Récapitulons.
vendredi 3 novembre 2023
jeudi 2 novembre 2023
南へ向かって
Depuis la municipalité de Ōta, au Sud de Tōkyō, où nous avons élu résidence pour quelques jours, il est facile de descendre sur Kawasaki, puis Yokohama, pour enfin aller voir la mer à Kamakura.
Pour cela, il faut emprunter une vieille ligne ferroviaire, la ligne Yokozuka, mise en service en 1889, et, par-delà les fenêtres du train express, contempler le défilé des installations portuaires qui barricadent les rivages de la baie. Fatras d’usines, d’entrepôts, de réservoirs, de grues, cerclé d’autoroutes sur pilotis, qui laisse place soudain aux collines boisées des faubourgs rupins. Les voies serpentent sous couvert d’arbres luxuriants, de bambouseraies frétillantes sous la brise marine.
On devine les toitures galbées de vieux sanctuaires, tandis qu’apparaissent les premières opulentes villas ; c’est que Kamakura, d’ancienne capitale shogunale il y a mille ans de cela, se mua, sous la restauration de Meiji au XIXe siècle, en bourgade bourgeoise confite de traditions. Pléthore de temples et de mausolées, éparpillés le long des ruisseaux, sur les coteaux et les promontoires, tandis que la petite ville fut prise d’assaut, dès les années 1890, par les premières vagues de touristes baigneurs. Car oui, un vent nouveau soufflait sur le pays, et toutes les institutions voulurent se mettre à la page de la modernité occidentale. C’est au docteur Sensai Nagayo, de retour d’Europe où il étudia médecine et salubrité publique, que l’on doit l’éclosion de la thalassothérapie dans l’archipel, avec bains de mer et de soleil, régime d’algues et de crustacées, dont il loua les bienfaits curatifs. « L’hygiène ! », se contentait-il de répéter à l’envi, alors que se réorganisaient sous sa houlette comités sanitaires, dispensaires et hôpitaux, aux quatre coins du Kantō. C’est ainsi que, de mai à octobre, les plages de Zaimozuka, de Shichirigahama – jusqu’à l’île d’Enoshima –, commencèrent à se peupler de citadins en goguette, venus là pour une trempette salutaire, sous les regards mortifiés d’une haute société privée de ses prérogatives séculaires.
Un bon siècle plus tard, nous y goûtons certes de belles heures de balades, sous les lumières douces d’une après-midi d’automne, mais nous n’avons ni maillot, ni serviette. Une prochaine fois, peut-être ?...
samedi 28 octobre 2023
六本木の上から
Au faîte de la célèbre tour des Forêts, au lieu dit de la Colline des Six Arbres, on peut essuyer du regard un pan assez considérable de la nappe citadine.
Portrait de paysage
vendredi 27 octobre 2023
Goulets et défilés
jeudi 26 octobre 2023
L'homme salaire
Ah ça, c'est un matin nippon. Ringu ringu, je me lève, ça muit, ça muit, avant de prendre ma douche, j'allume la télébi et je tombe sur les formalités du présentateur du journal qui yoroshique à n’en plus finir. Je quitte l’appato, je prends le train pour me rendre au travail, je dois écouter toutes les annonces formelles, tsugi wa, tsugi wa, parce que j'ai oublié mes écouteurs. J’arrive au turbin. J'annonce officiellement que je suis arrivé. Je salue formellement mes collègues et mes supérieurs avant de m'asseoir. Le téléphone sonne, je passe immédiatement en registre super formel. Je m'incline plusieurs fois même si la personne à qui je parle ne peut pas me voir, puis je m'excuse pour un retard sur un projet, je sumimasenise en litanie jusqu’à la fin de l’appel. Ma journée continue, je moshiwakegozaimasenne en boucle parce que je continue à commettre des erreurs à cause du surmenage et de l'épuisement. Je me shitsureishimasse dans la salle de réunion pour un mitingu à 19 heures, avant d’être enfin osakinishitsureishimassé du bureau en me faufilant dans le couloir. Je me gomenne dans la foule qui s’agglutine sur les quais de la gare. Je monte fissa dans le train futsu pour rentrer au condo. J'ai retrouvé mes écouteurs au fond de mon sac, yoï, yoï, donc je parviens à ignorer les annonces pendant toute la durée de mon voyage de retour. Je me rends au suppa pour acheter de quoi dîner parce que je suis trop fatigué pour cuisiner. La caissière est une femme âgée qui adore utiliser le sonkeigo, alors nous mettons des « o » et des « go » à toutes les sauces. Je suis assez poli, je pense. Je rentre chez moi, suitchi, genkan, surippa. Je mets mon dîner au micro-ondes. Je me mets en pajama, j'allume la télébi, je m'assois et je dévore mon oden fade. Sur l’écran, un groupe de personnes qui ne m'intéressent pas parlent en japonais formel, et je me demande pourquoi j'écoute encore ces salmigondis alors que j'ai passé toute la journée à l'entendre et à l'utiliser moi-même. Finalement, je baisse la tête et je rêve de m'excuser auprès de mon boss pour ne pas m'être suffisamment excusé auprès d'un client. C’est le signe que c’est l’heure du yasumi, au dodo et mata né.
