vendredi 7 août 2020

Một cuộc thám hiểm kỳ lạ - 13.

 

 - Alors, ce prêchi-prêcha sur papyrus ?
 - C’est du vieux Japonais, et Tani scribouille ses kanjis comme un 馬鹿 ! Profite de la bibliothèque, trouve-toi un almanach Vermot, et fous-moi la paix ! J’en ai pour quelques plombes...

22 Décembre 1634, Dejima, Nagasaki

Ma Dame, amour de ma vie, Hirado n’est plus. On accoste sur un polder encombré de baraques, de boues et d’aboiements, baptisé fort à propos  出島. C’est « l’île d’où l’on sort », ou « l’île d’où tout sort » et l’accueil y est âpre et brutal. J’ai, bien sûr, pris soin de me débarrasser de tout signe ostensiblement chrétien. Bien m’en a pris, car sitôt sous le joug shogunal, on nous pousse à piétiner une image sainte et cracher sur un crucifix avant d’aviser nos titres de voyage. Prémisse des brimades qui nous attendent, nous, derniers marchands japonais à être assez fous pour retourner au plus près du soleil levant. L’humeur est tout aussi maussade parmi mes coreligionnaires portugais, qui occupent avec quelques hollandais la quasi-totalité des bâtiments. Je cherche, en vain, une enseigne anglaise, pour m’enquérir des affaires du Commonwealth et du reliquat de la Compagnie des Indes Orientales. Chou Blanc. Des établissements de Saris et d’Anjin-san, plus aucune trace, et cela me chagrine davantage que je ne saurai l’admettre. Une menace sourde et diffuse semble planer au-dessus de nos têtes, alimentée par toutes ces rumeurs que les mers charrient. Ô, Dame adorée, j’ai peur que ma résolution ne s’amenuise ! Si loin de vous, et mon courage me fuit. Mais je vous l’ai promis, je reviendrai. Je reviendrai avec cette offrande. Je la trouverai. Je ne pense qu’à mon retour auprès de vous.

24 Décembre 1634, Nagasaki

Dans les rues sinueuses de Nagasaki, on file droit. L’esprit n’est pas à la l’indolence et le quidam se déplace voûté, preste, craintif. À tous les carrefours des samouraïs, mine sévère et tonsure martiale, inspectent charrettes, palanquins et fardeaux. Vêtu simplement, et simplement muni de ma besace, mes pas me guident naturellement vers Hamamachi, mais la ville ne m’offre plus les contours d’autrefois. Arasées, les flèches des églises le long de Harusame ; abattues, les arches des congrégations Jésuites et Augustiniennes. Je ne vois plus que machiya rangées un peu de guingois, et, au détour d’une encoignure, de petits pyrées sans l’ombre d’une icône. Inutile d’espérer retrouver l’abbé Almeida, pour qui j’adresse de bien vaines et tardives prières. Ainsi, tous les missionnaires ont désormais quitté l’archipel, ou, pour les plus irréductibles d’entre eux, ont pris le maquis. Mes pas me guident alors plus loin, vers le pont Megane et les collines boisées de Teramachi. Il y a là, au creux d’une combe un temple où, il y a bien longtemps, je suis allé secrètement quémander divins conseils, avant ma grande traversée. Le Kofuku-Ji se devine sous ses cyprès majestueux, toits courbés de tuiles émaillées de mousses, protégeant en son sein bodhisattvas et figures tutélaires du Tao d’outre-mer. Je retrouve, sous la patine des ans, le sourire goguenard et figé des Trois Vénérés, tandis que m’observe, insondable, la statue sereine et ventripotente d’Amida Butsu. L’endroit est désert, seulement fréquenté par quelques chats vagabonds que ma présence importune. Je m’assois un instant, hume les parfums d’hiver qui me submerge d’une amère mélancolie. Où aller à présent ? Qui croire en ces terres qui me sont étrangères ? Je reste là, sous la bise froide de la fin du jour, indécis, engourdi. Peut-être même m’assoupis-je, car je sursaute sous la pichenette d’un jeune garçon qui m’avise d’un air sournois. Lui aussi n’est pas d’ici, cela se voit. Lui aussi, peut-être, cherche en ces lieux un refuge, un abri ? Non, il me tance d’un ton moqueur. Quoi ? Que je suis, comme tant d’autres, un apostat ? Que je me dissimule aux yeux du Créateur ? Que je ne crois plus qu’aux idoles qui sourient de leur bois fendu ? Qu’à Nagasaki, je cherche à me soustraire à la lutte des derniers défenseurs du Christ ?     
                
