mardi 4 août 2020

Một cuộc thám hiểm kỳ lạ - 10.

La barcasse fend les flots émeraude et nous profitons de la brise, à couvert sous quelques palmes séchées. Tuấn, accroupi en proue avec un oncle tout rabougri, boit le paysage en goulées insatiables, un grand sourire aux lèvres. Nous laissons la ville disparaître derrière nous, vite avalée sous les frondaisons, pour nous rendre plus à l’Ouest, dans les forêts de Kim Long.

 - Et alors, le Tani, l’a finalement remis pied à terre ? C’était où, déjà, qu’on l’avait laissé en plan ? Aso ?
 - Ise.
 - Et qu’a-t-il glosé ? 

 - Tu vas être déçu. Ça manque cruellement de verve, dans ses derniers feuillets. D’Ise ? Une simple évocation du sanctuaire d’Amaterasu, pas loin duquel William Adams et sa suite chevauchent en route vers Kyōto. Mais rien sur le fait de se trouver si près du cœur incandescent du pouvoir Shintō : ni arrêt, ni offrande. C’est pour le moins étrange, au vu de l’importance que revêt le culte de la plus importante des Déesses du panthéon céleste, même pour du Chrétien converti. On ressent à travers ses lignes une inquiétude diffuse à vouloir croire en trop de choses, toujours mêlée d’emportement pour le charismatique capitaine anglais. Par la suite, c’est du chemin accidenté, qui depuis Tsu les conduit à Kōka pour rejoindre la Tōkaidō. Ils passent par Ritto, Kusatsu, Otsu et parviennent enfin à Kyōto, où les voilà fort marri d’avoir à quémander bénédiction d’un nouvel empereur tout petiot et peu au fait des affaires océanes. On sent bien que Tani s’emmerde : il tue le temps en rêveries solitaires au bord de la rivière Kamo, s’épand sur la légèreté des mœurs de Gion et la majesté des temples. L’impressionne tout particulièrement le paysage depuis l’esplanade du Kyomizu-dera, d’où il ne met pas sa foi en jeu, tout pétri qu’il est de superstitions contradictoires. Après une saison d’attente fébrile, les voilà qui repartent. Toujours à cheval, toujours de guiguettes en cambuses, sur la San'yōdō cette fois, ils longent la côte lumineuse de la mer intérieure qui les emmène, sans trop d’anicroches, jusqu’à Shimonoseki. Là, embarquement immédiat sur une jonque shogunale, direction Hirado. C’est sans nul doute le point d’orgue du récit. Le ton se fait plus acerbe, plus pointilleux. Bien sûr, on ne coupe pas à la consternation du damoiseau devant tant de majestueux esquifs à quai. C’est l’extase sur le profil des misaines, le galbe des tillacs, la hauteur des hunes et autres mats d’artimon. Autre temps fort, une génuflexion devant l’autel de l’église construite par François-Xavier lui-même, modeste en apparence, mais symboliquement baraquée. Plus piquant, Tani sait faire preuve d’une acuité certaine quand il s’agit de jauger les caractères. Il se montre circonspect sur l’arrogance d’un John Saris, alors aux affaires pour la East India Company, éructant d’ineptes semonces à des coolies goguenards, promenant sa lourde et aigre haleine de bière d’entrepôts en salles de registres. Les Hollandais, Jacques Specx en tête, lui font meilleure impression. Ces Kōmō à la barbe rousse sont en effet d’invétérés fumeurs de pipes – ce à quoi notre jeune nautonier prend goût – de proverbiaux joueurs, d’affables bonimenteurs et de redoutables navigateurs. Surtout, il savoure la compagnie des Portugais, dont le parler chantant lui rappelle Uraga, et ses années de noviciat sous la houlette d’Akira à Edo. Adams lui donne même permission de se rendre à Nagasaki, pour se recueillir auprès des frères Augustins qui tiennent encore la communauté catholique, déjà anémiée, sous leur férule. L’abbé Tristão Santos Almeida le reçoit à bras ouverts, lui donne confession, absolution et tout le toutim. Le voilà donc prêt à prendre le large, croit-il, mais il lui faut d’abord apprendre à devenir boutiquier. De retour à Hirado, Adams claquemure Tani dans son dépôt de fortune et lui déroule le menu : D’abord, mon jeune ami, tu me changes ce froc et cette coiffe. Une nouvelle vie t’attend, de voyages, de découvertes, de tentations, de dangers, de débauches. Finies les suppliques pures et naïves adressées au Très-Haut, c’est ici-bas que tout se joue. Tu dois désormais tout savoir, être capable de reconnaître la finesse d’une soie chinoise, le tramage d’une pièce de calicot ou de chintz ; apprécier la valeur d’une porcelaine, d’un verre vénitien, d’une horloge flamande ; tâter la croupe d’un étalon arabe, le museau d’un tigre du bengale, l’éventail d’un paon débarqué de Ceylan ; retenir les cours de l’argent, de l’or, du safran, du musc et de la rhubarbe ; parler lingots, taels, bitasen, florins, roupies, cruzados, dollars et livres ; ajouter et soustraire, marchander, chicaner, biaiser, tergiverser, bref, maîtriser la langue sophiste et joyeuse de la marine marchande, pas si éloignée de la catéchèse qui animait notre congrégation a Torigoe. Et oui, si tu fumes, c’est encore mieux ! Ainsi passent les jours, les semaines, les mois. Tani prend du bedon et du melon. Sa première grande traversée sur la jonque affrétée par Adams, Sea Adventure, le voit mouiller au large des côtes Siamoises. Il y explore les marchés flottants d’Ayutthaya en quête de bois de sappan et de peaux de biches, dont il ramène pleine cargaison à Hirado, en 1615. Deux ans plus tard, toujours sur une jonque, la petite Gift of God, il accompagne son mentor en Annam, pour y établir comptoir. Sans surprise, ses écrits font état d’un estuaire à l’abri des vents et, plus loin, d’un bourg aux quais animés, aux maisons de murs ocres et aux tuiles vernies. Ces terres indochinoises semblent l’ensorceler, et il manifeste son désir d’y prendre quartier, au grand dam d’Adams qui a tant besoin de lui pour couvrir de nouvelles routes et faire fructifier son affaire. Rien n’y fait. Tani renâcle et fait de Fai Fo son bercail, abandonnant l’Anglais, furieux de cet entêtement. Rupture consommée, ils ne se reverront plus. L’histoire s’achève sur un jeune et ambitieux margoulin, les poches vides mais plein d’ardeur, se perdant dans les ruelles du Nihonmachi, pipe au bec, sous la brise d’un frais matin de printemps.