mercredi 25 octobre 2023
Sic Transit Gloria Toshi
Le quartier, un peu au nord de la gare d’Ikebukuro, est quasiment désert à cette heure de la matinée. Tout au plus croise-t-on quelques personnes âgées en route pour faire provisions, et une bande de collégiens déjà essoufflés par un jogging de rigueur. Les ruelles sont étroites, toutes droites, mais jamais bien longues. Il faut tourner souvent, à droite plutôt, pour se rapprocher des voies de chemin de fer. On doit hâter le pas, pour ne pas arriver en retard à notre rendez-vous. L. m’a simplement indiqué que le Dream Coffee se trouvait du côté Nishi Guchi de la gare, qu’il faut donc traverser de part en part, pour ressortir sur une esplanade encombrée de badauds. On avise un abribus pour s’orienter sur la carte du coin, pour enfin parvenir à destination. C’est un café d’angle aux larges vitrines encadrées de bois clair, qu’une petite porte vient percer discrètement. Au-dedans, une brocante de sièges, de vieux divans, de tables patinées, d’étagères encombrées. Il y a là quelques clients le nez dans leur journal, sirotant qui un thé vert, qui un petit noir. Mon hôte n’est pas encore là, je trouve une place dos à la baie vitrée. Le taulier m’apostrophe, il faut commander au comptoir et payer comptant. J’opte pour un アイスコーヒー, pour la modique somme de 230 円, dont les arômes évoquent les aurores saïgonaises. C’est un lieu pour habitués. C’est un lieu d’habitudes, de linoleum usé, de vaisselle dépareillée, de formules chuchotées. L. arrive enfin, vient s’asseoir, se relève, demande un œuf dur, un toast beurré, un capuccino, retourne à sa place et, sans marquer la moindre hésitation, me raconte le Tōkyō des cafés songeurs. Il n’a pas enlevé sa gabardine – le fond de l’air est frais en ce début d’automne –, ce qui rajoute à la scène cette impression d'êtres en transit. Bien sûr, nous avons quelques wagons à raccrocher, quelques blancs à remplir. Quelques conseils aussi, à échanger pour esquisser au mieux une carte mentale de cette ville monde aux mille villages à explorer à pied, plutôt. On convient que les shōtengai dépérissent, que les rideaux se ferment, qu’il faut aller plus loin, aux périphéries, pour trouver le bon maraîcher, l’artisan soigneux, l’excellent café torréfié encore aux heures matutinales. On fait fi pourtant du temps des regrets. Il y a tant à parcourir encore, tant à raconter toujours. On se quitte un peu à la volée, lui qui se dirige vers Mejiro, moi dont l’après-midi requiert un saut à Mitaka, et la foule nous absorbe.
mardi 24 octobre 2023
Banzai Tawā !
Les gars de la télé nippone se réunissent, tergiversent, et accouchent d’une idée simple : bâtir une plus grande tour, une vraiment plus grande tour, mais dans un coin de la ville suffisamment paupérisé pour qu’on n’y aille pas construire encore du gratte-ciel de bureaux aux alentours. On tope, on s’incline à gogo, et c’est à Oshiage, dans la commune de Sumida, que l’on prépare les fondations de cette nouvelle antenne géante, sur les voies d'une ancienne gare ferroviaire de fret du réseau Tōbu. Cette architecture en tripode et lacis tubulaire, on la doit à monsieur Tetsuo Tsuchiya, assisté de Tadao Andō et Kiichi Sumikawa, qui ont semble-t-il révisé leurs classiques des armatures en acier soudé. Prouesse technique, que de pouvoir atteindre les 600 mètres de haut sur une base aussi réduite ; élégance de ces lignes simples en chevrons ; le projet suscite un enthousiasme immédiat, qu’un calendrier de construction serré renforce davantage. La Tōkyō Skytree perce le ciel pour culminer à 634 mètres le 29 février 2012, sous les accolades d’une foule adepte de priapisme. Elle fait donc pendant à sa grande sœur mandarine et lui vole la vedette, s’ajoutant par son élancement à la lignée glorieuse des édifices babéliens.
lundi 23 octobre 2023
ご乗車ありがとうございます
Bien sûr, atterrir à Narita, se procurer une carte Pasmo, jeter un œil perplexe sur le tableau des correspondances vers Tōkyō et sauter dans le premier Limited Express venu. Voir la campagne s’étioler à mesure que la ville s’approche. Retrouver toutes ces nuances de gris et de beige qui caractérisent le flou urbain par les fenêtres embuées. Se rassurer à la vue des premières barres d’immeubles résidentiels, des tronçons d’autoroutes surélevées, du monde qui afflue, dans un silence de recueillement. Ecouter s’égrener les noms de stations – Matsuhidai, Ariyama, Kita-kokubun, Yagiri, Takasago – et tenter de s’orienter déjà dans cette plaine indescriptible. Soudain, s’engouffrer dans un tunnel, lever les yeux, scruter la foule encore ensommeillée qui se reflète dans les carreaux obscurcis. Parvenir à Ueno, et de là, marcher un peu, dans l’air frais du matin, pour simplement franchir le seuil du Hondo à Sensō-ji et saluer Shō Kannon. Ces présentations faites, on peut alors commencer ce séjour dans la capitale.
samedi 5 août 2023
Séjournalisme
Vous ouvrez les yeux et, par l’interstice entre les rideaux tirés, vous distinguez un rai de lumière. Il fait grand jour au dehors, la matinée est déjà bien entamée, mais vous ne souhaitez pas savoir quelle heure il est. Vous vous pelotonnez sous l’épaisse couette dans ce lit bien trop grand, bien trop douillet et vous poussez un long soupir. Où êtes-vous ? Les images de la veille vous reviennent. Vous vous êtes présenté à la réception en fin d’après-midi, avec un seul bagage, et on vous a diligemment confié la clef magnétique de votre suite, au douzième étage de ce grand hôtel. La soirée fut confortable, le dîner sur la terrasse devant un barbecue coréen juteux et épicé, arrosé de bonnes bières fraîches. La ville en contrebas ronronnait paisiblement, houspillée parfois par la sirène de quelque train bringuebalant ses voitures vers Hà Nội. Repu et un peu gris, vous êtes allé vous coucher. Vous avez lu, brièvement, jetant des regards aux quatre coins de cette pièce étrangère, un peu trop grande et nue, et vous vous êtes endormi sitôt la lumière éteinte. Vous retrouvez à tâtons votre montre posée sur la table de chevet. Elle indique 9h37. À regret vous vous décidez à vous lever ; il faut bien pisser, se laver les mains, les dents, le visage. La chambre est toujours aussi impersonnelle, et un peu trop froide. Le rideau glisse sur ses tringles, vous plissez les yeux, il fait bleu et nuageux et Biên Hòa vous salue de ses toits bariolés. Pas de doute, cet hôtel est bien le plus haut de la ville. Il faudra le quitter bientôt pour retrouver les cahots du dehors, mais pour l’heure, vous vous contentez d’observer la vue, immobile, enfin réveillé.
