jeudi 30 décembre 2010

A l'antenne

Point de morse,
mais juste un tacatacata dans le ciel,
pour les gens alentour.

lundi 27 décembre 2010

Les auxiliaires des semaphores

Ils sont retenus au tronc,
l'équilibre,
ni rouge,
ni vert,
maintenant maintenus,
et donc, passons.

vendredi 24 décembre 2010

A la plume de la grue


Bình Định, 1769.


Mes très chers frères,
voici venu le temps de balayer tous ces princes qui insultent la mémoire de nos Empereurs Vénérables et Vénérés, Ceux qui, ceints de l’Epée du lac des Tortues, firent payer aux Chinois leurs exactions au centuple.
Nous devons nous dresser contre ceux-là qui minent notre souveraineté, qui dilapident notre royaume, à coups de conquêtes absurdes sur les terres occidentales que défendent nos voisins Khmers contre l’ennemi Siamois.
Oui, mes frères, il est temps de saisir cette opportunité !
Phú Xuân, cette fière citadelle, n’est pas si lointaine, et celui qui l’occupe ne saura la défendre contre un adversaire déterminé. Et nous le sommes. Oui, mes frères, nous avons pour nous le peuple et sa révolte contre ces princes futiles et fats, qui mènent le pays à sa ruine. Le peuple a faim, le peuple a soif, le peuple veut sa part de victoire et s’enrichir de butin ! Le peuple peut se mouvoir sous nos ordres, et marcher sur cette cite princière, et qu’importent les pertes !
Il faut d’abord se prémunir contre les iniquités de Nguyễn Phúc Thuần, ce gueux brocardé d’or, et le faire pendre. Alors seulement les Seigneurs Nguyễn sauront à quoi s’en tenir, et ils craindront, du fond de leur retraite luxueuse, la vindicte qui s’abattra sur eux par ce peuple par eux méprisé.

Ensuite, marcher sur Phú Xuân, la prendre, et s’asseoir sur le trône. Et régner sur ce petit bout de pays, pour faire trembler ces princes Trinh qui ne savent rien faire que gémir sous les humeurs du Fleuve Rouge, là-haut, à Thăng Long ! Ceux-la ne méritent point de régner, ces veules avortons sans lignée véritable ! C’est à nous, mes frères, de décider pour le Đại Việt, à nous de prendre les rênes de l’empire et de remporter victoire. Alors nous pourrons sous une même bannière unifier toutes ces terres et mener ce peuple – notre peuple – éparpillé, vers un même but : l’éradication de l’engeance chinoise, cette nemesis qui nous menace à chaque instant et se joue de nos fragiles dissensions. Mes frères, j’attends de vous rudesse et abnégation, maintenant que ce jour arrive. L’aube d’une ère nouvelle transperce l’horizon, et nous ne devons ciller. Regardons, regardons ensemble cet avenir glorieux !
Je vous attends, et je veux ce rassemblement sur la côte, à Qui Nhơn, qui est déjà nôtre. Puissiez-vous haranguer, soulever ! Toi, anh Nhạc, tu dois te rendre promptement à An Lão, An Nhơn, Hoài Ân et Hoài Nhơn pour y galvaniser les villageois. Nul doute qu’ils se rendent à tes prières, épuisés par ces taxes et ces spoliations venues d’en haut. Quant à toi, anh Lữ, c’est à Tuy Phước et Tây Sơn que tu t’installeras, et administreras notre nouvelle armée.
Mes frères, puisse le dragon se retourner contre nos oppresseurs et nous ouvrir la route de la victoire !

Votre dévoué et humble,

Huệ


jeudi 16 décembre 2010

Les réassorts (des fonds de tiroirs, mais qui plaisent aussi)

On ne saurait dire. Franchement, pourquoi, quand on se met à chercher dans les archives, on trouve toujours quelques vieilles épreuves qui viennent se coller à la rétine et qui ne vous quittent pas, quitte, même, à ne pas vous laisser le regard tranquille ? Alors, bon, on rejette un œil critique - mais pas trop - à ces images qui vous font de l'œil, juste pour les replier d'un geste arrondi, dans un de ces tiroirs virtuels que contiennent tous les disques durs.

Et puis, des fois, pas de bol, ça ne suffit pas. C'est le coup de la resucée, de la photo-qu'on-avait-pas-vu-qu'elle-était-pas-mal-finalement.

Et donc :

Les enfants, oui, les enfants, tous en rang, qui écoutent en chœur les discours lénifiants de la maîtresse. Sauf lui, heureusement, dont le visage sera retenu par tous ceux qui passeront par ici.

Le bambou si long qu'il ne rentre pas dans le cadre, et ça tombe bien, parce que c'est de poussée et de croissance et de développement dont il s'agit ici, et des épaules meurtries par toutes ces marches à gravir à toutes heures pour édifier on ne sait quel établissement du côté de Sapa.

Enfin, le profil d'une amoureuse, juste là, dans le Temple de la Littérature.

mardi 14 décembre 2010

WV's landscape

Ce ne sont que des signes : Le Van, ouvert à tous vents ; la tenue bariolée de la jeune demoiselle ; la pose, figée bien sûr, mais toute de détente contenue, à la manière de ces réclames d'antan, devant le paysage arboré du parc.
Un rappel tardif à ces illustrations vantant les cheveux et le vent, la mécanique populaire et les vacances à plusieurs, le voyage à la hippie en somme...

mercredi 8 décembre 2010

Wild Cox

Saisis au vol,
quelques coléoptères roulants,
sur l'asphalte céleste d'un parc dominical.

samedi 27 novembre 2010

Roulent tes billes

Pourquoi abandonne-t-on tous les moyeux ?
Ces moyens de conduire à bon port les cargaisons les plus diverses ?
Ces xe-3-ban aux roues libres et souvent voilées ?
Pourquoi faut-il donc laisser immobiles tous les roulements, les essieux, les pédales, les châssis, afin que la ville voie disparaître peu à peu les véhicules de peu, de beaucoup aussi, les véhicules du vulgum pecus, qui n’ont plus voix au chapitre et voie à emprunter ?

Parce que, bizarrement, la ville veut davantage de carrosses fermés à la rue, davantage de quatre roues épaisses qui ne trimballent dans leurs intérieurs cossus que quelques têtes toutes occupées à ne pas voir au dehors. C’est dommage, certes. C’est surtout triste de ne plus rendre hommage aux pétarades des portefaix à moteur qui parcourent le réseau en quête de tout - ou d'un rien - à transporter...

samedi 20 novembre 2010

En traverses

Oui, il faut probablement le parcourir un peu à pied, ce réseau à une ligne, cette ligne à deux rails, ces deux rails bien droits qui vont en louvoyant le long de la côte d'une ville du sud à une ville du nord. Et puisque l'on foule d'abord le ballast, puis, à cloche-patte, le tablier du pont qui traverse la rivière - la première depuis la gare-terminus de la ville du sud - on peut s'attarder à saisir ces perspectives toutes de lignes, au sol et puis en l'air, qui tracent l'image directe du voyage.

Mais, il faut probablement le parcourir un peu à pied, pour marquer son empreinte, et pour rencontrer aussi les marcheurs des voies, qui ne regardent ni en arrière ni en avant, qui s'écartent peut-être au passage du convoi, lorsque le train se décide à passer là, du nord au sud ou inversement.

Non, il faut surtout le parcourir à pied, un petit morceau de pont, entre l'eau et la terre, et sans loco pour nous faire dérailler.

lundi 15 novembre 2010

En bonne compagnie

Ce sont toujours le long des lignes que l'on trouve les sujets express.
Là, donc, l'œil suit, facile.
Traverses, rails, poteaux, arbres, et ces deux-là qui s'en vont, ou qui tourneront sur eux-mêmes, et le flou qui bouffe peu à peu l'image, dans l'indistinction.
Pour le reste, si, un quidam prêt à passer, d'un autre côté.

dimanche 14 novembre 2010

Faire style

On va de nouveau faire le pont,
et cette fois-ci on sera de l'autre côté,
là,
sur la voie ferrée.

samedi 23 octobre 2010

Hôm nay có cưới #3

Un peu plus tard, et une fois les cérémonies bien entamées, on se pose, et, clope au bec, on fait une mine un peu cinéma. C'est le jour, aussi, pour les postures photogéniques...

