vendredi 4 août 2006

Ten cua Thanh Pho

Cette ville-là a bien des fois subi baptêmes et changements d’identités.
Village paisible au bord d’une rivière méandreuse, c’était un avant poste Khmer que ses habitants connaissaient sous le nom de Prey Nokor, en référence aux forêts qui entouraient la bourgade. On devait y languir des fastes du royaume Khmer qui s’étendait alors sur tout le delta du Mékong, jusqu’aux hautes terres où les temples d’Angkor célébraient la magnificence d’une culture plusieurs fois centenaire.
Jusqu’au jour où, trompant la quiétude du lieu, les Kinh – aussi connus sous le nom de Viet – venus du nord décidèrent de s’installer par ici, et de bousculer un peu les coutumes tranquilles des Khmers assoupis. Leur roi d’alors, Chey Chettha II, vit d’un oeil quelque peu indifférent ces migrants vietnamiens qui fuyaient les guerres fratricides qui opposaient les Trinh et les Nguyen, et avait d’ailleurs fort à faire avec les Thai qui menaçaient ses frontières occidentales.
Ainsi, peu à peu, se vietnamisa Prey Nokor, que les nouveaux arrivants débaptisèrent et appelèrent Sai Gon, dont on aurait bien du mal à soutenir une traduction univoque. C’est que les Viet ont eu maille à partir avec les dialectes chinois venus du nord, et qu’ils adoptent sans vergogne ces drôles de vocables en les marinant à leurs sauces. Sai Gon, donc, comme réminiscence khmère des champs de coton, ou comme rappel sino-vietnamien des forêts alentours. Sai Gon, Chai gun, Chaai Gwan, selon qui parle à qui, se développe sous les auspices impériales de Hue, qui y dépêchent, en 1698, un administrateur du nom de Nguyen Huu Canh, lequel a tôt fait de décréter tout cela terre vietnamienne, au petit dam des Cambodgiens qui n’y peuvent plus grand chose.
Pour faire bonne mesure, on construit un fort à la Vauban sur une butte au dessus du fleuve, et on rebaptise encore. La ville fortifiée, c’est Gia Dinh, et elle rayonne maintenant sur tout le sud, embrassant le Mékong et ses terres si fertiles.
C’est sans compter sur les colonisateurs, avides de comptoirs et de trafic, qui manifestent un intérêt certain pour cette ville stratégique. Les Français veulent leur part des côtes asiatiques, et débarquent en 1859, détruisant à coups de canon la forteresse – rebaptisant par là la ville en Sai Gon –, et implantant une cité coloniale au charme certain, dont la notoriété sera l’égale de Macau ou de Canton. C’est « Paris Phương Đông », le Paris de l’Orient, dont l’Hôtel de ville, l’Opéra ou bien la Poste Centrale, font la fierté des colons casqués de blanc.


Les Chinois, arrivés là il y a déjà longtemps, voient d’un oeil méfiant ces Européens à la morgue malade. Ils ont aussi leurs compoirs, à quelques distances de là, et trafiquent aussi pour souligner leur bonne fortune. Ils habitent Chơ Lơn, le « Grand Marché » et ne dédaignent pas faire du commerce avec tous les pavillons qui croisent par ici.
Sai Gon, Chơ Lơn, deux cités juxtaposées qu’un tramway reliera à la fin XIXe, et qui entremêlent leur destin à coup de bouleversements historiques. On finit par bouter les Français hors du Vietnam en 1954, et le sud du pays, sous la coupe de l’empereur Bao Dai, fait de Saigon sa capitale, jusqu’à la chute de la ville sous les assauts de l’armée nord-vietnamienne, le 30 avril 1975.
Changement de nom, encore, pour la plus grande ville d’un pays désormais réunifié. Tout la gloire de leur mentor et héros national, voilà Saigon devenu Thành phố Hồ Chí Minh, ou Ho Chi Minh-ville, dénomination qui demeure encore aujourd’hui dans les textes.
Mais dans les têtes, Saigon sera toujours Saigon...


PS : Les cartes postales d'archives ont été trouvées ici.

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