dimanche 9 juillet 2023
jeudi 6 juillet 2023
Un jeu de Đinh
Hoa Lư, onzième jour, huitième mois lunaire, 968
Demain je serai fait 大瞿越. Tout est prêt pour la cérémonie. Les représentants des anciens rois Ngô sont déjà arrivés, certains ont même déjà cherché à me payer tribut. Qu’ils se rassurent ! Je ferai preuve de mansuétude. Je ne peux qu’apprécier, après toutes ces années de conflits, la sérénité des montagnes, la lente course de l’onde vers la mer, le bruissement du vent dans les champs reverdis. Que de saisons passées à parcourir la plaine, à ourdir des stratagèmes pour défaire une à une les douze maisons belliqueuses qui ravagèrent le pays et affaiblirent notre lutte ancestrale contre l’envahisseur chinois ! La fatigue, à cette heure tardive, me surprend dans de si vieux souvenirs… Ah, mes envahisseurs, ils avaient une tête de jonc et un tronc de bambou, alors que je n’avais même pas l’âge de manier la houe. Du haut de mes huit ou neuf printemps, chevauchant les buffles de notre hameau, je jouais déjà au grand stratège, je plantais mes oriflammes sur les talus et les digues et je commandais mes fidèles amis, Đinh Điền, Nguyễn Bặc, Lưu Cơ et Trịnh Tú, pour remporter de magistrales victoires contre nos ennemis imaginaires. Bercé de récits épiques et de soif de combats, mon éducation ne fut pas sans accrocs. Adolescent, j’égorgeai le plus gras des cochons de notre cheptel pour en partager les meilleurs morceaux avec mes compagnons. Furibond, mon oncle voulut me châtier à coups de serpe, et, alors que je tentais de décamper par les rives boueuses du fleuve Boi, la providence vint à ma rescousse, sous la forme d’un énorme reptile aux écailles moirées qui vint se lover autour de moi, me projeta sur l’autre rive et me laissa indemne, ce qui le fit détaler a toutes jambes. On me laissa tranquille, on en vint même à me craindre un peu, surtout dans les villages alentour. C’est que, d’escarmouches en échauffourées avec les gamins du voisinage, je finis par me constituer une petite cour d’affidés dévoués et teigneux, qui me baptisa Vạn Thắng Vương – le Prince aux Dix Mille Victoires.
Mon destin prit un tour ô combien plus dramatique alors que toutes les campagnes se déchirèrent en querelles intestines, que les seigneurs Ngô, Đỗ, Kiều, Nguyễn, Trần, Lã et Phạm optèrent pour une rébellion ouverte, un éclatement soudain du royaume Ngô jusque-là plutôt paisible. Aussitôt rapines, aussitôt vendetta, batailles, vengeances. Un chaos de villes, de villages et de hameaux révoltés, que douze chefs de guerre divisèrent et pillèrent à loisir. Il fallut agir. Il fallut désobéir à une mère aimante et, harnaché, armé, déterminé, je pris la tête d’un petit bataillon pour combattre ces fauteurs de trouble. Les premiers à tomber, ce furent Lữ Xử Bình et Kiều Công Hãn qui tenaient cour à Cổ Loa, deux dignitaires sournois et veules de la dynastie Ngô qui se révélèrent bien piètres stratèges. Ensuite, ce fut le tour de Đỗ Cảnh Thạc, un puissant seigneur de guerre, qui, du haut de sa citadelle fortifiée, entourée de profondes douves, mit à l’épreuve mon penchant pour les coups fourrés. Il nous fallut plus d’une année pour l’abattre, en jouant d‘encerclements, de ruses et de feintes, pour qu’enfin ses défenses cèdent. Il mourut honorablement, d’un carreau fiché en plein cœur. Le prochain sur la liste, Sire Nguyễn Siêu occupait Tây Phù Liệt. Lui possédait une belle garnison, au bas mot dix mille soldats, et me donna bien du fil à retordre. Plusieurs de mes anciens compagnons tombèrent lors de ses contre-attaques furtives et tumultueuses. Nous nous heurtions à ses défenses toujours inexpugnables, jusqu’à ce que le sort me fût favorable : une tentative de prise en tenaille, et une moitié de son