Hôm nay có cưới #2

Gloss, et toutes sortes de carabistouilles.
C'est que, ce matin, on ne plaisante pas avec la palette !

Hôm nay có cưới #1

Les matines, pour ce jour qui va s'avérer rempli de toutes ses heures et ses minutes.
Chez la future mariée, on se pomponne avant la venue de la délégation.


Et tout le monde y passe...

dimanche 10 octobre 2010

Victoria Peak

Visions d'archi.
Visions toujours étranges,
Prescience,
Divination,
Détour vers le futur,
Ville nouvelle,
Entassement de ce qui sera peut-être.
Bref, les rendus, c'est rigolo !

lundi 20 septembre 2010

Cracks on the pavement

Mosaïque, encore, d'un projet depuis longtemps laissé à l'abandon.
Le voilà donc, surgi des errances parisiennes, déjà vieilles, mais si pleines de souvenirs.

lundi 6 septembre 2010

Trafic <-> Retour

Voilà le feu,
vert,
rouge aussi.
Voilà les feux,
Oranges,
Rouges souvent.

Voilà les gens.
Couleurs et couleurs
Couleurs tous les temps.

mardi 31 août 2010

Ramasser les morceaux

Ces ouvertures sur la lumière du jour sont toujours obscurcies. il y a là le plomb des joints, et les verres colorés, qui composent l'image vue depuis l'intérieur du lieu.
Dans le cas des sites montagneux, on illustre les hauts faits, que menace ou récompense la divinité.
Et, pour les marins, on s'abstient ; on représente seulement les teintes aigue-marine des fonds perdus aux disparus des eaux, et les vermillons des sacrifices réguliers.
A croire peut-être que Poséidon n'a plus sa place sur les dessus du ciel.
Et que s'il neige, il faut tenter l'ascension.

samedi 21 août 2010

En descendant les vallées marocaines

Quand on est petit, et que l'on retourne tous les étés dans le chalet, on se surprend toujours à se faire peur. Surtout à l'étage, là ou toutes les chambres communiquent sur un même couloir, sinueux et plein d'angles, de perspectives fuyantes et de salles d'eaux gargouillantes aux heures les plus noires. Un couloir vraiment bizarre, tantôt large, tantôt étroit. Avec plein de portes toutes pareilles.
Et les Chambres ? Même.
Que les grandes personnes les aient apprivoisées au nom des couleurs de nos crayons ne change rien. La première, toujours, c'est la chambre Rouge, à droite, qui recelle tout autant de trésors que de périls. La Verte, en face, contre les toilettes, abrite toutes sortes de placards profonds, au son desquels nul ne peut dormir. Au milieu du couloir, la chambre des parents, la Bleue, que l'on ne connaît que par intermittence, au mitan de l'après-midi, pour poser un pied sur le balcon périlleux. Au bout, la Jaune, pour les grands. Autant dire, pas pour nous, ou seulement des fois, quand ça rit trop fort et qu'il y a du monde.
La dernière, c'est une autre Rouge, aux fenêtres sans volets, si lumineuse que seuls les cousins montagnards osent y ronfler sans crainte de la vue sur les sommets tout blancs. Nous, donc, c'est la Rouge, la première, celle qui donne sur le bouleau du jardin et sur les champs du village. On se dispute chaque fois les deux lits, un moment, juste pour dire, et puis je prends celui à côté de la porte, pour être sûr d'entendre les bruits du couloir, qu'on devine toutes ces nuits de vacances, là, dans ce grand chalet.

