Elles ne nous regardent pas, ne se regardent pas, juchées là-haut sur un pignon au sommet de cette façade de briques et de béton blanc, curieuses peut-être des reflets des nuages sur le Rhône qui coule en contrebas. Deux têtes colossales, aux traits très art-déco, qui portraiturent Minerve et Mercure, par gout d’hellénisme d’années folles et à jamais perdues. Pourquoi une telle incongruité architecturale a-t-elle poussée là, sur ce bout du quai Sarrail ? On la doit à un certain M. Barioz, opulent fabricant de soieries de son état, qui donc, en 1929, commissionne pour son négoce un immeuble de rapport aux allures d’avant-garde, qu’il couronne de ces deux graves visages, comme pour conjurer la Grande Dépression à venir. L’édifice fait parler de lui, et accueillera au fil des époques consuls, notables et magistrats, férus de pierres nouvelles et de confort moderne.
Un peu plus loin, mais plus couleur locale, un joli toit de tuiles vernissées vient chapeauter un bâtiment angulaire. Cette toiture, pourtant, détonne : on ne trouve pas beaucoup de chape de la sorte, parementée de mignons losanges d’or, pour attirer le regard vers ces fenêtres mansardées qui inspirent sérénades. L’édifice ainsi coiffé, piqueté d'une antenne bulbeuse, est lui aussi bien rupin, mais sans trop d’esbroufe, et se fond dans l’alignement conforme aux quartiers bourgeois de la rive gauche, entre deux perspectives ; celle, cintrée de piliers de pierre, qui suit la travée de la Passerelle du Collège ; l’autre, entravée par l’exiguïté de la rue Bugeaud, qui vient buter sur la colonnade et le chapiteau de l’église Saint-Pothin.

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