jeudi 26 octobre 2023

L'homme salaire

 

Ah ça, c'est un matin nippon. Ringu ringu, je me lève, ça muit, ça muit, avant de prendre ma douche, j'allume la télébi et je tombe sur les formalités du présentateur du journal qui yoroshique à n’en plus finir. Je quitte l’appato, je prends le train pour me rendre au travail, je dois écouter toutes les annonces formelles, tsugi wa, tsugi wa, parce que j'ai oublié mes écouteurs. J’arrive au turbin. J'annonce officiellement que je suis arrivé. Je salue formellement mes collègues et mes supérieurs avant de m'asseoir. Le téléphone sonne, je passe immédiatement en registre super formel. Je m'incline plusieurs fois même si la personne à qui je parle ne peut pas me voir, puis je m'excuse pour un retard sur un projet, je sumimasenise en litanie jusqu’à la fin de l’appel. Ma journée continue, je moshiwakegozaimasenne en boucle parce que je continue à commettre des erreurs à cause du surmenage et de l'épuisement. Je me shitsureishimasse dans la salle de réunion pour un mitingu à 19 heures, avant d’être enfin osakinishitsureishimassé du bureau en me faufilant dans le couloir. Je me gomenne dans la foule qui s’agglutine sur les quais de la gare. Je monte fissa dans le train futsu pour rentrer au condo. J'ai retrouvé mes écouteurs au fond de mon sac, yoï, yoï, donc je parviens à ignorer les annonces pendant toute la durée de mon voyage de retour. Je me rends au suppa pour acheter de quoi dîner parce que je suis trop fatigué pour cuisiner. La caissière est une femme âgée qui adore utiliser le sonkeigo, alors nous mettons des « o » et des « go » à toutes les sauces. Je suis assez poli, je pense. Je rentre chez moi, suitchi, genkan, surippa. Je mets mon dîner au micro-ondes. Je me mets en pajama, j'allume la télébi, je m'assois et je dévore mon oden fade. Sur l’écran, un groupe de personnes qui ne m'intéressent pas parlent en japonais formel, et je me demande pourquoi j'écoute encore ces salmigondis alors que j'ai passé toute la journée à l'entendre et à l'utiliser moi-même. Finalement, je baisse la tête et je rêve de m'excuser auprès de mon boss pour ne pas m'être suffisamment excusé auprès d'un client. C’est le signe que c’est l’heure du yasumi, au dodo et mata né.

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