Pour autant, si le premier étage fourmille de récits d'épouvante et d'histoires secrètes, l'escalier de bois qui descend au rez de chaussée affiche, tout contre sa volée, un vieux poster un peu jauni, un peu corné. On lit, tous les matins, le titre épais et gras des "Fleurs de nos Montagnes" et on regarde, toujours distraitement, les quelques photos colorées, en ignorant toujours le nom de ces fleurs-là.
Là est la frontière, d'un étage à l'autre, des nuits agitées aux activités du bas, aux repas, aux jeux et aux balades.

samedi 14 août 2010

Dédicace à M. Dubos

C’est un porche sur la rue des deux soeurs Trung, Un porche remarquable, surtout grâce à sa tourette au toit de tuiles vernies, que les pluies de la mousson font tambouriner sans relâche. Il est possible de le franchir, ce porche, mais il faut montrer patte blanche : c’est que, derrière, se dressent en « U » les bâtiments de M. Dubos, les bâtiments de la Raffinerie. Trois corps, dont deux de plain pied et, à main gauche, celui de l’office qui surplombe l’ensemble de ses deux étages.

On peut trouver tous les jours M. Dubos devant, la veste déjà retirée à l’heure matinale de l’appel des ouvrières autochtones. Il a encore le geste vif, le regard aiguisé ; potron minet, ce n’est pas encore le temps des premières pipes ; chacun a encore le geste sûr et rapide. Ce n’est que bien plus tard dans la journée que les êtres, travailleurs et administrateurs, tous mélangés, manifesteront leur hébétude, en de lents gestes sans objet, et en prostrations hagardes.
On en est pas encore là, à l’aube. L’aube, c’est le déchargement des ballots de pavot, et c’est pour cela que M. Dubos est devant les offices. Il veut voir ce que les Chinois Wang Tay – qui ont toujours la main-mise sur le trafic venant du Yunnan – vont lui proposer. A l’aune de ce que les Anglais lui achèteront, il a déjà une idée des négociations à venir. Cela risque d’être houleux, maintenant que le Conseil Colonial a pris la décision de taxer les échanges entre les régions septentrionales au Tonkin et les ports de la Cochinchine. Mais il n’en a cure, car il sait que tout lui sera vendu, et qu’à son tour il vendra tout. Il est le maître ici, désormais, et les Chinois du Bazar de Cholon le savent bien. Pour autant, le jeu de cette intoxication voulue et encouragée ne lui plaît guère ; à quoi bon faire du négoce, si c’est pour abêtir ceux avec qui l’on traite ? La perfide Albion l’a bien compris, peut-être même trop, et elle en abuse. Fière de sa couronne, d’accord, mais fière aussi de ses trafics ? On peut en douter, songe M. Dubos, alors que les charrettes font halte dans la cour.

On palabre un temps, maintenant que la pluie a cessé. On va bientôt rentrer dans le bâti, pour y signer les quelques bons d’achats, qui seront par la suite visés par la Régie, plus bas, au bord de la rivière. Et puis, bien sûr, on s’en va verser le thé et fumer son content, d’abord en tabac brun, puis en boulette de cet opium gras et lourd qui vient soit d’Inde soit du Triangle. Et puis, l’ivresse aidant, on laisse la journée s’écouler à sa propre mesure, tandis que les ouvrières déchargent, déballent et découpent la cargaison en paquets de plus en plus petit.

M. Dubos, lui, va se réfugier dans son bureau, où je viens le rejoindre plus tard, une fois mes tâches finies.
C’est souvent en fin d’après midi, il fait jour encore.
Nous nous saluons, et il m’offre une de ses bouteilles de bière munichoise – un de ces mystères des importations de la colonie – qu’il sait garder au frais – mystère plus grand encore ! – pendant que nous évoquons les cancans de la vie saigonaise : qui s’est encongaillé, qui est parti en mangrove y chercher fortune, qui est revenu malade de ses efforts vains… Et puis, après quelques bouteilles, je le laisse à ses affaires, je franchis de nouveau le porche à l’ombre duquel je fais halte. Et, après avoir allumé une cigarette, je vais me perdre de nouveau dans les ruelles de la ville vietnamienne, par delà la rue des deux sœurs Trung.


mardi 10 août 2010

A la croisée de la terre et du ciel

Au-dessus des nuées,
il y a toujours ceux qui,
crucifiés,
justifient leur passion des cieux.