C’est ainsi, Bien Aimée, que je rencontre Shirō, venu en maraude depuis Kumamoto, par-delà la baie d’Ariake. Vêtu d’un hakama, tantō à la ceinture, si jeune et déjà si plein de fougue, de verve et d’assurance ! Il me secoue hors de ma torpeur, et, devant mon ignorance, me brosse un portrait peu flatteur des tourments qu’infligent deux Daimyōs, Matsukura-sama et Terasawa-sama, sur leurs servitudes, dans la péninsule voisine de Shimabara. Exploités, meurtris, persécutés, au bord de la famine, ces paysans ne peuvent s’en remettre qu’à la Providence. Ils sont, martèle Shirō, la dernière communauté chrétienne à célébrer l’Eucharistie ! Sans aide, sans soulèvement, sans pasteur pour les soigner, les aguerrir, ils tomberont sous les sabres de leurs maîtres ! Tout à ses sombres prédictions, il m’invite à me rallier à sa cause, à me joindre à lui pour les îles Amakusa, où s’agrègent des forces toujours croyantes et insoumises.
Les statues du temple nous considèrent, du haut de leurs piédestaux et de leur maintien inerte et indéchiffrable.
Nous les y laissons, pour trouver de quoi sustenter notre appétit et nourrir notre amitié naissante.

Dame de ma vie, aurais-je trouvé si facilement un disciple de Paulo ? Je n’ose y croire.

Mai 1635, refuges de Hiratoko, île de Shimo

N’étaient-ce les circonstances si hasardeuses de cette missive que je m’amuserais de cette étrange situation ! Imaginez, Ma Dame, quelques semaines de périple, à pied le plus souvent, puis en coque de noix pour franchir la passe piégeuse de Sezumesaki, pour que nous nous faufilions dans les vallées encaissées de Hirakoto. Là nous rejoignent, bon gré mal gré, compagnons d’armes – rōnins de tous bords et de toutes extractions – paysans étiques et artisans dépossédés, dans un campement de fortune sous couvert d’une épaisse forêt. D’une poignée, nous devenons cohorte, qu’il faut abriter et nourrir. Je replonge dans mes vieux souvenirs de chantier naval pour aider à l’abattage, la taille des rondins puis à l’assemblage de larges huttes communes, tandis que, jouant de houes et de pioches, de nouvelles parcelles sont gagnées sur les bois pour y faire futures récoltes. Bien sûr, ça chaparde et filoute sur les fermes des clans Goryo et Tomioka dont les fiefs sont tout proches, pour le plus grand plaisir de la communauté, assoiffée de revanche sur les nobliaux du cru. Une chapelle ne tarde pas à être érigée à flanc de montagne, où Shirō semble passer de longues heures à méditer. Je ne sais ce qu’il ourdit, de suppliques au Très-Haut ou de campagnes ici-bas, mais il sermonne la troupe de promesses enflammées, de lendemains de liesses, de louanges et d’abolition des castes seigneuriales.  
J’assiste à ses diatribes, à la tombée du jour, et je reste ébahi devant ses talents d’orateur. Son verbe est tour à tour sec et tranchant, enjôleur et suave, impérieux et sévère. Il revêt pour ces occasions plastron, épaulières et gantelets de samouraï, mais ne porte point d’arme à son côté. Un murmure commence à bruire parmi l’assistance, qui ne me surprend guère. Oui, Shirō, tout à ses démonstrations de moine-soldat, pourrait bien prendre au sérieux cet aura : qu’il soit un envoyé du Ciel. Ainsi soit-il !

Mais de quel Ciel parle-t-on ?

