- Pardon ?
- Shirasagi, un héron blanc. Très connu, très apprécié par ici.
Il repose le
sceau sur son bureau. Un beau bureau, style années trente, bois lourd, tiroirs
lourds, plateau gainé de maroquin impeccable. Tout, dans la pièce où nous
sommes, semble avoir de la valeur. Il ne m’a pas été recommandé par hasard. Il
est reconnu dans des cercles restreints. Antiquaire, francophone, dont
l’adresse – une vieille maison de brique un peu en retrait du bâtiment
emblématique de Daimaru sur l’avenue Midosuji – ne trahit rien de ce qui peut
se tramer à l’intérieur. Sur rendez-vous uniquement.
Il repousse ses
binocles sur son nez, qu’il a petit. Il est petit. Frêle. Coupe en brosse, d’un
noir de jais. Très bien mis, façon mannequin pour enfant, années trente.
- Vous en êtes sûr ?
- Oh, je ne peux
l’affirmer avec certitude, je ne suis pas expert en Ardeidae, j’en ai bien
peur... Ce hanko semble avoir été gravé juste après la restauration de Meiji,
je dirai, fin XIXe siècle. Très beau travail. Orfèvrerie du Hyogo, j’en suis convaincu,
à voir la courbature du trait, et la qualité de l’ivoire. C’est à coup sûr
un 雅号印, un sceau d’artiste. Rares sont
ceux où ne figurent aucun kanji… Juste cet oiseau stylisé. Étrange.
L’objet, sur le
bureau, semble s’incruster dans le cuir.
- Allez à Himeji.
Au château. On saura qui vous êtes.
Je me perds un
peu dans mes formules de politesse. Mon acolyte lève un avant-bras d’objection,
que je rabaisse doucement. Je récupère
le sceau – le gagō-in, donc – et, étui, poche, nous prenons congé.
Dehors, il pleut toujours
à verse. Étrangement, les rues sont toujours au sec, dans ce quartier
commerçant, recouvertes qu’elles sont de canopées artificielles. Mais les gens
dans le métro du retour ont tous un parapluie mouillé, qu’ils ont soigneusement
emballés de cellophane.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire