- Il est raide, ton donjon. Chapeau bas au charpentier qui l’a
construit ! Le gonze en est mort d’ailleurs, parce que toute la bâtisse
s’est mise à pencher sitôt terminée. Il a cru que c’était sa faute, et sa gueuse
ne l’a pas contredit. Sont montés tous les deux, à l’aube, au faîte, pour
vérifier l’allégation. Le soleil pointe. Elle lui dit, c’est juste, mon amour,
ton grand-œuvre, c’est pas d’équerre. Et lui se jette du toit, un ciseau à bois
dans la gueule pour faire bonne mesure. Question d’honneur, la classe. S’est avéré
que c’étaient les fondations qui n’étaient pas assez solides. Ça s’est affaissé
dans un coin, et crac. Comme quoi, ici comme chez nous, c’est toujours les maçons
qui foirent. Bon, on se boit quoi, après tout ça ? M’ont donné soif, tes
vieilles pierres de Himeji !
Nous sommes assis côte à côte, au comptoir d’un isakaya enfumé et bruyant,
du côté de Motomachi, à Kobe.
On a décidé d’y faire étape, sur la route de Nara, pour un dîner copieux et bien
arrosé, et pour faire le point. On commence par la bière, deux Ebisu glacées bien
sûr, mais ils ont ici des nihonshu pas piqués des hannetons, qu’ils font
fermenter tranquillement à Nada, à l’est de la ville, là où les dockers ont
toujours eu besoin de remontant. On commande à la Pantagruel, kushi kattsu,
sushi, okonomiyaki, tempura, unagi, soba, miso shiru, et on boit du meilleur Hamafukutsuru
Ginjo, et encore de la bière. On finit sur un shoju maison qui nous arrache les
boyaux.
On trouve en titubant un hôtel, pas loin, à Sannomiya, et on s’écroule,
repus et pintés comme des grives. Avant de sombrer, je souris au souvenir de
mes années de classes, pas si loin d’ici, il y a longtemps maintenant. Kobe n’a
pas changé. On s’y couche bien saoul, et toujours satisfait du devoir accompli.
1 commentaire:
L'intro est terriblement génial!!
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