Tempérance, je l’espère, lui est offerte au fil de mes récits, que je lui déroule soir après soir. Récits de houles et de roulis, d’estuaires d’Annam, d’accostages à Malacca, d’échanges de saveurs javanaises et papoues, et de ces longues palabres au château des navires, pipes déjà bourrées. Ce qu’on fume ensemble, d’ailleurs, le fait tousser. Mauvais tabac que celui du Kyūshū.

Juillet 1635, île de Shishi

Diables de Kōmō ! C’est une petite délégation qui arrive à dos de mulet, arborant drapeau blanc. Je reconnais certaines têtes, rabougries et burinées. Il y a là Van Eck aux bajoues couperosées, Janssen toujours enchapeauté de plumes de paon, Bakker, sec comme un coup de trique. Le conciliabule est courtois, mais remarquablement bref. Ils produisent un édit du clan Matsukura, estampillé par les autorités d’Edo. Nous leur devons soumission, dissolution, et retour sous tutelles de nos Daimyōs respectifs, sous peine d’exécution sommaire. Nos émissaires hollandais nous exhortent à obédience. Leur position est précaire et leur mine déconfite. Ils se savent être instruments de volontés étrangères à leurs intérêts, et simples truchements chrétiens de conflits nippons qui les dépassent. Nous leur garantissons sauf-conduit et demandons une trêve.
Vite, il nous faut prendre la poudre d’escampette, trouver un nouveau havre hors de portée des escouades des seigneurs de Shimabara.

Nous avons, lestés de tous les fardeaux de notre occupation forestière, longé le lit du torrent Nakata jusqu’à son embouchure sur une mer grise et morne. À l’horizon, Shirō pointe du doigt le sommet alangui d’un ancien volcan, le mont Shichiro, dont les versants sont suffisamment sauvages pour s’y replier jusqu’à l’automne. Las ! Les hameaux de pécheurs le long de la côte nous sont hostiles, et c’est le cœur lourd que nous devons prestement assembler des radeaux de fortune pour une traversée audacieuse. Les vents nous sont heureusement favorables, et les rideaux de pluies, qui jouent à oblitérer le paysage tableaux par tableaux, se révèlent de précieux alliés. Nous accostons dans une crique aux écueils affûtés, battue par des nuées cinglantes, et nous trouvons vite une ravine à gravir pour disparaître aux yeux du monde.

Ma Dame, ma vie, je rêve de vous a l’abri d’une simple cabane de branchages. Le papier est humide, mes doigts sont gourds, mes yeux embrumés.

Novembre 1635, Kagoshima

Dieu, que les sources thermales ragaillardissent ! Chaque muscle, chaque articulation semble se dénouer, se soulager un temps de la pesée du corps, léviter un instant dans les vapeurs soufrées. Rituel crépusculaire, devant la nuit qui tombe, qui invite aux songes.

Shirō et moi avons laissé nos baraquements de Shishijima pour nous rendre, par des voies détournées, à Kagoshima. Cet autre grand port du Kyūshū, autrefois florissant, vivote du trafic avec les territoires lointains du Ryūkyū, bien plus au Sud. Nous y recherchons, avec mille précautions, les représentants de l’Eglise, désormais clandestine et mise au ban. Nulle catacombe à visiter à la nuit, nulle gravure de poisson à décrypter sur la pierre, mais des signes voilés, des inflexions presque imperceptibles qu’il nous faut intercepter parmi la populace. Nous nous gardons bien de prospecter deux fois les mêmes lieux, et nous passons de nombreuses journées autour du port en salamalecs marchands, excellente couverture qui se joue de mes regrets et m’encourage à persévérer sans relâche.

