samedi 8 août 2020

Một cuộc thám hiểm kỳ lạ - 14.

Ça bourrine à la porte.

Vu le barrouf, ce ne peut être ni Tuấn, ni Cậu ; charnières et chambranle, d’ailleurs, approuvent mon diagnostic, tout comme les gonds qui ne s’en sortent pas indemnes.
Quel est donc ce pignouf aux pognes acharnées qui vient suspendre ma lecture ?

Mon acolyte, plus prompt que moi, de mauvais gré et d’un geste large, se lève et tire la chevillette. La bobinette chère à notre archiviste se fend d’un sourire mielleux, qu’il accompagne d’un « oh, oh, oh » de baryton. Sans attendre il se faufile, les bras lestés de paperasses, qu’il décharge sans cérémonie à l’éventail de mes arpions. Puis il se fige, marmoréen, devant l’étendue du corpus libris qui nous surplombe et menace éboulis.

« Oh, voyez, qu’avons-nous là ? Collection de contes étonnants, deuxième édition, 1724, remarquable ! Et là ? Esprits des défunts du royaume Viet, en neuf volumes, par l’excellent Lý Tế Xuyên ! La Grande proclamation sur la pacification des forces Wu, de Nguyễn Trãi, version traduite en portugais par De Rhodes en personne ? Extraordinaire ! Messieurs, voyez, vous êtes tombés dans un puits de savoir tout à fait exceptionnel ! Et vous vous y plaisez à ce que je vois, si j’en juge par votre décontraction. Restez comme vous êtes, je vous prie. Rien de plus agréable que de converser dans le confort des draps, voyez ?

Tuấn se glisse par l’entrebâillement, ravi de ces retrouvailles impromptues, suivi d’un Cậu plus circonspect.

« Surpris de me voir ainsi rappliquer à la onzième heure ? C’est la bonne heure pourtant ! Celle des intrigants, des factieux, des opportuns ! Et je suis bien placé pour le savoir. Voyez, votre enfermement, tout livresque et douillet soit-il, est bien la conséquence d’une obstination séculaire, atavique, du clan Khổng à oblitérer toute tentative de faire la lumière sur leur aveuglement. Oui, messieurs, vous en connaissez désormais les prémisses, ce printemps 1647 déjà pluvieux, et ce navire Wakō qui transperce la bruine, aux petites heures, pour amarrer discrètement sur un bout de quai de Fai Fo et décharger, entre ballots de coton et barils de poudre, cette caisse de bois clair marquée d’une croix noire. Mais ce n’est pas la dépouille de Sire Yajirobei, ni l’insondable affliction de sa maîtresse qui nous importe, n’est-ce pas ? Non, ce qui nous taraude – et plus encore votre vieille connaissance et toute son ascendance – c’est de quelle manière cette perle d’étoile, aux propriétés que je suppute miraculeuses, a bien pu leur filer entre les mains, alors qu’ils avaient pour seule charge de contrôler toute cargaison arraisonnée dans le royaume d’Annam. Oh, ne jouez pas les vierges effarouchées, vous vous doutez bien que je n’ignore rien de vos pérégrinations romanesques ! Pour tout vous dire, j’ai dans mon escarcelle quelques bulletins vous concernant, qui m’ont été transmis par une source œuvrant pour le compte des Khổng. Ainsi donc, vous voilà placé sous séquestre par ceux-là même, qui, depuis maintenant plusieurs siècles, cherchent à laver leur honneur déchu. Il faut avouer, voyez, qu’ils ont souffert mille morts de cette négligence funeste, et qu’ils n’ont jamais pu recouvrer leur superbe. Cloîtrés que vous êtes dans l’enceinte de la citadelle, il va nous falloir un habile subterfuge pour vous en sortir. Las, je suis au regret de vous soumettre à l’épreuve de la barbe postiche, de la tonsure et du cilice. Comment ? Encore une mascarade ? Voyons, messieurs, c’est du sérieux ! Le sort du pays est peut-être en vos mains ! Ainsi donc, sitôt bénis et travestis, vous vous glisserez dans la procession que je mènerai demain matin depuis l’église de Tây Linh. C’est à un jet de pierre, et, lorsque vous nous entendrez alto voce scander un harmonieux Salve Regina vous sortirez par derrière, il y a une venelle qui s’engage à couvert dans la rue Thái Phiên, ou vous vous insinuerez en queue de cortège, tête basse et mains jointes. Nous prendrons par Tôn Thất Thiệp, le long des murailles, pour sortir de la vieille ville et nous diriger, de l’autre côté de la rivière, vers la cathédrale. Une fois là-bas, nous aviserons. »

Un ange passe.

- Des nèfles ! Vais pas me décalotter la houppe pour enfumer la piétaille du croulant ! Le peignoir caca d’oie à la rigueur. Avec encensoir, cordon, rosaire, des sandales façon légionnaire et un couvre-chef. Là, je signe !

Je le sais inébranlable sur les questions capillaires. Va falloir trouver une mitre, une tiare ou un bonnet. Quant à moi, foi d’agnostique, je peux bien prétendre à la vocation, auréole comprise, pour une petite virée chantante.

On tope, puis notre visiteur s’éclipse, non sans prendre à partie Cậu pour ses tendances bibliophiles. Ainsi donc, si ce ladre bidonnant nous colle aux basques lui aussi, c’est que toute sa curie nous épie. Pas étonnant, vu le boxon autour de notre expédition, mais ça commence à faire du monde à courir derrière cette breloque cosmique ! Va nous falloir du doigté pour l’escamoter aux yeux et à la barbe de tout ce charmant gratin. Tuấn, toujours un peu surpris du tour que prennent les événements, s’assoit à mes côtés, et avise les feuillets raturés et couverts d’une laborieuse traduction. « Ça, Chú, c’est comme mes cahiers de brouillon, c’est tout gommé, tout taché, tout froissé ! Tu vas finir par écrire au travers si tu continues ! »

Il me reste encore quelques pages à retranscrire, et j’espère y parvenir avant la nuit.

On pourra alors tenir à nouveau conseil, trinquer encore, et deviser à loisir sur notre martingale.

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