lundi 23 octobre 2017

鸛の物語 三


 - Il a une tête de canard ce train.

Il reste dans les comparaisons aviaires, pour garder ton et contenance.

De lui je pourrais dire qu’il est plus grand et plus âgé que moi. Que c’est la première fois qu’il voyage si loin de chez lui. Qu’il est bourru, contradictoire, borné, inquisiteur, instinctif, qu’il m’a à la bonne depuis une vingtaine d’années qu’on bourlingue ensemble, de filatures en investigations plus ou moins légales. On s’est fait une petite réputation sur la place, à force de coups tordus plus ou moins réussis.

Cette escapade là, à l’autre bout du monde, ne ressemble à rien de ce qu’on a pu accomplir jusqu’alors. D’une, c’est une affaire perso. Pour tous les deux. De deux… on est partis sur cette piste nippone en suivant des indices plutôt maigres. Un colis adressé à notre poste restante. Dedans, un étui. Pas d’expéditeur, pas de lettre, pas d’explication. Cachet de la poste japonaise, Osaka, Chuo-ku, daté d’il y a une semaine. Dans l’étui, un sceau en ivoire représentant un oiseau, longues pattes, long cou courbé, bec pointu, et un billet de banque. Une rare coupure de 2000 Yen, avec, griffonnés dessus, trois mots tracés au bic : « Sayonara, mes agneaux ! ».

Ni lui ni moi ne pouvons le jurer, mais on a eu la même idée. On reconnaît l’écriture, on connaît le bonhomme – excellent faussaire, habile contrefacteur, et avec ça, une vraie pie, piètre détenteur de secrets -, disparu depuis des lustres, avec qui nous avons eu, sur la fin, quelques différends.

On a pris le premier avion. Voilà.

Sur le quai, le Shinkansen pour Himeji ouvre ses portes. Se pressent en un ballet bien réglé salary-men, office-ladies et retraités en tenue de montagnards. Ça descend et monte presto, puis le wagon se referme sans un bruit. Et le train part, sans un bruit aussi, glissant de plus en plus vite vers la plaine de Harima.

Himeji est une bourgade qui, sans son château, n’intéresserait pas grand monde. Ou plutôt si, par son caractère typiquement provincial, c’est une ville qui, les mimant toutes, offre donc un condensé vivifiant d’urbanisme local.

Mais Himeji est une bourgade dotée de son château, et ça change tout : on le voit de loin, il surplombe de ses hauts murs blancs toute la plaine. Ses toits s’entassent en guirlandes bleu-gris. Le tout, donjon et dépendances, repose sur des remparts de granit et de grès pâles, en paliers vertigineux.
 - C’est ça, la pièce montée qu’on est venu voir ?
 - Exact. Je te laisse visiter. Connais déjà. J’ai rendez-vous, et ça risque d’être une compet de courbettes. Veux pas t’emmerder avec ça… Avec ta sciatique, tu risquerais de gagner par KO.
 - Pigé. Question d’honneur, et d’articulations.
 - Tout juste, Auguste. Là, prends une brochure, suis le parcours, instruis-toi, pour une fois.

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