Plus bas,
au sol,
il y a une chapelle,
encore,
sise au bord des eaux,
sous les rayons d'Helios.

De quoi avoir la foi,
bien sûr,
à la pointe des terres émergées.

dimanche 8 août 2010

La trilogie de Port Navalo

Triptyque granitique, sur fond gris.
Voilà la coque et la voile - entrouverte,
La croix et l'ancre - fermées à cette heure crépusculaire,
Et, pour sûr, la raison de tout cela - ouverte à tous vents.

vendredi 6 août 2010

Klaus le breton

Les côtes sont, là-bas, venteuses et de rocs découpées, et les cieux sans cesse changent au gré des heures. On y a bâti de basses maisons de pierre, aux toits sombres et pentus, pour s'y calfeutrer lors des saisons mauvaises, qui semblent fort longues au voyageur du sud. On y pêche toujours, bien sûr, et la mer est fertile. Et puisque l'on s'aventure sur les eaux tumultueuses de l'océan, on prie Saint Nicolas, qui a donc fort à faire. Saint patron de moult gens : les écoliers, les étudiants, les enseignants, les hommes et femmes souffrant de stérilité, les célibataires, les vitriers, les bouchers, les voyageurs et les marins, le voilà invoqué aux quatre coins des terres, et même jusque là, à Kerners, où sa chapelle grise et bien assise nargue les airs du large.

dimanche 1 août 2010

Le chemin des dames

Champs, contre-champs.
Chacun son camp.

Lui a pris les blancs,
Comme souvent,
Et comme souvent s'en va au bout du champs,
Et commence, et comment !

samedi 31 juillet 2010

Patriach's profile

Le grand-père écoute et ne perd pas une miette des discours enchevêtrés de la table familiale. Qu'il s'agisse de musique, de peinture ou de grosses ficelles polémiques, il reste de marbre. Ses interventions n'en sont que plus remarquées, aiguës et détaillées, isolées dans le flot de paroles qui reprend bientôt, entre fromages, pains, vins, et desserts.

vendredi 30 juillet 2010

Les noctambules des plateaux

S'imagine-t-on marcher au clair de lune sur ces sentiers mille fois parcourus, avec pour seul compagnon son ombre fidèle, étonnée d'être debout à cette heure, et toute apprêtée sous ses atours nocturnes ?

Voilà donc ces rêveries de promeneurs pas si solitaires, sous les étoiles de l'été, et les arbres du domaine. Et des images étrangement claires, grâce aux magies des chambres noires...

La courtisane

C'est à la ferme, au bout du chemin.
On pénètre dans la cour qu'enserrent de vieux hangars, alors que devant, du haut de ces deux étages, se dresse le bâtiment des maîtres. La cour est silencieuse à cette heure de fin d'après-midi. Il n'y a personne, mais on peut deviner une présence : la Deuche est là, et on nous attend quelque part.

mercredi 28 juillet 2010

C'est une vallée

Si l’on s’en tient au discours géologique, on ne peut qu’évoquer les chevauchements, les plissements, les recouvrements de parties proximales, tout un fatras d’histoires tectoniques et métamorphiques qui ont fait le bonheur d’une terre pré-pubère, dont l’exubérance à se gratter les plaques n’a d’égal que celle de se faire dégorger le magma. Et puis, sagesse et encroûtement s’ensuivant, on se retrouve bien plus tard perclus de chaînes montagneuses en tous genres, certaines empâtées de leurs courbes vieillies, d’autres élancées de leur jeunesse relative.
Mais si l’on se détache de l’observation de ces gros tas de pierres, et que l’on considère – avec raison – qu’ils nous servent à approcher le ciel, alors on peut, comme Strabon l’ancien, considérer que les Celtes et autres Altaïques résumaient cela avec élégance. « Alp ! », disaient-ils, pleins d’une craintive ferveur envers ces sommets qui ouvraient la route au monde lumineux. C’est certainement ce que pensaient aussi les Allobroges, les Ligures, les Ceutrons, toutes les tribus à se disputer les routes du haut, alors qu’aucun de leurs braves ne se souhaitait y chercher aventure.