armée qui patauge dans les marais et se noie à la suite d’un ouragan, tandis que nous brulons le campement de l’autre. Belle affaire ! Et un roitelet de moins. Vint ensuite le tour du pleutre Kiều Công Hãn, basé à Phong Châu, potentat auto-proclamé. Celui-là prit la poudre d’escampette vers le sud pour s’allier à Ngô Xương Xí, mais fut intercepté par un chef local, Nguyễn Tấn, au village de Vạn Diệp et mourut sous sa lame. Personne ne le regretta. De Nguyễn Thủ Tiệp je n’ai pas grand-chose à raconter. Je suis venu, j’ai vu, il fut battu, à Cần Hải si ma mémoire est bonne. Nguyễn Khoan, ah, de lui, j’ai de vivaces souvenirs ! Lui aussi se couronna lui-même, du titre de Grand Roi, rien de moins ! Je dus crapahuter jusqu’à Tam Đái, dans les défilés boisés des terres de l’Ouest, pour le traquer sans relâche. Sa chute fut aussi pathétique qu’impromptue, mais au moins ses généraux et ses courtisanes mirent fin à leurs jours de fort honorable manière. Vers qui, alors, se tourna ma vindicte ? Qui pour se mesurer à mes phalanges d’archers, mes cavaliers, mes buffles carapaçonnés ? Ce fut Kiều Thuận, emmuré dans son fortin, qui fit les frais de notre fureur. Son destin funeste, il fut partagé par Lý Khuê, embroché comme un porc, Trần Lãm, suppliant une grâce que mes gens ne lui accordèrent pas, et Lã Đường, dont les tactiques de guérilla nous épuisèrent un moment.
Ah !... Que ne devrai-je faire, pour amadouer mes troupes, faire preuve de pitié, de magnanimité peut-être, devant ces carnages, ces débordements de passions meurtrières ? Il me faudra repacifier tout ce pays, rebâtir l’entente entre toutes ces factions, ces familles, ces clans. Un seul, un dernier, sur ma route vers la gloire, Ngô Nhật Khánh, déjà vieux, déjà affaibli, déjà prêt à se rendre. Je le laissai à son abdication, qu’il m’adressa d’une voix souffreteuse. Alors, enfin, je pus retirer mon armure, mon casque, panser mes plaies, faire l’inventaire des cicatrices à recoudre. On me soigna bien. On me fit comprendre ce que l’on attendait de moi.
M’y voilà, sous les torchères, et la lune pleine.
Demain, je ne serai plus Đinh Bộ Lĩnh, non.
On m’appellera Đinh Tiên Hoàng, premier empereur des Đinh.
Et notre lignée sera éternelle...
mercredi 5 juillet 2023
Ornithologisme de passage
Prises de vue depuis une barque bien remuante.
Oiseaux drôles, et drôles de profils !
Le karst, l'onde et l'oiseau
« Alors vous restez parmi nous combien de jours ? Quatre ? Quatre… C’est bien quatre, ça vous permet de couvrir les sites les plus intéressants. Là, vous voyez, nous sommes là, la vallée des grottes de Tam Cốc est ici, moi je sous suggère de commencer par ça, et puis de continuer vers la pagode Bích Động, que vous pouvez visiter dans l’après-midi, avant de revenir sur vos pas pour gravir le mont Ngoạ Long et profiter du crépuscule. Après, si vous aimez les oiseaux, il y a un très joli parc ornithologique, la réserve Thung Nham, mais c’est un peu plus loin, il faut compter une demi-heure de plus en moto – vous savez conduire une moto ? Oui ? Ah ça tombe bien, mon beau-frère en loue, oui oui, des scooters Honda, première main, très pratiques, très maniables, je vais lui en demander un pour vous, d’ici une petite heure, ça ira ? – et avec tout ça vous avez une première journée bien remplie ! Le lendemain, si vous aimez vraiment les balades en bateau, je vous recommande de faire un tour du côté de Đầm Vân Long, par-là, c’est un peu en dehors du massif principal de Ninh Binh – oh, il faut compter trois quarts d’heure à partir d’ici en longeant la nationale en direction de Hà Nội – mais le paysage est très beau, plus aride, plus sauvage, et les grottes sont nombreuses aussi, et plus profondes. Conseil d’ami, ne manquez pas la route sur la digue, celle-là, là, oui, c’est magnifique vous verrez, et en continuant ainsi vous parviendrez au Đền Thung Lau – ah, si vous êtes féru d’histoire, vous en aurez pour votre argent, croyez-moi, car c’est le berceau de l’éphémère dynastie des Đinh, oui oui, c’est précisément là où le jeune Đinh Bộ Lĩnh fit ses premières armes avant de conquérir tout le pays et de devenir premier empereur ! Bon, tout ça remonte au Xème siècle, et il faut bien admettre que vous mettez les pieds dans une région qui a vu, depuis la naissance de ce premier empire, bien des vicissitudes. Ce que vous pourrez constater si vous rebroussez chemin, là, en empruntant la départementale 477B, puis la route qui suit la rivière Boi, pour revenir sur vos pas. C’est facile, il suffit de repérer les toits innombrables du temple Bái Đính – ils se voient de loin, surtout les pignons du campanile – et de s’enfiler de nouveau dans les goulots étroits de la route Tràng An. S’il vous reste assez d’endurance, garez-vous, trouvez des bicyclettes et explorez les ruelles et les temples de notre toute première Capitale, Hoa Lư, qui ne paye certes pas de mine, mais qui pourtant transpire d’histoires millénaires. M’est avis que ça nous fait un beau programme pour une deuxième journée ! Au troisième jour, c’est du tout cuit ! Oui, oui, encore du bateau, encore des rivières, encore des grottes, encore des temples, mais vous n’êtes pas au bout de vos surprises ! Prenez cette route, là, en traversant le village juste à la sortie à droite. Attention, c’est de la piste, mais c’est praticable. Vous arriverez bien vite à la jonction qui vous déposera à l’embarcadère de Tràng An. Et Tràng An, c’est le clou du spectacle, je vous l’assure ! Ne vous fiez pas à la foule – il y a toujours foule à Tràng An – mais prenez vos tickets, choisissez la boucle qui vous convient – j’ai un faible pour la seconde, celle qui vous fait passer par la grotte Đột –, et souquez ferme ! Vous en aurez pour une bonne demi-journée à naviguer de méandre en méandre, de sanctuaire en sanctuaire, de vallée en vallée pour en faire le tour, et quel tour… »
Là, son doigt se replie, vient gratter la barbichette de son menton, puis se dresse, encore plus droit qu’un i.
« Ah ! Et ce soir, pour le dîner ? Vous mangerez bien avec nous, n’est-ce pas, après toutes ces excursions ? Nous avons du ragoût de bœuf, des côtes de porc marinées au soja, et surtout, surtout, du poulet sauce barbecue dont vous me direz des nouvelles ! C’est que nous avons un poulailler, là, juste derrière, et que nos gallinacées ont le cuissot plutôt ferme et juteux ! Alors ? Je vous laisse réfléchir, le temps que je confirme la réservation de votre deux-roues. Là, je reviens, ne bougez pas, profitez, il y a encore du café, du thé ou du soda chanh ! »
mardi 4 juillet 2023
Con đường ánh trăng
Monts et mers veillent
Sitôt que se dessinent les lignes de crêtes des premiers massifs karstiques, nous sommes immédiatement témoin de la fascination qu’exercent ces formations géologiques sur le visiteur de passage. Les chemins s’engagent dans des vallées de plus en plus étroites et encaissées, avant qu’ils ne deviennent cul de sacs. Là, alors que notre pick-up s’arrête pour nous déposer à notre homestay, nous somme baignés d’une lumière lourde ; gris anthracite, vert émeraude, azur profond. Oui, la végétation est luxuriante, les sommets couverts d’une jungle inextricable, et nous sommes absorbés dans ce paysage aux sauvages contours.
Le site nous captive, de la même manière que nous voulons le faire nôtre. Alors nous empruntons quelque sente qui serpente le long des étangs et des tombes, nombreuses par ici, comme pour faire écho à cette étrange impression de se savoir ravi jusqu’à l’éternité.