 - Joli. Le lascar me plaît. Opportuniste et franc-tireur. On sait maintenant comment l’oiseau s’est radiné, mais ça ne nous avance guère sur sa relation avec sa future… Que dalle non plus sur la nature du schmilblick et sur l’obscur Paulo. On patine.

Au loin, une vieille tour de pierre semble percer de ses étages hexagonaux la canopée surplombant la rivière sinueuse.

 - Là, Ông, Anh ! La pagode de la Dame Céleste ! Après la Citadelle, c’est le monument le plus visité ici. Cậu, mon oncle, m’a raconté que ce temple a été construit sur ordre de Nguyễn Hoàng. Comme il explorait les alentours avec ses courtisans, il prit connaissance d’une légende d’ici, dans laquelle une vieille femme habillée de rouge et bleu, assise au bord de l’eau et se frottant les joues, prophétisait à qui voulait l’entendre la venue d’un bon seigneur qui ferait construire là, sur la colline dominant les flots, une pagode pour assurer prospérité sur le pays tout entier. Cette dame, Thiên Mụ, disparut alors pour ne plus jamais reparaître. Hoang prit la chose au sérieux, et, en 1601, une première pagode sortit de terre. Ensuite, elle grandit au fur et à mesure que…
 - Tuấn?
 - Quoi, Anh ?
 - Tu disais, assise au bord de l’eau, une vieille femme habillée de ?
 - De rouge et de bleu.

Accroupie au bord de l’eau, une vieille femme, toute de magenta vêtue, monte la garde devant l’escalier qui mène au portique d’entrée du sanctuaire. À notre approche, elle se frotte les joues frénétiquement et nous fait signe, avec une retenue suspecte. Aussitôt, dès que nous sommes à sa portée, elle s’exclame : « Cuối cùng, thì bạn cũng ở đây ! Tôi đã chờ đợi trong hi vọng… Đến đây nào ! Đến đây ! Họ Khổng biết bạn đang ở đây, họ đã luôn dõi theo bạn ! Hãy theo tôi, chúng ta cần phải nhanh chóng đến chỗ trú ẩn trước khi họ bắt được bạn ! Công chúa Liễu Hạnh rất tức giận, bạn đã quá đáng ghét trong nhiệm vụ tìm kiếm viên đá của mình và chúng ta nên ẩn đi một thời gian ! Đi thôi ! Lối này ! Đến đây ! »
 - Tuấn ?
 - Il faut la suivre, Ông, Anh ! Nous sommes en danger si nous restons ici ! Les Khổng nous suivent et nous veulent du mal. Vite ! Elle sait où nous pouvons nous mettre à couvert ! Cậu ! Dépêchons-nous !

1 commentaire:

Jimidi a dit…

Hé hé ! Suspens !