C’est mon jeune compagnon qui s’arrête tout à coup. Nous marchons dans le quartier d’Izumichō, dans l’air frais du matin, alors qu’une petite procession suit un char chichement décoré de quelques figurines bouddhistes drapées de robes pourpres. Deux tambours en tête du cortège battent la mesure, tandis que psalmodient les fidèles en litanies coutumières. On distingue pourtant, parmi le flot de ses cycliques syllabes comme une note singulière, chantée d’une voix de femme, qui résonne à nos oreilles incrédules. Oui, sans aucun doute, on perçoit là, mêlées au mantra du Nembutsu des échos du Salve Regina, égrenés sotto voce par bribes intermittentes. Sous le charme de cette mélopée, nous leur emboitons le pas, en gardant nos distances. On progresse lentement le long de la rivière Kotsugi pour pénétrer dans les bois qui recouvrent la colline de Tsurugamine. Le sentier bifurque vers l’entrée d’une bâtisse aux murs nus et blancs, doté d’une simple porte aux battants clos. Le char est là, abandonné. Personne. Shirō se porte volontaire pour y frapper quelques coups hésitants. L’œilleton s’entrouvre, d’un pouce. Je le vois chuchoter longuement, patiemment, avant que ne coulisse enfin le panneau de bois brut. L’accueil est solennel, réservé, anxieux. Nous nous asseyons autour du foyer et gardons le silence. Le regard de nos hôtes – une douzaine d’hommes et femmes, jeunes pour la plupart –, leur retenue, leurs attentes, et la digue saute : Je prends la parole pour conter mes jeunes années de noviciat à Edo, la catéchèse parfois sévère de frère Akira, puis ma découverte du pays, de Hirado, de l’immensité des mers et du Royaume de Dieu sur terre. Je raconte la beauté des rivages d’Annam, la bonhomie des rues de Fai Fo et les offices célébrées dans notre Nihonmachi d’alors, où se mêlaient Japonais, Portugais, Anglais, Annamites, Chinois et même quelques Avignonnais de passage vers Macao. C’est un flot de parole, un torrent de mots après toutes ces semaines d’effroi et d’inconfort. Enfin, la source se tarit et le silence reprend ses droits. Je ne me suis pas senti aussi serein depuis bien longtemps. Un cantique, doucement, résonne de la même voix féminine qui nous avait charmé, que nous reprenons en chœur.  

C’est ainsi, Dame Adorée, que nous communions et prions ensemble, cachés des hommes certes, mais sous le regard miséricordieux du Christ.

Juin 1636, Hitoyoshi

Ebino, Isa, Nishiki, Asagiri, Taragi, Yunomae, Kuma… Dans chacun de ces villages, nous jouissons de l’hospitalité des derniers Chrétiens Kakure – ces quelques croyants qui défient les édits impériaux et communient a couvert. Nous nous proposons d’entendre leurs griefs et de soulager un peu leur peine. Cela fait bientôt plus de trois ans que ces serfs sont assommés de dîmes et de tailles, qui ne leur laisse guère que maigre pitance pour subsister. Fatalistes pour la plupart, ils relèvent un peu la tête lorsque nous évoquons le vent de révolte qui sourd dans tous les fiefs du Kyūshū. Nous ne sommes malheureusement ni assez organisés, ni assez nombreux, pour fomenter une victorieuse insurrection. Aussi parcourt-on le pays de vallée en vallée pour fédérer tous ces opprimés et rallier à nous de rares et précieux soutiens parmi les plus hautes castes. Il faut nous prémunir du clergé shintō, fort zélés pour contrecarrer notre prosélytisme, et prestes à lancer à nos trousses des gens d’arme à la solde du shogunat.

Nous passons ainsi la saison des pluies et des typhons sous des toits de bois moussu, de palmes séchées, de chaume bruni, dans des granges ou des appentis isolés, devisant sur les Evangiles et sur les premiers missionnaires diffusant les Saintes Ecritures aux confins de l’Orient. Nous sommes un petit groupe, mené par Shirō bien sûr, qui toujours trépigne et s’enflamme. Avec nous Mio et sa voix angélique, Katsuhiro, costaud, taciturne et volontaire, et Haruki, plus âgé que moi, affable et craintif. Tous venus de Kagoshima, et voulant suivre nos pas. C’est au cours d’un de ces panégyriques que soudain, à ma grande surprise, fut évoqué celui dont je recherche la trace depuis si longtemps. Oui, ma Dame, oui, celui-là même qui se fit appeler Paulo de Santa Fé, lui, le mystérieux, l’indiscernable Anjirō, premier disciple de François Xavier, dépeint tour à tour comme un indigne soudard ou un irremplaçable et fidèle serviteur.

Ma bien-aimée, enfin, serait-ce un signe, une piste ?