Alors, donc, ces vallées et ces monts demeurèrent longtemps terres désertes, inhospitalières, mais fichtrement importantes aux yeux des chefs qui y projetaient toutes sortes d’augures et de miracles. Même les Romains, pourtant aguerris par ces difficiles expéditions aux confins des empires, n’y firent que passer, tête basse et épaules rentrées. Les Burgondes, plus tard, se dirent qu’une annexion de ses sommets lointains ne mangeait pas de pain, pour distants qu’ils fussent. Mais il faut attendre le Comte Aymont Ier de Genève pour élever le débat, car celui-la fit mieux que de craindre de loin les neiges éternelles : il les fit garder par des moines qui, en 1091, allèrent s’installer sur la rive droite d’un torrent bleuté d’écume, au mitan de la vallée qu’ils désignèrent sous le nom de Chamouni, comme le leur avaient indiqué, à mots fuyants, les quelques montagnards qui y vivaient d’herbes et de glaces. On vit d’abord s’ériger une abbaye, puis, le long des courants, plusieurs moulins, et déjà on se disputa l’autorité sur ce territoire engoncé, entre prieuré bénédictin et paysannerie fromagère. Par la suite, l’histoire se complique. Elle fait intervenir tant et tant de souverains que nul de saurait démêler l’écheveau. Il y a tout ce que la Savoie compte de couronnes, assujetties par alliances à la maison de Sardaigne, alors que rois français et pontifes abandonnent peu à peu l’intérêt des sommets terrestres. C’est que, à force d’être si hautes et si seules, ces montagnes ne suscitent plus guère tabous ni anathèmes. On ne convainc plus depuis longtemps le promeneur alpin de périr foudroyé par les cimes fatales.
Il arrive d’ailleurs de partout, ce marcheur curieux, mais d’Angleterre surtout, et décide de faire de la balade un sport d’élite. La Savoie, pendant ce temps, change quelquefois de direction, mais le massif du Mont-blanc, et sa petite bourgade Chamouny, prospèrent. On y cultive toujours l’orge et l’avoine, on se biture toujours à la vigne et au genépi, et on célèbre les exploits de ces premiers alpinistes, qui partent fringants et reviennent mourants, et fiers de leurs sommets conquis.
Plus tard, au début du siècle dernier, la vallée se remplit hiver comme été. On vient y respirer l’air du haut comme un nectar, et profiter de la neige comme divine poudreuse. Les conquêtes du plus pointu s’égrènent, dômes, pics, aiguilles, tout est gravi, foule, acquis.
Et depuis, la station s’appelle Chamonix.

samedi 24 juillet 2010

Saroudalf

Il a troqué son ample manteau et son bâton, mais on ne peut se méprendre. Même là, mêlé à la foule des villageois, il a encore ce regard profond que seuls les mages aiguisent au fil des âges.
Et ce déguisement de binocles, de barbe raccourcie, de toiles modernes et anonymes ne sauraient tromper le Marcheur que je suis. Trop de quêtes en sa compagnie, trop de coups du sort. Décidément, les heures de cette Vallée sont peut-être comptées...

jeudi 22 juillet 2010

At the white lake

2352 m, au cœur du massif des Aiguilles Rouges. L'eau n'est blanche qu'en hiver, recouverte de névés qui ne sont pas éternels. En été, sa couleur tire vers ce vert que l'eau abrite.

Plus haut, il y a quelques sommets faciles d'accès. Un Belvédère, des Crochues, et les Chéserys.
Plus haut encore, c'est Eole, et ses nuages qu'un rien effiloche, sous les rayons du soleil.