. Sa belle robe blanche et orangée, consentie par la sécurité aérienne de l’aérodrome Haneda tout proche, la rend tout de suite attrayante, et ses plateformes d’observation ne désemplissent pas. L’imaginaire populaire des mangas et des films de l’époque d’après-guerre s’amuse sempiternellement à la démolir sous les coups d’un Godzilla, Gamera ou autre Mothra, et il faudra attendre la fin du siècle pour que sa silhouette soit associée à des péripéties moins dramatiques. Pendant ce temps, Tōkyō se densifie le long de sa célèbre ligne Yamanote, emboîte frénétiquement cubes et parallélépipèdes de verre et d’acier, si bien que la Tetsu no Onnachan se retrouve bientôt incapable d’émettre à sa guise. Voilà le régulateur des radio-transmissions bien embêté, il lui faut trouver rapidement une solution pour diffuser ses ondes de nouveau sans encombre. 

 

Les gars de la télé nippone se réunissent, tergiversent, et accouchent d’une idée simple : bâtir une plus grande tour, une vraiment plus grande tour, mais dans un coin de la ville suffisamment paupérisé pour qu’on n’y aille pas construire encore du gratte-ciel de bureaux aux alentours. On tope, on s’incline à gogo, et c’est à Oshiage, dans la commune de Sumida, que l’on prépare les fondations de cette nouvelle antenne géante, sur les voies d'une ancienne gare ferroviaire de fret du réseau Tōbu. Cette architecture en tripode et lacis tubulaire, on la doit à monsieur Tetsuo Tsuchiya, assisté de Tadao Andō et Kiichi Sumikawa, qui ont semble-t-il révisé leurs classiques des armatures en acier soudé. Prouesse technique, que de pouvoir atteindre les 600 mètres de haut sur une base aussi réduite ; élégance de ces lignes simples en chevrons ; le projet suscite un enthousiasme immédiat, qu’un calendrier de construction serré renforce davantage. La Tōkyō Skytree perce le ciel pour culminer à 634 mètres le 29 février 2012, sous les accolades d’une foule adepte de priapisme. Elle fait donc pendant à sa grande sœur mandarine et lui vole la vedette, s’ajoutant par son élancement à la lignée glorieuse des édifices babéliens. 

 

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