lundi 3 juillet 2023
En goguette
dimanche 2 juillet 2023
Revenir sur tes pas
La journée s’annonce blanche, chaude et moite. Au lever, chant de coq à même la fenêtre. Hà Nội proclame ses matins en clairons rauques et récurrents. On se prépare fissa pour un cà phê đá au coin de la rue, ingurgité à la sauvette, alors que fanfaronnent les chariots de phở et de bánh mì ốp la. Toute une ville en mouvement déjà, alors que sonnent les sept heures au bourdon de Notre Dame. On se faufile parmi les motocyclettes le long des Phố Hàng Hòm, Hàng Điếu puis Hàng Cót pour se rendre dans le quartier des ministères. Là, les avenues sont larges et arborées. Le traffic y est inexistant. Les bâtiments coloniaux se devinent derrière de hautes grilles serties de caméras, alors que les trottoirs sont agrémentés de guérites blindées, qu’occupent des fantassins au costume d’albâtre égaillé d’épaulettes tressées d’or. De temps à autre, de grosses giboulées débaroulent et tambourinent les frondaisons épaisses des pancoviers centenaires. On se réfugie alors sous de vieux porches décatis, dont les portes de bois vermoulu s’écaillent en poudre vermeille.
Enfin, c’est l’éclaircie.
À droite, l’immense lac de l’Ouest scintille sous la brise. À gauche ce sont les lignes de fuite qui se perdent en mille reflets sur l’esplanade Ba Đình, où se dressent les colonnes austères du mausolée de l’Oncle Hồ. On ne fait qu’y passer, sur la pointe des pieds. Plus loin, le quartier des ambassades rutile sous un soleil blafard, et la circulation redevient bruyante et chaotique. Pause bienvenue sur un banc pas loin du Temple de la Littérature, pour avaler un bánh bao bourratif et tout fumant. Repu, ragaillardi, on se dirige donc vers le portail d’entrée de la plus vieille université du pays pour y déchiffrer quelques stèles gravées par d’anciens docteurs en mal de préceptes confucéens.
Enfin, tempéré par tant de sapience orientale, on file prendre un remontant du côté de la rue Lò Sũ, où nous attendent tabourets et tables de plastiques, bleu de préférence, pour une fin d’après-midi libérale et volubile.
samedi 1 juillet 2023
Capitale ascension
jeudi 9 mars 2023
Prise rapide
En gros.
Oui, d’autres choses aussi, mais n’ergotons pas.
En gros, on touille tout ça, et boum, à la truelle, c’est du béton. Béton qu’on applique, qu’on applique encore en couches successives, sur les parois déjà lubrifiées des moules placés en file indienne sur les établis, pour qu’en deux coups de cuillère à pot, paf, on obtienne de jolis récipients tout gris et tout bien proportionnés. Apres, on les laisse sécher et durcir, puis on les égalise, on les retouche un peu, on polit, on enduit d’un peu de cire ces surfaces girondes ou bien rectilignes avant de les laisser s’amonceler aux quatre coins de l’usine.
Pas d’inquiétude ! Ils trouveront preneur, et seront soigneusement emballés pour une expédition par cargo, sur toutes les mers qui nous séparent des ports lointains…
mercredi 8 mars 2023
Plastic fantasies
Entrez, entrez, dans l’atelier des polymères ! Polystyrènes, polyéthylènes, polyesters, oui, on y polymorphise sans retenue aucune ! Alors, que voulez-vous donc ? Quelque chose d’arrondi, de bombé, de galbé ? Ou bien du saillant, de l’anguleux, du vif aigu et rugueux ? Tout est possible, tout est façonnable. Oui, voilà, ajustez bien votre masque, c’est que les émanations de nos moules de fibre de verres sont assez délétères.
Ah, et restez bien à distance des postes de polissages, nous pulvérisons sans vergogne particules et fragments dans nos rideaux aqueux. Bien bien, là, venez vous faire une idée des couleurs et les textures, que vous puissiez choisir les surfaces plastiques qui vous siéront ! C’est par ici, oui, après les fûts de nos matières premières, et des bidons de polyuréthanes…
jeudi 2 février 2023
lundi 30 janvier 2023
Prises de Têt #30
Oui, il faut bien les réveiller, les secouer, les abrutir de gongs et de cris, tous ces esprits pernicieux qui se cachent dans les mille recoins de l’usine. C’est que le Têt est passé, que l’année recommence, qu’il faut faire place nette et table rase. Alors ouste ! Ouste ! Que les lions sautent et rugissent, et que s’envolent spectres et fantômes !
dimanche 29 janvier 2023
Upper floor
Tant mieux.
Ils ont des binocles et de la ville à bigler.
Il y a une photo à prendre aussi, par une autre lucarne.