Je ne perds pas une miette de ces ouï-dire, aussi parcellaires soient-ils. De retour de ses voyages d’étude à Goa et Malacca, il aurait ainsi officié quelques années à Kagoshima, avant que notre culte ne soit mis à l’index. Par la suite, il se serait volatilisé, du côté du Shikoku, ou peut-être plus loin, dans la péninsule de Mie. Et puis, quelques mois plus tard, on l’aurait vu, plus hirsute, inintelligible et sauvage que jamais, à la pointe Sud du Kyūshū, sur les côtes de Ibusuki, saoul ou bien illuminé, criant à qui voulait l’entendre qu’il était désormais demi-dieu lui-même, protégé et béni par une gemme tombée des cieux, un fragment d’étoile lui conférant prescience et sagesse. Il se devait alors de quitter ces terres ténébreuses et impies, d’embarquer de nouveau sur les mers, et rayonner sur le monde tel un agneau rédempteur.    

Ma Dame, de telles bribes, entendues au gré de mes navigations, je vous en ai déjà contées, certains soirs de lune ronde. Et voici donc que de nouveaux fils, toujours ténus, viennent corroborer cet ancien récit. Dussé-je explorer toutes ces îles plus au Sud, et revenir vers l’Ouest, je ne reviendrai pas les mains vides. Même mort depuis bien longtemps, je le retrouverai, cet Anjirō fou et sacrilège, et je la ramènerai, son amulette cosmique ! Pour vous, pour que l’Annam vive de quiétude et d’harmonie !

Décembre 1637, île de Yu

Ils sont venus.

Des quatre coins des Neufs Royaumes, ils nous rejoignent secrètement sur cet îlot, au milieu de la mer d’Ariake. Tous encarapaçonnés, tous arborant leurs armoiries, kamon sur cuir, kamon sur bois, kamon sur soie – quand bien même ils seraient bannis de leur clan, ou peut-être par esprit de défiance à l’égard de leurs anciens maîtres. Tous ces rōnins viennent s’agenouiller auprès d’une l’effigie de Sainte-Marie à l’enfant, délicatement modelée d’argile blanchie, pour y déposer qui une torche, qui un peu d’encens, au gré des arrivées. Shirō est là, en retrait, sabres au côté, l’air grave et dangereusement inspiré. Ces guerriers ont pour eux foi inébranlable et soif inextinguible de revanche, et il n’en faut pas beaucoup pour les galvaniser davantage.     

L’heure est venue.

La révolte ne gronde plus, elle détone. C’est le meurtre du collecteur des taxes du domaine de Shimabara, Hyōzaemon-sama, connu pour ses appétits insatiables, qui a mis le feu aux poudres. Les représailles du seigneur Matsukura furent aussi impitoyables que foudroyantes, et les ruines de nombreux hameaux le long de la baie fument encore. Les quelques villageois qui ont pu parvenir jusqu’à nous n’ont plus de mot pour décrire le carnage.

Nous sommes prêts. Nous avons plus d’une centaine d’embarcations déjà gréées, jonques, canots, radeaux – même une petite caraque –, qui peuvent appareiller depuis Misumi, Oura, Amakusa et Oniike. Tout ce que le Kyūshū compte d’hommes valides et baptisés, du plus modeste artisan au plus orgueilleux des samouraïs, est résolu à en découdre. Notre armada de pacotille accoste non loin de l’estuaire de la rivière Mizunashi, et nous prenons d’assaut les murailles du château de Shimabara. La bataille est féroce, l’ennemi, déjà sur ses gardes, nous pilonne avec acharnement. Nous cherchons désespérément une brèche, mais les remparts tiennent et les arquebuses font des ravages. Après une journée d’affrontement, nous nous replions et décidons d’établir un siège. À la nuit, nous enterrons nos morts. Nous sommes multitude, mais manquons d’armes à feu et de carreaux d’arbalète. Nos lances et nos frondes ne peuvent entamer ces fortifications, et ce donjon flamboie de mille artilleurs.

Bien-aimée, je ne tomberai pas devant cette forteresse. Shirō me l’a assuré. Nous sortirons victorieux. Et je poursuivrai ma quête, jusqu’au jour où je me loverai dans votre étreinte, où je sourirai de votre sourire. Où nous serons, à nouveau et pour toujours, réunis.

Aucun commentaire: